L'année 2013 trébuche et s'enveloppe de mauvais draps. Déjà, l'affaire sheratongate l'engage sans crier gare dans une mêlée politico-économique difficile à supporter. Rafik Abdessalem, ministre des Affaires Etrangères est accusé de se payer le luxe avec des abus de deniers publics outre l'affaire du don chinois dont la comptabilisation du transfert prête à des commentaires douteux jusqu'à établir la vérité. Trop de rififi et le soupçon de magouilles d'un coup monté politiquement colle de très près à cette affaire. Aujourd'hui et loin d'un cas particulier, c'est la problématique de la transparence et de l'intégrité du budget public, de la malversation et l'abus de biens publics qui est en question. Un phénomène séculaire devenant un fléau qui gangrène la prospérité économique du pays mais aussi l'égalité sociale. En effet, la corruption sape les fondements mêmes de l'Etat de droit et mine les bases de la démocratie; elle entraîne une mauvaise utilisation des fonds publics, fausse la concurrence et fait obstacle au commerce et à l'investissement. Comment faire pour endiguer ce fléau ? L'affaire du Sheratongate et du don chinois, ne cache-t-elle pas d'autres affaires ?. Certainement, il y a beaucoup de dossiers casés et qui doivent remonter à la surface. Justice transitionnelle et besoins incessants de l'économie en moyens financiers, obligent. Aujourd'hui la Tunisie est dans une phase de transition et à l'approche des élections, la suspicion devient une phobie. Tant de questions intriguent l'opinion publique et la société civile parmi lesquelles le financement des partis et même des ONG et associations qui fourmillent dans la Tunisie postrévolutionnaire. Bonne gouvernance et transparence financière : quand est ce qu'on passera à l'action ou au plan B et arrêter avec les slogans qui ne mèneront nulle part ? Au lendemain de la Révolution, le gouvernement Jebali a même nommé un ministre chargé de la bonne gouvernance et de lutte contre la corruption. Comment assurer une bonne gestion des deniers publics et juguler le fléau de la corruption et de malversation qui va de la base au sommet de la pyramide ? Moez Joudi, expert économique et président de l'Association Tunisienne de Gouvernance nous livre son point de vue sur le sujet « Le système de déclenchement d'alerte ou le « whistleblowing » est une première solution » « Le problème de gouvernance n'est pas nouveau en Tunisie. La mauvaise gouvernance est le lourd héritage des politiques économiques poursuivies sous l'ère de Ben Ali dont la mauvaise répartition du pouvoir. Après la Révolution, nous avons cru que les choses allaient changer. Hélas, ce n'est pas le cas ! Le concept de bonne gouvernance est un slogan fréquemment scandé et c'est au niveau de l'application que le bât blesse. L'affaire « Sheratongate » laisse apparaître un non respect des formalités et des procédures administratives ce qui mène à une mauvaise gestion de deniers publics. Auparavant, on n'a jamais pillé les caisses de l'Etat. C'est à travers d'autres circuits que les biens mal acquis ont été amassés. Il semble qu'aujourd'hui nos gouvernants soient en train de déstructurer l'administration. A priori, ils sont prêts de dénaturer l'administration pour servir le profit du parti au pouvoir. Les méthodes empruntées ne sont guère respectueuses de normes de bonne gouvernance, elles portent même atteinte à l'image de marque et à la crédibilité de la Tunisie post-Révolution en mettant en avant les bases d'un pourvoir discrétionnaire qui fait passer l'intérêt du parti aux dépens de l'intérêt du pays. L'administration est aujourd'hui vidée et noyautée de ses compétences. Où sont la cour des comptes et la BCT dans tout cela ? La solution selon moi, réside dans la mise en place du système du « whistleblowing » ou de déclenchement d'alerte pratiqué notamment en Europe et aux Etats-Unis. La dénonciation est dès lors la première étape dans la lutte contre la corruption et l'édification des règles de bonne gouvernance. D'où le rôle des médias, de la justice et de la société civile : Bref, des contre-pouvoirs dont le rôle devra être consolidé pour servir l'intérêt national. La diffusion de la culture de bonne gouvernance est une deuxième étape dans la lutte contre les abus de pouvoir. Finalement je reste tout de même optimiste. Autant on déplore cette affaire de sheratongate, autant on salut la dénonciation de l'affaire qui engage le débat sur la transparence financière et la bonne gouvernance » Yosr GUERFEL AKKARI Encadré 1 : Qu'est-ce que la corruption ? La corruption est la perversion ou le détournement d'un processus ou d'une interaction avec une ou plusieurs personnes dans le dessein, pour le corrupteur, d'obtenir des avantages ou des prérogatives particulières ou, pour le corrompu, d'obtenir une rétribution en échange de sa bienveillance. Elle conduit en général à l'enrichissement personnel du corrompu ou à l'enrichissement de l'organisation corruptrice (groupe mafieux, entreprise, club, etc.[1]). C'est une pratique qui peut-être tenue pour illicite selon le domaine considéré (commerce, affaires, politique...). La définition la plus large est « l'abus de pouvoirs conférés par une fonction publique à des fins d'enrichissement personnel ». Dans un pays donné la corruption est d'autant plus importante que les institutions sont faibles. En fait, la corruption peut prendre des formes qui dépassent l'individu et les frontières. La bonne gouvernance ? La gouvernance désigne l'ensemble des mesures, des règles, des organes de décision, d'information et de surveillance qui permettent d'assurer le bon fonctionnement et le contrôle d'un Etat, d'une institution ou d'une organisation qu'elle soit publique ou privée, régionale, nationale ou internationale. Selon l'IT Governance Institute, la gouvernance a "pour but de fournir l'orientation stratégique, de s'assurer que les objectifs sont atteints, que les risques sont gérés comme il faut et que les ressources sont utilisées dans un esprit responsable". Elle veille en priorité au respect des intérêts des "ayants droits" (citoyens, pouvoirs publics, partenaires, actionnaires...) et à faire en sorte que leurs voix soient entendues dans la conduite des affaires. Initialement utilisé pour désigner la manière dont un gouvernement exerce son autorité économique, politique et administrative et gère les ressources d'un pays en vue de son développement, le concept de "gouvernance" a ensuite été étendu à la gestion des entreprises. Issu de la théorie micro-économique et de la science administrative anglo-saxonne, la notion de "bonne gouvernance" a été diffusée dans les années 1990 par la Banque mondiale, comme la condition nécessaire des politiques de développement. La gouvernance repose sur quatre principes fondamentaux : la responsabilité, la transparence, l'Etat de droit et la participation. (Toupie.org)