Vendredi 8 février. L'horloge affiche 10 heures du matin. Les banlieues villes du Grand-Tunis sont encore dans les bras de Morphée. C'est l'effet de la grève générale décrétée par l'Union Générale des Travailleurs Tunisiens (UGTT) et à laquelle ont appelé les partis de l'opposition. Observée pour la deuxième fois dans l'histoire de la Tunisie, la décision de la grève est prise cette fois-ci pour s'insurger contre l'assassinat de Chokri Belaïd, secrétaire général du Parti des Démocrates Patriotes Unifiés, le 6 février, ainsi que la recrudescence de la violence politique en Tunisie. 10 heures 15 minutes, à la Nouvelle Médina à Ben Arous (Sud de la capitale), les marchands de légumes ainsi que quelques commerces limitrophes au marché municipal exposent, déjà leurs produits aux consommateurs. Dans ce quartier, les citoyens ont été à première vue gâtés. En plus des pharmacies et des boulangeries qui ont répondu favorablement à l'appel de l'UGTT pour assurer ainsi leurs prestations, d'autres commerces offraient leurs produits très volontiers. L'épicier du coin, le vendeur des fruits secs voire des buvettes ont ouverts leurs portes en cette journée de grève. A l'avenue principale de la Nouvelle Médina, le trafic ne bat pas son plein. Quelques voitures circulaient à une vitesse rapide alors que habituellement, il leur est difficile d'avancer facilement. A la station, une vingtaine de passagers attendaient désespérément l'arrivée des bus qui se faisaient rares en cette journée très particulière. A priori, les moyens de transport en commun n'assurent pas le service à l'exception d'un bus qui venait tout juste de passer. Circulation...très fluide La tournée dans les parages venait de s'achever pour se diriger vers la principale artère de la capitale ; l'avenue Habib Bourguiba. Longeant la grande avenue de France qui traverse la zone industrielle de Ben Arous, les voitures ont pu trouver leur chemin très rapidement. Le trajet est fait en quelques minutes alors que lors des jours ordinaires les bouchons rendent la tâche très difficile aux automobilistes. Toutes les administrations (Tunisie Télécom, la CNSS, le tribunal...) situées au niveau de cette zone sont fermées. D'ailleurs il était très facile de se rendre à Mégrine pour regagner le centre ville de la capitale. Le parcours est fait en quelques petites minutes. En arrivant à l'avenue de la République, la circulation était également, très fluide. Cet endroit souvent asphyxié par la circulation et les klaxons des véhicules perd quant à lui son rythme quotidien. Les agents de la circulation omni présents dans les ronds points ont eu droit une petite pause ce matin. D'ailleurs, les voitures qui venaient d'arriver à l'avenue Habib Bourguiba ont pu avancer sans l'assistance des agents de la police routière, malgré que les feux de signalisation fussent en panne. A quelques mètres. Les fils de fer barbelés sont placés devant le ministère de l'Intérieur. L'avenue principale de la capitale est parsemée des agents des forces de l'ordre. A gauche et à droite, tous les espaces de loisirs, les cafés, les banques, les commerces sont fermés. Contrairement à la Nouvelle Médina, les commerçants n'ont pas voulu s'aventurer. Ils ont d'ailleurs veillé à la fermeture de leurs boutiques qui risquent d'être pillées d'un moment à l'autre. A l'exception des piétons curieux, des automobilistes et des agents de la police l'avenue Habib Bourguiba et les rues limitrophes ont perdu de leur rythme quotidien. Ambiance monotone A 11 heures du matin, pas très loin, à l'avenue du Ghana, quelques commerçants ont décidé de ne pas arrêter leur activité quotidienne. D'ailleurs, ils ont pu tirer profit de cette journée de grève. Les foules des consommateurs qui faisaient la queue devant les vendeurs du lait et dérivés attiraient l'attention des passagers. Pas très loin, à l'avenue Mohamed V, la circulation est monotone. L'ambiance est la même dans toutes les principales artères de la capitale. C'est clair, l'attention des Tunisiens est orientée aujourd'hui vers le cimetière du Jellaz où les funérailles de Chokri Belaïd auront lieu après la prière d'Al Asr. Tout le monde s'est donné rendez-vous dans cet endroit pour dire Adieu au militant qui n'a cessé de défendre ses idéologies et surtout les libertés. La Tunisie est en deuil en ce jour nuageux, où larmes et pluies se mélangent de temps à autre. Tous inquiets, les Tunisiens ne pensent qu'à l'avenir, au sort du pays qui reste inconnu après ce drame. Des appels ont été lancés dans ce sens pour inciter tous les citoyens à se serrer les coudes pour protéger la patrie. C'est ce qu'on peut lire sur les panneaux de publicité fixés dans les différentes rues de la capitale. « Il faut qu'on soit tous unis pour la Tunisie », n'a cessé de répéter Chokri Belaïd. Son appel a été bien accueilli par la quasi-totalité des citoyens qui ont décidé d'observer la grève à l'exception de ceux qui profitent de cette situation pour semer la pagaille et la zizanie dans le pays, tel était le cas devant le cimetière, le centre ville ainsi que dans différentes régions.