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Entre rire et larmes
Publié dans Le Temps le 12 - 07 - 2014

[D'abord Professeur-chercheur à l'Université de Paris-Sorbonne et philologue de grande notoriété dont les multiples travaux en linguistique, en grammaire, en stylistique, en rhétorique et en poétique sont souvent publiés chez les éditeurs français les plus prestigieux et utilisés dans toute bonne entreprise de recherche en la matière, Joëlle Gardes Tamine est connue aussi, depuis de nombreuses années, comme romancière, nouvelliste et poète. « A perte de voix », qui vient de sortir à Paris, aux éditions de L'Amandier -ayant déjà publié, en son honneur, les Mélanges qui lui ont été offerts par ses collègues et amis du monde entier, « La poésie est grammairienne » ( 2012, 400 pages)- est son dernier recueil de nouvelles auquel la critique française a déjà réservé une réception favorable, voire élogieuse. ]
Avant de s'éteindre en Juin 2014, feu Georges Molinié, immense connaisseur de la poésie moderne, écrivait, dans la revue « Europe », parlant des poèmes de Joëlle Gardes Tamine, L'eau tremblante des saisons, ce qui suit : « C'est le chant du lyrisme de notre modernité, désespéré et tragique, à ras la peau, sans pathos et sans larmes » (Janvier 2012).
Mais si, dans cet autre livre de cette remarquable nouvelliste française s'inscrivant dans la continuité d'une œuvre profondément marquée par une intelligence vive et une « sensibilité féroce », pour employer l'expression de Jacques Lovichi, il serait difficile de parler de lyrisme, malgré la prépondérance des mots de la première personne dans la plupart des nouvelles et l'importance des sentiments exprimés, on parlera quand même, sans doute, de désespérance et du tragique qui s'étalent, à perte de vue et à perte de voix, telle une nappe invisible et flottante sous ces 13 textes écrits en deux versions antithétiques, rose et grise, mais qui versent tous, à régime variable, et par delà l'ironie et le rire, dans un fond grave fait d'inquiétude, d'angoisse et de larmes retenues, par philosophie, par pudeur ou encore par désespoir.
En effet, dans ces nouvelles d'inégale longueur, tout aussi attachantes les unes que les autres et dont les titres à eux seuls ont une forte puissance évocatrice (« A perte de voix », « Le réveillon », « Eddie B », « Impostures », « Les souffrances du barbouilleur », « Le garde du corps », « la répétition », « Une femme d'ordre », « L'écuyère », « Le cerf », « La parenthèse », « Les couteaux » et « Le béret de ratine »), le personnage ("Elle" ou "Je") est souvent une femme assaillie par une certaine solitude et qui tente, comme elle peut, d'y échapper. De là, le retour au passé, à l'enfance, l'intérêt soudain à la chandeleur et aux crêpes, la rêverie, le rêve d'un homme costaud, docile et serviable (Hilaire). Et quand, dans "Le garde du corps" (version rose), pour échapper à la désespérance qui le guette, le personnage, en mal d'être, se laisse emporter par le fantasme revivifiant du garde du corps fictif, dans "Une femme d'ordre" (version grise), il se donne enfin la mort (la noyade dans le fleuve) pour mettre fin à sa solitude ou à sa dépression : « (...) des promeneurs ont retrouvé son corps, coincé dans des rochers de la rivière. Elle avait laissé une enveloppe matelassée, bien en vue » (p. 131).
Mais, par delà le contenu à travers lequel transparaissent les qualités d'une écrivaine attentive aux mœurs de sa société et marquant un recul critique par rapport aux conventions, à une certaine morale sociale ou encore à une « doxa » ; une écrivaine au fond très sérieuse, mais qui sait se détacher un peu de son statut social et de son univers intellectuel et intégrer la peau d'une femme ordinaire capable de légèreté, d'humour, de raillerie et de rire ; par delà tout cela et qui attache agréablement à ces nouvelles, il y a aussi le rythme imprimé aux textes et à la narration et qui est, en permanence, soutenu et vif qui maintient vivante l'attention du lecteur et l'arrime solidement au texte. Les phrases bien coupées, bien ordonnées, bien distribuées, sans fioritures, jamais alambiquées, s'enchaînent avec aisance et laissent entrevoir, derrière la créatrice, la grammairienne chevronnée, douée, qui a fait de la phrase et du Texte toute une carrière, bien brillante, voire toute une vie ! L'écriture est limpide et simple, mais c'est une simplicité difficile qui procède de ce qu'on pourrait appeler "le facile inaccessible" ou « la simplicité difficile », c'est-à-dire fort peu facile à produire et à imiter. C'est une maîtrise très forte de la syntaxe qui produit cet écoulement phrastique et textuel souple, aisé et entraînant avec saveur le lecteur. La fine ironie, toujours présente qui palpite sur la crête des indicibles vagues pleines, lourdes de désespérance, agrémente aussi la lecture, même si elle ne parvient pas à dissimuler complètement la gravité de la vision et de l'être.
Enfin, on n'aurait peut-être pas tort de penser, eu égard à cette étonnante limpidité scripturale, fruit sûr d'un patient labeur sur le langage, que A perte de voix de Joëlle Gardes Tamine est aussi, comme d'autres l'ont bien constaté, une réflexion, en parallèle de la narration, sur les mots de la littérature faisant face à l'usure du Temps traître, obscur.
R.B.
A perte de voix, Joëlle Gardes, Paris, Editions de l'Amandier, 2014, 192 pages


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