Alors que le juge d'instruction chargé de l'affaire a émis, vendredi dernier, trois mandats de dépôt à l'encontre des trois présumés assassins du policier Mohamed Ali Cheraâbi, l'affaire connaît un nouveau rebondissement suite à la décision de la Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle (HAICA) de sanctionner certaines chaînes de télévision ayant diffusé la vidéo intégrale ou des extraits des aveux des principaux suspects de ce meurtre. La séquence filmée en question a été publiée mardi dernier sur la page Facebook du ministère de l'Intérieur et a été visionnée plus de 270 000 fois sur les réseaux sociaux et largement partagée. On peut y voir trois individus avouer, à tour de rôle, le meurtre du policier à El Fahs. Les cinq chaînes concernées par la décision de la HAICA sont Nessma, Al Wataniya 1, Zitouna, TNN et Hannibal Tv. L'information a été annoncée via communiqués. Ces médias sont tenus d'arrêter la rediffusion des émissions au cours desquelles des extraits des aveux filmés ont été retransmis. La vidéo devra aussi être retirée des sites internet et autres pages officielles de ces chaînes sur les réseaux sociaux et aucune photo extraite de cette séquence filmée ne pourra désormais être exploitée, en attendant que la HAICA statue définitivement sur ces dossiers. Sanctions en vertu de la loi Toujours selon les communiqués publiés, cette vidéo serait contraire aux principes universels des droits de l'Homme et à la présomption d'innocence dont bénéficie chaque citoyen dont la culpabilité n'a pas encore été prouvée et établie par un jugement du tribunal. L'instance précise s'être appuyée sur différents textes de loi pour prendre sa décision, dont l'article 27 de la Constitution qui stipule que « tout prévenu est présumé innocent jusqu'à l'établissement de sa culpabilité dans le cadre d'un procès équitable », mais aussi l'article 11 de la Convention Universelle des droits de l'Homme qui précise « toute personne accusée d'un acte délictueux est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d'un procès public » ainsi que les articles 5 et 30 du décret-loi N° 2011-116 du 2 novembre 2011, relatif à la liberté de la communication audiovisuelle. La HAICA condamne également les propos de Mohamed Ali Aroui invité sur le plateau de « Ness Nessma News » le 6 janvier dernier. Suite à la diffusion d'un extrait de la vidéo des aveux, le porte-parole du ministère de l'Intérieur a déclaré que « Ces gens-là (les présumés coupables, ndlr) n'ont aucune place en Tunisie. Les Tunisiens les méprisent déjà et va les rejeter encore plus lorsqu'ils visionneront les enregistrements et les photos. Comme je l'ai dit et comme indiqué dans un ‘‘hadith'' , ils sont répugnants physiquement et moralement. Vous allez voir comme leurs visages sont laids et leur moralité abominable. » Victoire de la démocratie Cette décision de la HAICA a été positivement accueillie par maître Ghazi Mrabet qui s'est insurgé lors de la diffusion de cette vidéo sur les réseaux sociaux et a déclaré être choqué par son contenu. Il s'est également demandé si ces trois accusés auront droit à un procès équitable et s'ils n'étaient pas condamnés d'avance. Suite à ses propos, l'avocat a été la cible de critiques acerbes et attaques virulentes de la part de ceux qui estiment que les criminels n'ont aucun droit et ne doivent pas être traités en vertu de la loi et des traités internationaux garantissant à chacun le doit à un traitement digne. Certains sont même allés jusqu'à accuser Ghazi Mrabet de blanchir les terroristes et de soutenir le terrorisme. En apprenant la décision de la HAICA, le juriste s'est déclaré heureux et apaisé avant de préciser qu'il pardonnait tous ceux qui l'ont insulté, menacé et mal compris. Il a ajouté : « C'est la victoire de tout le peuple tunisien. C'est la victoire de la démocratie ! mes derniers propos ont été mal interprétés. Je ne cautionne aucunement le terrorisme mais j'estime que chaque citoyen, quelle que soit l'accusation qui lui est portée, a droit à la dignité. Diffuser des aveux filmés n'a aucun sens puisqu'ils peuvent avoir été prononcés par peur de représailles et chaque accusé a le droit de se rétracter à tout moment. Il ne faut jamais accuser de facto une personne avant sa condamnation par un juge. Un accusé est innocent jusqu'à preuve du contraire. De plus, la vidéo diffusée peut influencer l'opinion publique et perturber le bon déroulement de l'enquête. Pire encore, ces accusés ayant avoué leur crime peuvent avoir un ou plusieurs complices qui composeront et prépareront leur défense selon ces aveux, s'ils sont un jour arrêtés. J'estime que la décision de la HAICA est juste et je suis plus que jamais optimiste pour l'avenir de la démocratie et du respect des droits de l'Homme en Tunisie.»