Le chef du mouvement islamiste d'Ennahdha, Rached Ghannouchi, se fait de plus en plus remarquer par ses déclarations médiatiques où il met, à chaque fois, le doigt sur des dossiers brûlants de l'actualité tunisienne. Etant donné que la lutte contre le terrorisme fait partie des priorités majeures de la Tunisie depuis quelques mois, le leader islamiste ne rate plus d'occasion pour afficher ses positions et celles de son mouvement vis-à-vis de cette lutte : combattre l'extrémisme par l'Islam modéré. Un Islam des lumières qui serait défendu et promu par Ennahdha. De ce fait, et à chaque apparition médiatique, Rached Ghannouchi met l'accent sur la nécessité de combattre le terrorisme en protégeant nos enfants de l'extrémisme religieux et des mauvaises interprétations du texte sacré. Ce même Ghannouchi qui affirmait, il y a à peine quatre années de cela, que les salafistes sont les enfants de la Tunisie (et non pas ceux de la planète Mars), qu'ils portent un nouveau projet culturel et qu'ils lui rappellent même sa jeunesse. Ce discours-là n'est plus à la mode en 2015 ; Ghannouchi l'a bien compris. Au lendemain de son rapprochement avec le mouvement Nidaa Tounes – après que ce dernier ait été diabolisé par les Nahdhaouis pendant au moins deux années – Ghannouchi s'emploie aujourd'hui à défendre, farouchement, toutes les décisions prises par le gouvernement d'Habib Essid ou par le chef de l'Etat, Béji Caïd Essebsi. Alors que la décision de la construction du mur de sécurité au niveau des frontières tuniso-libyennes a suscité la révolte d'une grande partie des forces opposantes et des gouvernements libyens, Ghannouchi s'est dépêché de défendre cette décision et de l'expliquer aux Libyens. En effet, et au cours d'un dîner de rupture de jeûne organisé par Ennahdha à l'honneur d'un groupe de dirigeants politiques libyens, il a assuré à ses hôtes que le mur est certes une nécessité mais une nécessité provisoire. Avant d'ajouter que Libyens et Tunisiens doivent s'unir pour arrêter le sang que fait couler le terrorisme depuis des années. Le détail à retenir ici c'est que tous les dirigeants libyens présents à ladite soirée font partie du gouvernement de Tripoli, celui qui n'est pas reconnu par la communauté internationale... Au cours de cette semaine, et en intervenant sur les ondes de la radio Jeunes, Rached Ghannouchi a appelé tous les Tunisiens à l'union nationale sacrée et au report de toutes les ‘batailles' et les divergences, même celles liées aux idéologies, pour l'après-guerre contre le terrorisme. Celui qui disait, dans une vidéo fuitée datant de plus de deux années, que l'Armée ‘n'est pas encore garantie', appelle aujourd'hui tout le peuple à s'unir autour des forces armées du pays. Même si la mutation est l'une des bases fondamentales de la politique, il reste encore difficile de croire à la crédibilité de tels changements vu leur ampleur. En moins de trois ans, et après une bonne période passée au pouvoir, le mouvement d'Ennahdha tente aujourd'hui de s'imposer en tant qu'alternative à l'Islam radical et aux partis dits laïques et modérés qui n'ont malheureusement pas encore réussi à s'imposer sur l'échiquier politique. Avec un chef comme Rached Ghannouchi, maîtrisant l'art de la communication et du discours, Ennahdha essaie, tant bien que mal, de s'imposer en tant que chef de file de la lutte contre le terrorisme en prévision des prochaines échéances électorales.