Une réunion de travail concernant le rapatriement des biens mal acquis de l'étranger, présidée par Mohamed Salah Ben Aïssa, ministre de la Justice, a eu lieu hier au siège du ministère et à laquelle étaient présents, Michael Lauber procureur général fédéral suisse, Rita Adam, ambassadrice de la Suisse en Tunisie, ainsi qu'un certain nombre de personnalités suisses et tunisiennes. Le procureur fédéral a fait montre de sa bonne volonté ainsi que celle des autorités suisses, à accélérer davantage les procédures déjà engagées, en vue de rapatrier les biens et avoirs qui ont été détournés par l'équipe mafieuse de l'ancien régime, dont le président déchu lui-même, et certains parmi ses proches. Il faut « accélérer les procédures juridiques en vue de trouver des solutions rapides efficaces pour le rapatriement des avoirs détournés et déposés dans les banques suisse ». D'autant plus que la Suisse a bloqué l'équivalent de 60 millions de francs suisses pour la restitution des fonds à leurs propriétaires légitimes. Le ministre de la Justice de son côté, a fait part de sa satisfaction de l'excellent niveau de coopération entre la Tunisie et la Suisse, dans plusieurs domaines, en mettant en exergue la nécessité de poursuivre cet effort de notamment en ce qui concerne les biens détournés et déposés en Suisse, en vue de trouver une solution idoine pour clore ce dossier par le rapatriement de ces biens en Tunisie le plus rapidement possible. Imbroglio juridique En fait, de multiples difficultés entravent le processus de rapatriement de l'étranger des biens mal acquis. La bonne volonté ne suffit pas, il faut agir au plus vite. Or, le obstacles sont aussi bien juridiques que politiques. La récupération des biens spoliés et détournés par la mafia de l'ancien régime et déposés à l'étranger, que ce soit sous forme de liquidités ou de biens immobiliers, tire sa légitimité des objectifs de la Révolution. Les commissions rogatoires internationales envoyées par la Justice tunisienne à l'étranger (14 à des pays européens 10 à des pays arabes) depuis déjà quelques années sont restées infructueuses pour la plupart. André Dumont, avocat français et spécialiste en droit financier, a déclaré dans une intervention au cours d'un colloque organisé par le Conseil national de l'ordre des avocats en 2011 que « la somme détournée par Ben Ali et ses proches est estimée entre 80 et 105 milliards), ajoutant que « La Tunisie a une faible chance de récupérer toute la somme ; elle ne peut récupérer qu'entre 1 et 4% chaque année ». Cela est du notamment à la procédure juridique, dans laquelle intervient la notion de territorialité de la loi rattachée à celle de la souveraineté. Il y a également la question de secret bancaire qui doit être levé dans les cas de détournements de biens, et qui ne l'est pas dans certains pays. Des pays comme la Suisse ou le Canada ont promulgué des lois permettant la restitution de l'argent mal acquis. Il faut par ailleurs prouver la provenance de cet argent, ce qui n'est pas exigé par certains pays. La Suisse a promulgué récemment des lois en ce sens et c'est ce qui explique l'intervention du procureur fédéral, venu pour exhorter en quelque sorte les responsables tunisiens à accélérer la procédure judiciaire pour la récupération de ces biens mal acquis. Quid de la loi sur la réconciliation économique ? Cette loi ne constitue nullement un obstacle pour la récupération de l'argent mal acquis, car elle ne concerne pas les dossiers qui font l'objet de procédure devant la Justice, dont notamment les dossiers de corruption, de blanchiment d'agent et de détournement. La chemin est peut-être, mais la bonne volonté existe, et il ne reste donc pour les parties prenantes qu'à s'atteler à la tâche, malgré les imbroglios judiciaires et les méandres de la procédure.