Au cours d'un colloque organisé hier par l'Association des magistrats tunisiens concernant les deux projets de loi sur la Cour constitutionnelle, et sur le Conseil supérieur de la magistrature , et auquel ont été conviés des membres de la société civile dont notamment des juristes, des représentants d'associations de défense des droits de l'Homme, et des médias, Raoudha Karafi a ouvert le débat pour mettre en exergue les points devant être revus dans les deux lois, qui ne préservent pas dans leur mouture actuelle, l'indépendance de la magistrature, et contreviennent aux principes d'impartialité et d'équité garantis par la Constitution. -Concernant le projet de loi sur le Conseil supérieur de la magistrature, un recours a été présenté par l'AMT en Avril 2015, à l'Instance provisoire de l'Ordre judiciaire qui par arrêté du 8 juin 2015, l'a déclaré contraire à la Constitution. La commission de législation au sein de l'ARP a déclaré que ce dernier est confus et comporte plusieurs contradictions. Raoudha Karafi a souligné que l'avis de la commission est dans le but de tergiverser et de prolonger les délais d'adoption dudit projet de loi, ce qui risque de retarder l'institution du Conseil supérieur de la magistrature. Il est nécessaire, a-t-elle précisé, afin d'appliquer l'arrêté de l'Instance provisoire de l'Ordre judiciaire, à bon escient, de revoir le projet émanant du gouvernement afin d'amender les articles déclarés contraires à la Constitution par l'Instance de l'Ordre judiciaire, à savoir, les articles 4, 10, 11, 12, 17, 42, 43, 60 et 81. En réalité, et en vue d'une bonne application de l'arrêté de l'Instance de l'ordre judicaire, il importe de présenter le projet de loi initial émanant du gouvernement en date du 12 mars 2015 afin de requérir l'avis de ladite instance, pour le soumettre ultérieurement à la discussion de l'ARP en séance plénière. C'est ce qu'a refusé la Commission de législation générale de l'ARP, en se contentant d'introduire des révisions sur ledit projet, révisions qui ont requis d'ailleurs l'accord du gouvernement. Le Conseil supérieur de la magistrature est le meilleur garant de l'indépendance du juge. L'idée de la création d'une instance provisoire pour l'indépendance de la magistrature est dans le but de concrétiser et de consolider l'indépendance de la magistrature. Administrativement, les juges dépendent jusqu'à présent de l'exécutif, et ce, concernant leur nomination, ainsi que leur mutation ou leur révocation. L'ancien conseil supérieur de la magistrature, était un organe qui par le passé avait permis à l'exécutif de garder la mainmise sur la magistrature. Il est temps que cet organe passe le relais à une instance, qui œuvrera à l'institution d'un corps judiciaire, totalement indépendant du pouvoir exécutif. Ce n'est qu'en assurant son indépendance qu'il préservera son intégrité et son impartialité. C'est en effet ce qui est garanti désormais par la Constitution en vertu de son article 114 la bonne marche de la Justice doit être garantie de part sa composition qui doit jouir de l'impartialité et de l'intégrité nécessaires à une justice équitable et loin de tout intérêt partisan. -Concernant la Cour Constitutionnelle c'est également le problème qui se pose concernant la désignation de certains parmi ses membres. Intervenant ce point, le magistrat Mohamed Ben Létaief, vice président au tribunal de première instance de Sfax a posé la question judicieuse de savoir si la Constitution garantit que les désignations au sein de la Cour Constitutionnelle, ne soient pas à caractère politique ? En effet il est stipulé dans l'article 118 de la Constitution, que ces désignations sont faites par le président de la République, c les députés de l'ARP, et le Conseil supérieur de la magistrature, à concurrence de 4 membres chacun, pour constituer le tiers des membres s'élevant au nombre de 12. « Cela va impliquer que les deux tiers restants, seront désignés par des instances politiques, et c'est par là même qu'interviendront infailliblement des allégeances politique » a fait remarquer le magistrat Mohamed Ben Létaief ajoutant que cela se confirmera davantage, si le président qui désigne lui-même quatre membres, appartient au parti majoritaire à l'assemblée. Autant de points qu'il est nécessaire de revoir aussi concernant le projet de loi sur le Conseil supérieur de la magistrature que sur la Cour constitutionnelle qui constituent les deux piliers de la magistrature. C'est à travers ces deux instances que sera garantie une Justice équitable, préservant les droits et les libertés en vertu des principes constitutionnels intangibles, dans tout régime démocratique.