Depuis le 25 février et jusqu'au 15 mars, la Galerie Aïn de Salammbô organise une exposition collective qui réunit plusieurs artistes. Cette exposition met en regard, à travers une vingtaine d'œuvres, un ensemble restreint mais significatif de tableaux signés par des peintres de générations différentes : des années soixante du siècle dernier jusqu'à aujourd'hui, ce qui nous donne une idée sur l'évolution de la peinture en Tunisie. Les exposants sont Mokhtar Hénène (peinture) Habib Saïdi (peinture), Bady Chouchène (peinture), Mohamed Baâti (peinture), Hechmi Marzouk (sculpture), Fatma Samet (tapisserie), Abdelhalim Thabouti (peinture) et Chiraz Chouchène (peinture). La question du geste, de la touche, du temps et de l'espace dans la peinture, le jeu autour du réel et du rêve, entre figuration et abstraction, ainsi que l'emploi de la matière et de la variété chromatique sont au centre de cette exposition. Certes, les travaux de ces peintres se rapprochent, dans la mesure où les générations se transmettent les expériences et les démarches, cependant les créations des uns et des autres présentent, selon le regard du spectateur, à la fois des affinités et des divergences. Affinités, car les nouvelles générations héritent de leurs prédécesseurs la passion de l'art, la transcendance du réel et l'imagination créatrice. Divergences, car la vision du monde change d'une génération à une autre, d'où l'adoption de nouvelles approches pour se confronter à de nouvelles réalités sous de nouveaux angles. En somme, toute génération apporte sa part de contribution dans la promotion des arts plastiques. C'est le changement dans la continuité. Mokhtar Hénène qui compte parmi les tout premiers peintres après l'indépendance incarne le réalisme dans ses travaux concentré notamment sur la Médina, la vie quotidienne et le patrimoine. Habib Saïdi, peintre des années soixante-dix, est arrivé de l'étranger où il était élève du même professeur que Mahmoud Shili, avec une nouvelle vision de l'art plastique et introduit de nouvelles touches dans la création picturale, notamment dans l'emploi de la matière, devenue abondante, dense et plus élaborée, en jouant beaucoup sur la composition en oscillant entre le figuratif et l'abstrait. Bady Chouchène se caractérise par rapport à Saïdi par la touche qui engendre le rythme dans la composition, si bien que la toile devient plus animée, plus dynamique. La lumière aussi est quasi omniprésente dans les travaux de Chouchène. Mohamed Baâti opte plutôt pour une démarche plutôt fantastique ou onirique, mais ses tableaux ne manquent pas de transparence. Fatma Samet est parmi la génération des années 80, élève de Safia Farhat, elle essaie de rénover l'art de la tapisserie. Outre cette matière de laine qu'elle utilise dans ses deux ouvrages exposés, elle introduit le fil de cuivre, ce qui crée un certain contraste entre deux matières, l'une est chaude et douce (la laine), l'autre est plutôt froide et rigide (le cuivre). L'autre innovation de Samet consiste à joindre à son produit un aspect sonore, dans la mesure où les franges du tapis sont munies de morceaux de métal qui, dès qu'ils s'entrechoquent, ils produisent une sonorité douce et agréable. Histoire de satisfaire deux sens : la vue et l'ouïe. Abdelhamid Thabouti arrive dans les années 90, avec une nouvelle figuration d'où se dégage une picturalité du mouvement, du geste et de la touche. Ces trois tableaux évoquent avec outrance la passion et le rêve dans le couple, moyennant des touches de couleurs fougueuses et chaleureuses. Chiraz Chouchène est la fille de l'artiste-peintre Bady Chouchène, la plus jeune des générations présentes dans cette exposition. Ses deux tableaux intitulés « Où est l'homme ? » évoquent la préoccupation de l'artiste par l'actualité amère de son pays. On peut ainsi voir ce souci investi dans ses travaux essentiellement abstraits : un contraste entre le noir et le blanc fait penser à deux mondes contradictoires, deux extrémismes. Hechmi Marzouk, sculpteur tunisien, connu surtout pour les différentes sculptures d'Habib Bourguiba, est présent dans ce groupe avec ses petits ouvrages sculptés sur cuivre et sur bois.