« Evangile de la terre » est le titre du nouveau recueil de poésie de Jalal El Mokh. Un titre énigmatique, dans la mesure où le lecteur comprend, de prime abord, qu'il s'agit de la religion chrétienne et de la vie de Jésus Christ, alors que « Evangile » renvoie ici aux supplices, aux malheurs et aux tourments sévissant sur notre Terre et subis par l'humanité, à cause de l'intolérance, de l'injustice, de l'indifférence et de la violence, allusion faites sans doute aux peines physiques et morales endurées par le Christ, cet homme hors du commun qui a fait parler de lui dans le monde entier et dont la patience et le dévouement ont inspiré plus d'un poète, sachant que sa naissance, sa vie, sa mort et sa résurrection, reprises par le Coran, ne laissent pas indifférent. D'ailleurs, tous les poèmes de ce recueil sont inspirés de faits et de personnages évangéliques. Mais ce n'est là qu'une allusion historique et spirituelle, mais les textes de notre poète parlent bel et bien de notre époque. La couverture est un tableau de Picasso qui représente la crucifixion de Jésus Christ, une œuvre posthume de Picasso que le peintre avait réalisée suite à une rupture avec sa première femme mais qui restait cachée jusqu'après la fin de ses jours. Ce tableau évoque la souffrance causée par cette séparation. Le choix de ce tableau en guise de couverture rime en quelque sorte avec le contenu de ce recueil, dans la mesure où on traite de questions fondamentales comme la vie et la mort, l'essence et l'existence, l'être et le paraître, l'engagement pour une cause déterminée, le sacré et le profane, Dieu et l'homme, la révolte et le martyre, l'exploitation de la religion pour des buts personnels... Ce sont donc ces questions qui sont soulevées dans ce recueil, questions qui demeurent d'actualité, puisqu'elles ne cessent de se renouveler à travers les siècles. Dans les vers suivants choisis dans le poème intitulé : « La messe de l'ignorance sacrée » (p. 94) : Ô Grand prêtre / A qui je dis cette messe/ Ô rabbin, imam et curé/ Vous qui voulez entasser la mer dans une bouteille/ Et mettre le rayon du soleil dans une boîte/ Et emprisonner la lueur de l'aube dans une cage/..., le poète dénonce ces hommes religieux qui parlent au nom de la religion, souvent par ignorance, pour atteindre leurs objectifs.Dans cet autre poème intitulé « L'Antéchrist » (p. 104), on peut lire : « On vous a dit au lever du jour : Méfiez-vous des prophètes imposteurs/ ils vous apparaîtront sages comme des moutons/ En réalité ils ne sont que des loups voraces/Aux crocs acérés/... Et le soir, on vous a dit : Vous les reconnaîtrez par leurs actes/ Aurait-on jamais récolté du raisin à partir des épines ? Vous attendrez-vous à ce que le cactus produise des pommes/ Auriez-vous vu naître des épis de blé à partir d'herbes parasites ?... Ces vers font allusion aux groupes terroristes qui menacent notre pays depuis quelque temps; le poète met en garde les citoyens de ne pas céder à leurs appels ni à leur mauvaise foi. Ce nouveau recueil de 119 pages comprend 17 poèmes assez longs qui sont reliés entre eux par un fil conducteur : la révolte et la rébellion sur les injustices terrestres. En fait, si l'Evangile du Christ renvoie au salut du Ciel, « l'Evangile de la Terre» de Jalal El Mokh cherche le salut de l'humanité sur la terre. Si Jésus disait à ses disciples : « Mon royaume est dans le ciel », or c'est du royaume terrestre qu'il s'agit dans ce recueil. En final, le poète, s'érigeant comme un homme révolté contre l'ordre établi, prêche le salut de l'homme dans la paix, le bonheur, la beauté et la poésie ! Le poète puise donc ses idées dans un document historique, un texte sacré, tel que nous l'enseigne le Coran, pour en expliciter les valeurs universelles établies depuis de longues dates et décrier les contradictions répandues dans ce monde et qui entraînent des bouleversements souvent désastreux au niveau des individus, des communautés, des religions et des sociétés.Si les textes sont agencés suivant la biographie du Christ, allant de sa nativité jusqu'à sa crucifixion en passant par la Cène, l'on se trouve cependant à la fin du recueil en face d'une chute : c'est Spartacus, ce héros qu'on fait crucifier pour s'être révolté contre ses maîtres en voulant libérer les esclaves. Ce renversement des faits montre bien la démarche du poète qui prend son départ de l'« Evangile » céleste, pour aboutir à un « Evangile de la terre ». Si Jésus recherchait le salut de l'humanité en haut dans le Ciel, le poète aspire au salut de l'humanité ici-bas, sur la Terre. En d'autres termes, le mouvement ascendant du Christ, qui tend vers le Ciel, est transformé en mouvement descendant chez notre poète qui souhaite tout simplement voir les valeurs morales et les préceptes de l'Evangile, qui sont basés sur la paix, le salut et la fraternité, dans le monde terrestre. Le poète adopte un langage soutenu mais abordable. Un style clair, rythmé et pas trop orné. Cependant, le lecteur de ces poèmes devrait avoir une certaine connaissance sur l'histoire du christianisme et sur la religion chrétienne pour pouvoir comprendre certains événements cités par le poète.