Avec ce congrès de toutes les attentes, prévu ce 22 mai, Ennahdha est en train de passer à la vitesse supérieure à quelques mètres de « l'arrivée » qui porterait la centrale islamiste tunisienne vers des horizons plus cléments pour la Tunisie après avoir vécu les tentations totalitaristes au nom de la religion des premiers temps de la Troïka. Le « concert » se fait au mode de la douceur du compromis dirigé par un chef d'orchestre, des plus habiles, le cheikh Rached Ghannouchi, qui a compris, le premier, et l'un des rares parmi les siens, que la Tunisie millénaire de Didon et Hannibal jusqu'à Bourguiba, en passant par le maître du rationalisme Abderrahmane Ibn Khaldoun, ne peut pas être apprivoisée par la force ou la contrainte et encore moins par la prédication obscurantiste d'Orient essentiellement sculptée par les « Frères musulmans » d'Egypte depuis un siècle. Et comme dans tous les sports (la politique étant le sport suprême des sociétés humaines depuis qu'Aristote a qualifié l'Homme d'animal « politique et social », les équipes qui gagnent sont celles qui ont les meilleures défenses, et non pas les meilleures attaques malgré les apparences. Ennahdha, après avoir pratiqué « l'attaque » contre la « modernisation » de l'Etat national construit pierre par pierre depuis les premiers Hafsides, consolidé par la dynastie husseinide et libéré par le mouvement nationaliste tunisien et après avoir subi un revers et une semi-défaite, aux dernières élections de 2014, a joué la défense et le profil bas se faisant un peu oublier mais toujours présent. En effet, contrairement à beaucoup d'autres formations politiques, dont le vainqueur potentiel Nida Tounès, lui-même, Ennahdha a bien capté le message des Tunisiennes et des Tunisiens dont le 1 million de « Hraïer Tounès » qui ne veulent pas d'une théocratie religieuse à l'iranienne, saoudienne ou les dérivées des ténèbres nouvellement répandues par le projet funeste et barbare de « l'Etat islamique » et de Daëch dans le croissant fertile moyen-oriental. Notre peuple est fondamentalement musulman mais avec une spécificité incomparable dans le monde musulman, et sans nulle autre pareille en terre arabe, un Islam heureux, qui aime la vie, la joie, qui célèbre la fête, la musique et la culture dans tous ses modules et qui rejette la contrainte qu'on veut lui imposer au nom de la « Chariaâ » qui n'est qu'une lecture orientée de la religion. Finalement, Ennahdha a bien compris que les Tunisiens étaient bien dans leur peau musulmane de leurs ancêtres. Depuis, Ennahdha a franchi bien des étapes vers l'acceptation de la démocratie « civile » allant jusqu'à organiser avec les Allemands un « workshop » sur l'expérience de la démocratie chrétienne et la « CDU » au pays de Goethe et de Schiller, et qui est l'expression par excellence de ce que la science politique désigne de nos jours par la « laïcité chrétienne ». Voilà qui est un peu plus rassurant ! Mais, tout cela reste enveloppé dans un nuage, mi-gris, mi-blanc, quand il s'agit de prendre position sur des questions stratégiques et tactiques pour les « islamistes politiques » de par le monde. M. Erdogan, notre ami, qui est le « modèle » à suivre et qui est adulé par nos nahdhaouis de la haute sphère est lui aussi passé par là ! Il a déployé un parti islamiste au départ plus que modéré, mais une fois les commandes en main, surtout aux élections municipales, le système est devenu verrouillé et inamovible, à telle enseigne que le régime parlementaire que Ennahdha et le cheikh Rached Ghannouchi ont tout fait pour l'instaurer en Tunisie, commence à présenter quelques fissures et la Turquie semble avoir pris le cap du présidentialisme « Hard et de l'Etat fort.. Par conséquent, Ennahdha est bien sur orbite « erdoganienne » qui, reconnaissons-le, a fait une très bonne croissance économique au pays de Mustapha Kamel Attaturk. Mais la question du « Daâwique » (prédicationnel) reste entière, même si le parti islamiste dit vouloir « séparer le politique... du daâwique). Ce qui est très différent de la séparation du politique et du religieux. Faisons la part des choses... SVP ! En se déchargeant du « daâwique » pour le compte de la « société civile » et des « associations » périphériques totalement acquises à l'Islam politique, Ennahdha fait d'une pierre deux coups. Elle nous berce par l'illusion que les tentations « hégémoniques » de l'islamisme politique sont bien derrière nous, mais elle conserve intactes et même plus efficacement ses batteries de pénétration de la société tunisienne et sa mécanique de mobilisation et d'intégration à grande échelle en commençant par le commencement : l'enfance et la femme. Quelqu'un peut-il nous dire où est passé l'UNFT depuis la troïka ! Juste un mot pour la fin. Toutes les cellules terroristes démantelées depuis deux ans et les toutes dernières celles d'El Mnihla, en sont les prototypes, ont été formées dans les « tentes dites daâwiques »... ! Alors, qui oserait, aujourd'hui, le rappeler. Silence... on tourne ! KG