Il semblerait que l'initiative présidentielle – concernant la formation d'un gouvernement d'union nationale – est sur la bonne voie. En tout cas, c'est ce que ne cessent d'affirmer les différentes parties prenantes au dialogue, qui se déroule au palais de Carthage, et ce depuis la signature du document de synthèse. Toutefois, la déclaration de Faouzi Abderrahmane, membre du bureau politique d'Afek Tounes, est venue mettre du doute dans toute l'affaire puisque le concerné a assuré que le document en question n'a pas été signé vu les divergences qui séparent les intervenants. Indépendamment du sort de l'initiative présidentielle, son plus grand impact a touché, directement, le mouvement de Nidaa Tounes. Supposés se réunir autour de Béji Caïd Essebsi afin de lui fournir le soutien dont il a besoin, les dirigeants du mouvement majoritaire ont préféré rebondir sur l'initiative pour régler leurs comptes personnels. Cela a commencé avec l'élection, en mai dernier, de Sofiene Toubel à la présidence du bloc parlementaire du mouvement. La mise à l'écart de Mohamed Fadhel Ben Omrane du même poste avait amené Ridha Belhadj à démissionner de la direction du cabinet présidentiel dans un premier temps pour quitter, par la suite, la direction du comité politique. Profitant de ce vide, le clan de Hafedh Caïd Essebsi a réussi à faire passer – lors de la tenue des journées parlementaires le 22 mai dernier – la composition du bureau exécutif issue du très controversé congrès de Sousse ; ce même congrès qui avait, en début de l'année, causé une avalanche de démissions au sein de Nidaa Tounes. Protestant contre ce qu'ils qualifient comme étant une main basse sur le parti de la part du fils du président de la République, Ridha Belhadj et quelques uns de ses partisans, ont appelé à évincer Caïd Essebsi junior de la direction du mouvement et de tout poste de décision. Les protestataires ne se sont cependant pas arrêtés à cette demande puisqu'ils ont publiquement attaqué l'initiative du chef de l'Etat en la déclarant anticonstitutionnelle. Juriste de formation, Ridha Belhadj a mené une série d'interventions médiatiques à travers lesquelles il a tiré à boulets rouges sur l'initiative. Belhadj estime, en effet que, selon les articles 89/95/97/99 de la Constitution, il n'est possible de retirer le soutien politique au chef du gouvernement qu'en passant par le retrait de confiance de l'Assemblée des représentants du peuple. Se basant sur l'article 3 de la Constitution – qui stipule que le pouvoir revient au peuple qui l'exécute à travers ses élus et non pas à travers les partis politiques – Ridha Belhadj a expliqué que sans le retrait de confiance parlementaire et sans manifestation populaire claire et directe contre le gouvernement actuel, il n'existe aucune procédure légitime permettant à la présidence de la République de se lancer dans une telle manœuvre. Répondant à ces remises en question, les députés de Nidaa Tounes ont publié un communiqué où ils ont dénoncé ‘les vaines tentatives de certains de bloquer et de parasiter l'initiative présidentielle. Le bloc parlementaire a appelé le comité politique du mouvement ‘à prendre les mesures nécessaires contre ceux qui ne respectent pas les décisions des institutions du parti et qui tentent de provoquer le chaos sur la scène politique nationale'. Suivant l'exemple des députés, sept ministres de Nidaa Tounes ont publié un autre communiqué où ils ont dénoncé les mêmes pratiques que leurs collègues. Les ministres concernés ont annoncé que l'initiative de Béji Caïd Essebsi demeure l'issue la plus fiable pour que le pays sorte de sa crise politique, économique et sociale. Le document en question a été donc signé par tous les ministres de Nidaa Tounes à part celui chargé de la relation entre le gouvernement et l'Assemblée des représentants du peuple ; Khaled Chaouket. Chaouket qui, rappelons-le, avait publié un communiqué au nom de la présidence du gouvernement annonçant qu'Essid ne comptait pas démissionner. Un communiqué démenti, dans son intégralité, par le chef du gouvernement... Ces tiraillements internes nous renvoient à ceux qu'a vécus le mouvement au lendemain des élections de 2014, plus précisément au moi de mars 2015. A l'époque, l'objet de la crise tournait autour de la légitimité disputée entre le bureau politique (qui venait de voir le jour) et le comité constitutif. Aujourd'hui que ces deux entités ont disparu, il semble que la guerre de positionnement ait repris de plus belle entre le bloc parlementaire et le bureau exécutif du mouvement. Entretemps, l'initiative présidentielle manque sévèrement de soutien et Béji Caïd Essebsi demeure en stand by de celui qui aurait dû être son principal allié.