Le processus de la formation du gouvernement d'union nationale est entré, hier, dans sa phase finale et cruciale consistant en l'examen des candidatures proposées par les différents partis politiques aux postes des divers portefeuilles ministériels. Ceci voudrait dire, d'abord, que toutes informations précédentes quant aux listes d'une telle ou autre équipe gouvernementale, n'étaient, en fin de compte, que de pures intox destinées à augmenter les chances d'untel ou à griller » un tel autre nom. Contrairement à la période précédente, cette fois, les listes des candidats proposés, sont immédiatement annoncées d'une manière publique et officielle, à l'instar du parti d'Ennahdha dont le président, Rached Ghannouchi, a vite fait de dévoiler les noms des ministrables. Une première lecture dans cette liste fait ressortir que de nombreuses « grosses pointures » du parti islamiste n'y figurent pas à l'instar d'Ali Laârayedh et Abdellatif El Mekki. Ce dernier, plus particulièrement, aurait fait des pieds, des mains et même des « dents » pour reprendre son « bien », à savoir le ministère de la Santé. La deuxième constatation réside dans la présence de candidats qualifiés modérés et proches du chef du mouvement qui connaît, désormais, de fortes hostilités de la part de ceux qu'on appelle, désormais, les faucons. La liste, présentée officiellement, comprend, donc, Imed Hammami, porte-parole du parti islamiste, Zied Ladhari, ministre actuel de l'Emploi et de la Formation professionnelle dans le gouvernement sortant, Lotfi Zitoun, Ahmed Gaâloul, Saïda Lounissi, Maherzia Laâbidi, Riadh Bettaieb, Samir Dilou et Oussama Sghaïer. D'autre part, on apprend que M. Ghannouchi aurait exprimé le vœu de voir les deux ministres de souveraineté, en l'occurrence, celui de l'Intérieur, Hédi Mejdoub, et de la Défense, Salah Horchani, maintenus à leurs postes, afin qu'ils « poursuivent leurs efforts dans la lutte contre le terrorisme ». Ainsi, le parti islamiste semble reprendre du poil de la bête et impose ses desiderata. Outre le fait qu'il exige l'obtention d'un minimum de quatre départements ministériels, Ennahdha aurait exigé, également, le départ de Yassine Brahim du prochain gouvernement ainsi que Noômane Fehri, ministre des Technologies de la communication et de l'Economie numérique. Dans les coulisses, on dit que le parti islamiste n'a pas pardonné à M. Brahim d'avoir refusé son feu vert pour le démarrage du projet auquel il tient tant, à savoir, celui de Tunisia Economic City, le «mega projet» projeté à Enfidha. Ennahdha n'a pas pardonné à Yacine Brahim le fait d'avoir « placé au frigo » Amel Azzouz, l'ex-députée dans l'Assemblée nationale constituante (ANC), nommée secrétaire d'Etat chargée de la Coopération internationale dans le nouveau gouvernement Essid. Un autre fait marquant lors de ces tractations est cette proposition faite par Youssef Chahed, chef du gouvernement désigné, au député du Front Populaire (FP), Mongi Rahoui, pour occuper un poste ministériel à caractère économique. Ce qui est intéressant, cette fois, est que M. Rahoui a réservé sa réponse en attendant de consulter ses pairs au Front populaire qui, rappelons-le, a refusé de participer aux concertations ayant suivi l'initiative lancée par Béji Caïd Essebsi. Ainsi et en attendant l'issue de la réunion d'Al Jabha et étant donné que Mongi Rahoui n'était pas d'accord avec le Front sur la décision de boycotter l'initiative présidentielle, Youssef Chahed, semble par sa proposition, avoir bien calculé son coup dans le sens où il pourrait créer une brèche au sein d'Al Jabha, pourtant une des formations politiques les plus disciplinées et les plus solidaires. Selon les observateurs, de deux choses l'une. Ou bien, le Front donne son feu vert à son dirigeant d'intégrer le gouvernement d'union nationale, ce qui signifie une sorte de trêve tacite avec le prochain cabinet. Ou alors, il refuse, ce qui risque fort de provoquer une crise entre les éventuels partisans et autres détracteurs de Mongi Rahoui. Reste, maintenant, à connaître les listes des autres formations politiques pour mieux se prononcer sur la nature de ce gouvernement dont la formation est entrée dans sa dernière ligne droite, sachant que les noms les plus attendus sont ceux qui seront donnés par Nidaa Tounès qui n'arrête pas d'enchaîner les crises et les querelles intestines. On saura, d'ici peu, lequel des clans entre celui de Hafedh Caïd Essebsi ou de ses opposants aura le dernier mot. Une parenthèse s'impose ici concernant le vœu suscité d'Ennahdha de voir le ministre de l'Intérieur reconduit à son poste. En effet, le maintien de Hédi Mejdoub conduirait au maintien du directeur de la sûreté nationale, Abderrahmane Haj Ali qui vient d'être reçu par Youssef Chahed, sachant que Hafedh Caïd et son clan, notamment les Abdelaziz El Kotti et Sofiène Toubel, ont clairement signifié la nécessité de se « débarrasser » de ce directeur. Or, tous les rapports prouvent sans la moindre équivoque, le concours précieux et déterminant qu'il aurait apporté à la situation sécuritaire dans le pays qui a enregistré de nombreuses réussites à un point tel qu'on évoque le retour de plusieurs autres noms de hauts cadres et techniciens du département de l'Intérieur qui avaient été limogés en 2011, d'un simple trait de stylo du mystérieux Farhat Rajhi sur conseils et consignes de certains « droits-de-l'hommistes » de l'époque qui avaient investi les locaux du ministère à l'Avenue Habib Bourguiba. Les incertitudes pèsent encore sur certains noms, notamment ceux de certains jeunes. Iyad Dahmani, Mehdi Ben Gharbia, Slim Azzabi, Noureddine BenTicha, Wael Toukabri sont autant de personnalités jeunes, compétentes et ambitieuses qui auraient été approchées pour être intégrées dans le cabinet au Palais de La Kasbah. Autre point qui reste à éclaircir est celui dont on parle avec insistance à savoir le rejet des candidats occupant le poste de député à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP). En tout état de cause, Youssef Chahed assure à tous ceux qui l'ont approché, au cours des derniers jours, qu'il tient à respecter les clauses de l'Accord de Carthage et à honorer les engagement qu'il a pris et annoncés solennellement dans sa première déclaration après avoir été officiellement chargé de la formation du gouvernement.