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«Les décideurs politiques ont une grande responsabilité pour offrir à nos jeunes plus de rêves»
Publié dans Le Temps le 18 - 09 - 2016

* «Des fiançailles à 12 ans est une forme de maltraitance et nécessite une protection par les autorités compétentes.»
* «La prévention du suicide nécessite une stratégie pluridisciplinaire impliquant plusieurs secteurs devant la diversité des facteurs de risque et des populations vulnérables.»
* «La médiatisation du suicide peut conduire à des vagues de suicide. C'est ce qu'on appelle l'effet «Werther». Il a été bien documenté dans les études scientifiques réalisées dans plusieurs pays à la suite de vagues de suicide.»
* «L'amélioration de l'avenir des jeunes implique aussi une amélioration de l'environnement scolaire, un meilleur accès à la formation professionnelle, la lutte contre le chômage, la lutte contre la délinquance et la toxicomanie.»
* «La médiatisation du suicide peut conduire à des vagues de suicide. C'est ce qu'on appelle l'effet «Werther». Il a été bien documenté dans les études scientifiques réalisées dans plusieurs pays à la suite de vagues de suicide.»
* «L'amélioration de l'avenir des jeunes implique aussi une amélioration de l'environnement scolaire, un meilleur accès à la formation professionnelle, la lutte contre le chômage, la lutte contre la délinquance et la toxicomanie.»
* «Les données tunisiennes en matière de suicide ont montré une tendance à l'augmentation, et ce, depuis plus de 10 ans, surtout ces dernières années. Le recours à des moyens plus violents a été observé depuis 2011, ce qui a des conséquences lourdes sur les patients qui font des tentatives de suicide.»
-Le Temps : Une grande polémique a été provoquée par la publication des photos des fiançailles d'une jeune fillette de douze ans à un jeune adolescent de quinze. Certains sont moins choqués que d'autres et expliquent que les fiançailles ne valent rien sur le plan juridique. Que pensez-vous de cet ‘incident' ?
Fatma Charfi : Je pense, comme beaucoup d'entre nous, qu'envisager une telle « union » est très grave, et préjudiciable pour l'enfant. Envisager des fiançailles pour un enfant va certainement entraver le développement affectif et la période d'adolescence. A cet âge, le corps de l'enfant est en pleine transformation pubertaire, l'adolescence est une étape importante dans la vie de chacun, et doit être vécue avec sérénité. Il est important de sensibiliser le grand public sur les conséquences et les préjudices d'un tel acte, tellement prématuré, dont la valeur symbolique est certainement plus importante que le « niveau juridique ». Je pense à tous les effets négatifs sur l'avenir de cette enfant dans son épanouissement personnel, affectif et social. J'espère que les actions entreprises actuellement vont permettre à la famille de la jeune fille de prendre conscience de l'impact de cette décision, de sa gravité, et de prendre les mesures nécessaires.
-Le délégué de l'Enfance a accordé une déclaration très étrange où il a expliqué que le corps de la fillette est assez ‘mûr' et qu'elle semble être consentante. Quel impact pour une telle position de la part du représentant officiel des autorités concernées dans cette affaire ?
Il me semble qu'une décision de le démettre de ses fonctions a été prise, compte tenu du fait que l'enfant n'a pas eu la protection qu'il faut. En Tunisie, nous avons la chance d'avoir un système de protection de l'enfance, depuis plus d'une vingtaine d'année, qui a été mis en place quand la Tunisie a ratifié le Code de la Protection de l'Enfance. Même si ce cas précis ne figure pas en tant que tel dans le texte relatif à l'enfance en danger dans le code de la protection de l'enfance, il n'en demeure pas moins que l'esprit et la philosophie de ce code est de considérer que chaque enfant qui subit un acte entravant le bon déroulement de son développement psycho-affectif, est un enfant en danger. C'est la raison pour laquelle, le rôle des acteurs de la protection de l'enfance est d'être vigilant face à ce type de situation. Des fiançailles à 12 ans est une forme de maltraitance et nécessite une protection par les autorités compétentes.Des situations similaires devraient être évitées par une politique de prévention et de sensibilisation. Nous assistons, en effet, de plus en plus à des nouvelles formes de « maltraitance » parfois ambigües ; c'est pourquoi le législateur, les décideurs, les acteurs de la protection de l'enfance et même la société civile doivent se pencher sur ces questions pour garantir la protection de notre jeunesse en particulier ceux qui sont exposés à ces dérives.
- La lutte contre le suicide, un défi à relever', tel a été le thème de la journée scientifique organisée, en fin de la semaine dernière à Beït Al Hikma. Que pouvons-nous retenir de cette manifestation ?
Cet évènement a été organisé à l'occasion de la Journée internationale de lutte contre le suicide et la Tunisie fait partie des pays qui font de la prévention du suicide. Cette journée de réflexion a réuni plusieurs conférenciers de différentes spécialités ainsi qu'un public intéressé. Ont été évoquées l'évolution du suicide depuis dix ans dans le contexte tunisien, l'évolution du profil des sujets qui se suicident par le feu ou qui tentent de s'immoler par le feu au cours des dernières 40 années, travail présenté par le Pr Amanellah Messadi, fondateur du service des grands brûlés de Ben Arous. Cet acte d'immolation malheureusement encore présent et préoccupant, s'inscrit très souvent dans une dimension politique ou de protestation, comme l'a précisé le Pr Kerrou, sociologue et politologue. La prévention du suicide nécessite de ce fait une stratégie pluridisciplinaire impliquant plusieurs secteurs devant la diversité des facteurs de risque et des populations vulnérables. Le rôle des médias a aussi été évoqué, tant sur le plan de la prévention -par l'information du public cible sur les signes d'alerte et les personnes ressources-, que sur les risques d'une médiatisation inappropriée et excessive. La mise en place de directives en matière de couverture médiatique du suicide a été recommandée. Enfin, les interventions de psychiatre, pédopsychiatre et anthropologue ont porté sur la souffrance des personnes suicidaires, toujours présente, et qui nécessite d'être entendue tant par l'entourage que par les professionnels. Ecouter cette souffrance permet dans plusieurs cas de désamorcer la crise suicidaire. Cette crise est souvent momentanée, marquée par l'ambivalence quant aux idées suicidaires, avec une recherche de solutions à la souffrance et une tentative de vivre autrement. C'est pourquoi d'ailleurs, dans notre comité de lutte contre le suicide, nous avons mis en place un programme national de formation des intervenants de première ligne en matière de dépistage et de prise en charge des sujets suicidaires. Le débat du colloque a été aussi enrichi par les points de vue de l'islamologue et du juriste, qui donnent des réponses sur la compréhension de ces aspects tout aussi importants.
-Les chiffres relatifs au suicide en Tunisie deviennent de plus en plus alarmants. Quelles en sont les principales causes selon vous ?
Le terme « alarmant » n'est pas adapté eu égard aux statistiques, mais ce qui doit être mis en avant c'est que le suicide est évitable, et que nous devons conjuguer nos efforts pour inverser la tendance actuelle dans notre pays. En effet, les données tunisiennes en matière de suicide ont montré une tendance à l'augmentation, et ce, depuis plus de 10 ans, surtout ces dernières années. Le recours à des moyens plus violents a été observé depuis 2011, ce qui a des conséquences lourdes sur les patients qui font des tentatives de suicide. C'est cette tendance qui nous inquiète. Les causes sont multiples, le suicide est dans la plupart des cas en rapport avec la présence d'une maladie psychiatrique, c'est le facteur de risque le plus important. La dépression est le trouble le plus pourvoyeur de conduites suicidaires, mais tous les autres troubles peuvent conduire à ces comportements. Comme par exemple, les troubles de la personnalité et la toxicomanie, qui est devenu un véritable fléau. Améliorer le suivi et le traitement des maladies psychiatrique est donc un impératif et une nécessité si on veut lutter contre le suicide. A coté de cela, d'autres facteurs peuvent être à l'origine d'une vulnérabilité sur le plan individuel et conduire aux comportements suicidaires quand le sujet est confronté à des facteurs de stress. Dans ce dernier cas, le sujet n'arrive pas à affronter ces difficultés et passe à l'acte. Parmi ces facteurs, on peut citer: un environnement pathogène, des évènements de vie négatifs, un échec ou plusieurs échecs, une humiliation, des conditions de vie difficiles, un traumatisme, la maltraitance dans toutes ses formes, etc. On retrouve souvent une accumulation plusieurs facteurs qui vont submerger la capacité de l'individu à faire face à ses difficultés, auxquelles s'ajoutent l'isolement et l'absence de communication avec l'entourage.
-On cite souvent le traitement médiatique comme l'une des causes de cette importante évolution. Concrètement, quelles sont les habitudes à bannir de nos médias lorsque l'on se penche sur un sujet aussi délicat que cela ?
La médiatisation du suicide peut conduire à des vagues de suicide. C'est ce qu'on appelle l'effet « Werther ». Il a été bien documenté dans les études scientifiques réalisées dans plusieurs pays à la suite de vagues de suicide. Ce risque de « contagion » concerne les sujets déjà vulnérables au suicide, qui exposés à certains reportages ou faits médiatiques, précipitent le passage à l'acte suicidaire. Ce risque est important quand il s'agit de témoignage de sujets suicidés, en particulier quand la méthode suicidaire est exposée, les caractéristiques de la victime sont précisées, les causes du suicide sont simplifiées ou réduites au facteur précipitant et quand l'histoire est traitée de manière sensationnelle et en termes positifs, pour ne citer que les principaux facteurs impliqués dans l'effet Werther. Nous avons vécu en Tunisie une vague de suicide chez les enfants et les adolescents fin 2014, la médiatisation a été particulièrement excessive, et à des heures de grande audience. Il faut aussi rappeler que le rôle des médias est très important pour la lutte contre le suicide. C'est pourquoi la promotion d'une couverture médiatique permettant de sensibiliser le grand public sur ce phénomène et de transmettre les messages permettant aux citoyens le recours aux structures de soins et aux réseaux d'aide est importante.
-Quand on dit suicide, on dit misère et blocage au niveau des horizons. Toutefois, il est difficile de songer à ces deux volets quand on parle de suicide des enfants de moins de quinze ans...
Concernant le suicide des enfants de moins de 15 ans, c'est l'une des situations très préoccupantes. On a recensé 17 cas en 2015. Leur problématique est souvent complexe, ces cas sont souvent secondaires à des problèmes de santé mentale et/ou des problèmes de maltraitances physiques ou sexuelles avec une défaillance de dépistage et de prise en charge, donc un environnement peu favorable. De manière générale, il faut traiter le mal être des enfants et des jeunes. Certains sont soumis à des facteurs d'adversité psycho-sociales, et qui doivent attirer l'attention de tous les acteurs: cliniciens, travailleurs sociaux, enseignants et délégués de la protection de l'enfance. Il est important d'améliorer leur prise en charge qui ne peut se faire que de manière pluridisciplinaire, et j'insiste beaucoup sur cet aspect. On le fait déjà dans notre pratique quotidienne mais beaucoup d'efforts restent à faire pour améliorer l'accès aux soins à ces jeunes, et l'accès aux structures de loisir et d'aide scolaire. Pour répondre à votre question qui concerne les conditions sociales des jeunes et les difficultés de projection dans l'avenir, l'important est de conjuguer nos efforts pour apporter à nos jeunes une meilleure qualité de vie et de nouvelles perspectives malgré les difficultés rencontrées. Cet objectif ne peut se réaliser sans une volonté politique et sans une relance économique. Par ailleurs, en dépit des difficultés sociales et économiques, on peut améliorer la santé mentale des jeunes en proposant des activités sportives et culturelles, en améliorant les conditions de scolarité, tout ceci dans le but d'apporter l'espoir, une meilleure estime de soi et des meilleures compétences de vie pour faire face à l'adversité.
-On dit que nos jeunes sont devant trois choix : le suicide, l'immigration clandestine ou la radicalisation. Manquons-nous de rêve et d'espoir en Tunisie ?
La Tunisie passe par une grande crise, sociale, économique et même identitaire. Le contexte actuel n'est pas assez favorable pour permettre à nos jeunes de rêver, de se projeter, de se construire parfois, ce qui conduit beaucoup d'entre eux à ces choix malheureusement « suicidaires ». Les décideurs politiques ont une grande responsabilité pour offrir à nos jeunes plus de « rêves ». Il faut aussi rappeler que la situation des jeunes vivant dans les zones rurales est très préoccupante et explique ce désarroi. De même, la précarité et le chômage qui frappent une bonne partie de nos concitoyens sont source de mal être et de pessimisme. A ceci s'joute souvent un climat de violence très présent en intra et extra familial, pouvant être parfois la conséquence de ce mal être. Par ailleurs, il existe une véritable crise dans la dynamique familiale, avec souvent une faillite de l'autorité parentale et du rôle protecteur de la famille. Tout ceci nous préoccupe et je pense qu'il faut une volonté politique pour améliorer cette situation. L'amélioration de l'avenir des jeunes implique aussi une amélioration de l'environnement scolaire, un meilleur accès à la formation professionnelle, la lutte contre le chômage, la lutte contre la délinquance et la toxicomanie. Pour être un peu positive, il faut rappeler le travail fait par les associations qui s'est beaucoup développé ces dernières années. De même, on peut se réjouir de la créativité et des productions dans plusieurs domaines culturels qui se sont multipliés depuis 2011, car la liberté a permis la créativité et davantage d'expression artistique. Tout ceci peut apporter un meilleur bien être à nos jeunes et leur permettre d'être plus résilient et donc plus positifs pour affronter les aléas de leur parcours.


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