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Franchise en Tunisie : Ange ou démon ?
Publié dans L'expert le 19 - 02 - 2020

Le développement des franchises en Tunisie connaît une ascension fulgurante, et plusieurs marques internationales s'installent de plus en plus en Tunisie. Certaines marques tunisiennes, et elles ne sont pas beaucoup, ont commencé aussi à créer leurs franchises et même à les exporter. Cette croissance, dans le deux sens, est jugée par certains comme signe d'ouverture économique et de modernisation du secteur commercial. Pour d'autres, les franchises sont sources de plus de déficit commercial, de désindustrialisation du pays, et de changement brusque de mode de société. Entre les deux avis, il est légitime de poser la question : les franchises sont ils ange ou démon ?

Un secteur en plein essor, et une législation contraignante :
L'activité de la franchise est généralement récente en Tunisie. Elle remonte à la loi n° 2009-69 du 12 aout 2009 relative au commerce de distribution, et surtout le décret n°2010-1501 du 21 juin 2010 qui a défini la liste des activités de franchise soumis à autorisation, même si l'activité de la franchise existait avant cette loi mais n'était pas règlementée. Cette législation a été jugée par certains comme restrictive, puisqu'elle a mis des barrières à l'entrée. C'est aussi une législation qui donne un grand pouvoir à l'administration, à travers le plafonnement du contrat de franchise à 5 ans renouvelables sur avis de l'administration, l'impossibilité pour certaines franchises de s'approvisionner totalement sur le marché local surtout pour les franchises de restauration. S'est ajouté à cette législation contraignante, un niveau d'imposition accablant, élevé depuis la loi des finances 2018 à 35%.
Selon l'arrêté précité, les franchises étrangères acceptées de droit et sans demande d'autorisation préalable sur le territoire tunisien doivent se développer exclusivement dans les 26 secteurs suivants :
* Secteurs de distribution :Parfumerie, produits de beauté et cosmétique – Prêt-à-porter – Chaussures – Maroquinerie – Articles et chaussures de sport – Produits diététiques – Horlogerie – Articles de cadeaux – Lunetterie – Articles de ménage grand public – Meubles – Plantes d'intérieur et fleurs – Quincaillerie et articles sanitaires – Matériel électronique et informatique – Librairie – Biens d'équipement pour divers secteurs.
* Secteur touristique : Location de voiture– Aires de loisir – Gestion des hôtels.
* Secteur de la formation :Formation professionnelle.
* Autres activités économiques : Service de dépannage – Salons de coiffure de beauté et d'hygiène corporelle – Services de réparation et de maintenance (auto, électronique … ) – Services d'appui à l'abandon du tabagisme – Services de soins dans les hôtels – Thalassothérapie.
En dehors de ces secteurs, les franchiseurs doivent obtenir une autorisation préalable du ministère du Commerce, sur avis du Conseil de la Concurrence pour pouvoir exporter les droits d'entrée et les royalties de leurs franchisés. Concernant les franchises nationales, le législateur n'a mis aucune restriction.
Durant les 5 dernières années le rythme d'ouverture des franchises en Tunisie s'est accéléré et plusieurs marques internationales ont ouvert sur le marché tunisien. Les ouvertures ont gagné aussi en variété : on trouve les habillements et chaussures, les services, la restauration, l'immobilier, les produits de beauté,…La variété a couvert aussi les pays et on trouve des franchises françaises, espagnoles, italienne, et aussi américaines qui sont de plus en plus attentifs au marché tunisien malgré sa petite taille. Témoin de cet intérêt américain, la publication, avec un soutien financier de l'ambassade des Etats Unis en Tunisie, du premier guide de la franchise, ou la mise à disposition d'un fonds de 50 millions de dollars pour les franchiseurs tunisiens, pour financer leurs projets.

Qu'apporte réellement une franchise :
Lors d'un voyage à l'étranger en 2010, un ami français, m'a dit : je viens de visiter votre pays, et en cherchant de manger un big mac, on m'a informé qu'il n'y a de Mc Donald's en Tunisie. Comment un pays comme le vôtre qui accueille plus de 7 millions de touristes, n'a pas cette enseigne ? ». La question m'a interpellé. En effet, l'implantation des franchises dans un pays est signe d'ouverture et d'intégration dans le commerce et l'économie mondialisée.
C'est aussi un levier de croissance économique à travers la création d'entreprises et d'emplois. Rien qu'en France le chiffre d'affaire de la franchise totalise en 2018 plus de 62 milliards d'euros, avec 75200 franchisés. Dans le monde on compte plus de 30.000 franchises, avec plus de 3000 aux Etats Unis. En Tunisie, on compte des franchises nationales (Mazraa, Masmoudi, Chahia, Maison Turki,…), et plus d'une soixantaine de franchises internationales. Rien que pour les franchises de textile et habillement, et selon la chambre syndicale, le secteur emploi plus de 3000 personnes, et génère des recettes pour l'Etat de 128 millions de dinars, alors que les importations ne dépassent pas 50 millions de dinars annuellement. Jusqu'en 2019, on compte plus de 70 marques représentées en Tunisie, dont plusieurs chez la même société. Les franchises les plus importantes sont dans le textile et habillement, suivi de la restauration, ensuite l'immobilier.
Investir dans une franchise c'est aussi une réduction de risque d'échec. En effet, le taux de défaillance d'une franchise est faible ne dépassant pas 10%, puisque le franchisé hérite d'un savoir faire déjà préétabli et testé, d'un nom de marque connu, et surtout d'une assistance continue du franchiseur.
Pour certaines franchises, outre ceux du textile habillement et des chaussures, le poids dans le déficit commercial n'est pas très important. En effet, le franchisé paye des royalties qui sont parfois entre 5 et 10% du chiffre d'affaire.
N'oublions pas au passage que les franchises contribuent inéluctablement à la modernisation du secteur commercial et à la réduction du poids du marché parallèle qui atteint plus de 43% en Tunisie. En effet, les franchises coupent le chemin à la contrefaçon et les circuits parallèles de commercialisation des services et produits.
L'autre revers de la médaille, les franchises sont jugés par certains une véritable catastrophe économique, à la rigueur dans la conjoncture actuelle. En effet, avec un déficit commercial de 19.4 milliards de dinars en 2019, les franchises sont vues comme contributeurs importants dans ce déficit, surtout pour les franchises de textiles et habillement. Les franchises actuelles sont aussi accusées d'être une cause de désindustrialisation et de concurrence pour les marques nationales. Dans nos commerces, les marques internationales prennent de plus en plus de place au dépend des marques nationales, fabriqués localement ou ailleurs.
Sur un autre plan, les prix appliqués par les franchises tunisiennes sont indexés sur les prix des franchiseurs dans leurs pays d'origine, ce qui n'est pas compatible avec la réalité nationale et le pouvoir d'achat des consommateurs. Faut il noter au passage, que selon une étude réalisée par le bureau One to One, plus de 85% des personnes interviewées sur le grand Tunis, souhaitent voir les franchises se développer dans le pays et 86% pensent qu'elles sont bénéfiques pour l'emploi.

Ange ou démon ?
A la lumière de l'analyse précitée sur les avantages et les inconvénients des franchises, et au vu de la conjoncture actuelle, répondre à la question « Ange ou démon ? » nécessite une analyse plus profonde et surtout des recommandations et des mesures d'accompagnement.
Nous allons surtout nous focaliser sur les franchises de textile et habillement et cuir et chaussures, vu leur importance dans le secteur, et surtout qu'ils génèrent un flux d'importation. En effet, les autres franchises principalement dans le secteur des services (immobilier, restauration, réparation,…), sont source de transfert de royalties seulement, dont l'impact n'est pas très important en terme de sortie de devises. En 2019 nous avons importé pour 7415 millions de dinars de textile et habillement, en hausse de 4.4% aux prix courant par rapport à 2018, et de 15.7% par rapport à 2017. Côté exportation, nous avons exporté pour 9353 millions de dinars, en hausse de 4.3% par rapport à 2018 et de 18.6% par rapport à 2017. Or les exportations de textiles et habillements, cuir et chaussures sont principalement en régime off shore, c'est-à-dire que les marques nationales n'exportent réellement rien. Le secteur textiles et habillement emploie 170.000 personnes et souffre depuis quelques années d'une crise énorme malgré un plan de relance signé avec le gouvernement. La Tunisie qui était le 6ème fournisseur de l'union européenne, elle n'est actuellement que 10ème. Pour des raisons inconnues, l'administration tunisienne n'a soumis les franchises de textile et habillement à aucune autorisation, pourtant c'est un secteur stratégique qu'il fallait protéger.
Pour ceux qui jugent que le développement des franchises en Tunisie va booster l'entrepreneuriat et l'emploi, il est à rappeler que les grandes franchises sont ouvertes par de grands entrepreneurs et de grandes familles tunisiennes, qui ont des traditions dans le secteur. En effet, un franchiseur n'accepte de signer des contrats de franchises qu'avec des franchisés qui ont une certaine solidité financière et non avec des jeunes porteurs de projets.
Il faut reconnaitre que le système des franchises en Tunisie a le mérite de moderniser le secteur commercial, d'offrir au consommateur un service répondant aux standards des marques internationales, et d'améliorer les conditions de vie du citoyen. De l'autre côté le système de franchise limite l'esprit créatif et le développement de marques et de projets nationaux.
Afin de permettre un développement harmonieux des franchises en Tunisie, il est important de créer un système de compensation industrielle dans le secteur textile et habillement, à l'instar de ce qui a été fait au niveau du secteur des industries mécaniques et électriques. Cette proposition fut aussi l'une des recommandations du Think Tank « Centre Hédi Nouira » pour l'industrie tunisienne. Lier l'octroi d'autorisations de franchises dans le secteur textile et habillement à un niveau équivalent d'exportation, va certainement booster l'industrie nationale et le développement de marques nationales.
Il est important aussi de lancer « un fond » pour le développement de franchises nationales, que ce soit sur le marché local ou à l'international, à l'instar de quelques marques nationales (Masmoudi, Zen,…). Ce fond peut être alimenté d'un impôt sur les franchises internationales. Les recettes de ce fond peuvent être utilisées dans la formation des jeunes, l'aide à la première installation, l'assistance technique en phase de démarrage (rédaction de contrat, étude de marché,…).
L'administration tunisienne, et principalement le ministère du commerce, doit revoir le cadre règlementaire actuel régissant les franchises. Il doit être adapté aux orientations stratégiques du pays et aux secteurs piliers. Revoir la liste des secteurs libres à l'entrée est une priorité afin de permettre un développement harmonieux des franchises avec l'économie nationale.
Les professionnels doivent aussi communiquer encore plus sur l'impact positif des franchises sur la vie des consommateurs et non pas essayer de se montrer dans la peau de la victime.

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