La productivité est l'un « des chevaux de bataille » pour faire face à la crise économique actuelle. Comme déjà montré dans d'autres papiers, plusieurs éléments interfèrent dans la notion de productivité (formation, recherche et développement, TIC,…). Il existe certains éléments qui sont intra entreprise et d'autres qui sont extra entreprise, c'est-à-dire relatifs à son environnement et dont l'Etat y joue un rôle important (infrastructure, éducation, milieu d'affaires, incitations,…). Dan cette panoplie de paramètres qui conditionnent la productivité, le commerce extérieur, ou en d'autres termes, l'ouverture commerciale, est un élément essentiel d'amélioration de la productivité avec une influence considérable sur son rythme de croissance. Dans un environnement de concurrence internationale accrue, la compétitivité d'une entreprise est la seule arme pour pouvoir conquérir les marchés. La Tunisie, qui s'est engagée dans un processus de libéralisation commerciale depuis des années, a-t-elle bénéficié d'une amélioration de sa productivité ? Existe-t-il une corrélation entre l'évolution du commerce extérieur tunisien et la productivité ? La réponse ne paraît pas évidente pour multiples raisons. Théorie du commerce extérieur et de la productivité Toutes les études et les théories économiques, s'accordent à dire que le commerce extérieur est l'un des dynamos de la productivité. « Cette dynamo » prend encore de l'importance avec la mondialisation et la libéralisation des échanges. Bien évaluer le lien entre commerce extérieur et productivité n'est pas une mince affaire, vu qu'il existe plusieurs déterminants dans la productivité. La part du commerce extérieur dans la productivité est difficile à déceler. Or certains signes peuvent aider à trouver un lien de causalité. La difficulté de trouver ce lien est plus difficile dans le secteur des services plutôt que dans le secteur industriel. En s'ouvrant sur les marchés extérieurs, en exportant ou en important, l'entreprise bénéficie d'un plus de productivité. En effet, en important des produits et des machines nécessaires pour sa production l'entreprise réalise un transfert de technologie qui favorisera sa productivité. Ce transfert n'est pas toujours évident surtout dans le cadre d'une économie à faible capacité d'absorption des technologies. Pour pouvoir exporter et avoir une plus grande part de marché, une entreprise doit se doter des dernières technologies dans son secteur d'activité, soit en investissant dans la R et D, soit en acquérant cette technologie à n'importe quel prix. Dans ce contexte, l'efficacité du processus productif, à travers les technologies avancées, améliore la productivité. Avec l'exportation de ses produits, l'entreprise est sujette à une concurrence rude de la part d'autres entreprises commercialisant le même produit sur le même marché, ou même des entreprises locales et même de certaines mesures de protectionnisme commercial. Dans ce cadre, l'entreprise exportatrice est tenue d'améliorer sa compétitivité à travers l'amélioration de sa productivité. Cet effort se traduit par une réduction des facteurs de production, des investissements dans la recherche et développement pour être au diapason de la technologie, et des programmes de formation pour améliorer la productivité du travail. C'est tout un processus qui doit se mettre en route pour maintenir une position donnée sur un marché à l'exportation. Autant l'entreprise exporte, autant elle doit investir dans l'amélioration de sa productivité. C'est l'équation à respecter. Pour pouvoir exporter son produit vers un marché donné, l'entreprise est tenue d'obéir à certains critères de qualité. Or la qualité ne s'obtient que par une amélioration des techniques de production et de la productivité des travailleurs. Dans ce cas le commerce extérieur joue un rôle primordial pour pousser les entreprises à investir dans l'amélioration de la qualité des produits L'ouverture aux échanges permet également de bénéficier du procédé d'externalisation ou d'outsourcing. En effet, en s'ouvrant sur d'autres marchés, l'entreprise peut être une plateforme de sous-traitance d'activité d'autres entreprises étrangères, ou bénéficier des compétences des entreprises étrangères pour sous-traiter certaines tâches qui peuvent améliorer sa productivité. Dans les deux cas l'entreprise gagne en productivité en bénéficiant des savoir faire ou en répondant aux exigences des clients étrangers. L'analyse poussée des impacts du commerce extérieur sur la productivité permet aussi de déceler un réel impact sur la qualification de la main d'œuvre. L'amélioration de la compétitivité d'une entreprise exportatrice impose une formation adaptée de son personnel. Sur un autre plan, la sous-traitance de certaines activités à forte intensité en travail pour certains pays, permet d'adopter des procédés avancés de fabrication et de prestation, ce qui mène à une amélioration de la qualification du personnel exécutant (le cas des centres d'appel et du textile et habillement en Tunisie). Une étude réalisée dans certains pays développés (France, Etats-Unis, Allemagne) a permis d'établir certains chiffres autour de l'impact du commerce extérieur sur la productivité. En effet, il apparaît qu'une augmentation de un point du taux de pénétration des importations induit une hausse de 0,7 % de la productivité apparente du travail si ces importations proviennent de pays riches et de 1,3 % s'ils proviennent de pays pauvres. Ces effets sont importants puisque, selon ces chiffres, la pression du commerce extérieur expliquerait le quart des gains de productivité apparente du travail observés dans l'industrie. Selon cette même étude, une augmentation du taux de pénétration des importations induit une hausse de la qualification moyenne de la main-d'œuvre d'au moins 10%. Ces chiffres expliquent l'interconnexion entre la trilogie : commerce extérieur- compétitivité – productivité.
Corrélation entre productivité et commerce extérieur en Tunisie : La stratégie d'ouverture commerciale adoptée en Tunisie a eu un impact positif sur la croissance économique. En témoigne la croissance de l'économie tunisienne à un rythme variant entre 4 et 5% depuis une dizaine d'année. La part de la productivité dans cette croissance est très importante. En effet, l'amélioration de la productivité globale des facteurs en Tunisie était progressive sous l'impulsion des plans de réformes et de restructurations, et les mesures favorisant l'ouverture commerciale. Au cours du 8ème plan de développement la contribution de la Productivité Globale des Facteurs dans le PIB a atteint 33%, durant le 9ème plan elle était de 36%, et au cours du 10ème plan elle a atteint 46%. Au cours des deux premières années du 11ème plan la contribution de la PGF était de 49%. Rappelant que la contribution de la PGF dans la croissance du PIB était négative durant la période 82-86. C'était la période avant l'adoption du Plan d'Ajustement Structurel (PAS). Le taux d'ouverture de l'économie tunisienne est depuis des années supérieur à 100%, atteignant même les 120%. Le taux de couverture, a quant à lui connu une amélioration considérable passant de 69.3% en 1995 à 79.4 en 2007, ce qui témoigne d'un grand effort d'exportation. Le rythme de croissance du commerce extérieur tunisien durant les dernières années était aussi conséquent sous l'effet de conventions commerciales et de l'intégration de la Tunisie dans le système commercial mondial. En effet, entre 1987 et 2004, les exportations ont augmenté à un rythme de 13.4% par an, alors que les importations ont augmenté à un rythme de 11.5%. En parallèle à cette ouverture, que s'est il passé du côté de la productivité ? Selon les chiffres de l'Institut de la Compétitivité et de l'Economie Quantitative, la productivité du travail a enregistré un taux de croissance moyen de 1.2% sur la période 1987-1995. Les périodes suivantes, 1996-2001 et 2002-2007, l'amélioration de la productivité était respectivement de 2.9% et 2.4%. Concernant la productivité Globale des facteurs, elle a enregistré une croissance de 2% sur la période 1987-2007. Cette croissance diffère selon les périodes. En effet, elle était de 1.5% sur la période 1987-1995 à 2.7% entre 1996-2001 et 2.1% pour la période 2002-2007. L'année 1995 est une année charnière dans l'économie nationale, avec une intégration à l'OMC et la signature de l'accord d'association avec l'Union Européenne A travers ces chiffres il parait évident qu'il existe une corrélation entre l'évolution du commerce extérieur tunisien et du taux d'ouverture du pays, et la croissance de la productivité. La période 1995-2007, qui incarne l'effervescence du commerce extérieur tunisien (importation et exportation), est la même période durant laquelle on a enregistré des croissances de la productivité et par conséquent un rythme de croissance économique important. La crise économique actuelle a eu un impact sur le rythme des échanges commerciaux dans le monde, ce qui se traduira certainement par une baisse considérable de la productivité. Or le climat de compétitivité internationale maintiendra cette productivité à un niveau important. Il ne faut jamais « baisser sa garde » même dans les moments de faiblesse, « un coup fatal peut venir à tout moment ». C'est la morale que doit retenir nos chefs d'entreprises et les décideurs.