La liste des défis pour la Tunisie ne cesse de s'élargir. En effet, avec la crise économique actuelle, il est nécessaire de converger tous les efforts vers des objectifs complémentaires dans un ordre de priorité qui nous permet de maintenir un niveau respectable de croissance. Les piliers de la stratégie de développement de la Tunisie étaient surtout l'investissement, l'exportation et l'emploi . Un trio autour duquel gravitent toutes les politiques nationales. La productivité est considérée comme vecteur important de croissance économique est aussi un élément important pour la concrétisation des objectifs de ces 3 piliers. La relation entre la productivité d'un côté, et l'exportation et l'investissement d'un autre côté, n'est sujette à aucune interrogation. Or la relation entre la productivité et l'emploi, a toujours posé des questions. Certains disent que la productivité nuit à l'emploi, d'autres voient la productivité comme un levier important de la politique d'emploi dans une économie donnée. Analyse d'un débat qui a soulevé beaucoup d'interrogations, et surtout son application sur le cas de la Tunisie.
Amélioration de la productivité, ne signifie pas moins d'emplois : Pour un chef d'entreprise, il a toujours tendance à vouloir produire plus avec la même force de travail. Par conséquent l'employé devient plus productif, et il y aura moins d'emplois. D'un autre côté, l'utilisation des nouvelles technologies et des machines, améliorera certainement la productivité d'une entreprise, mais en contrepartie réduira considérablement les emplois existants ou les opportunités d'emplois. Cette analyse se vérifie certainement dans plusieurs entreprises et secteurs qui ont une forte employabilité, et qui ont un potentiel limité de commercialisation. Jusqu'à ce niveau de l'analyse, la productivité est synonyme de perte d'emplois. Or il faut préciser que la productivité crée un phénomène appelé par les économistes « phénomène de destruction-création ». L'amélioration de la productivité permet aux entreprises de produire à moindre coût et réduit par conséquent les prix et améliore la compétitivité. Cet effet, entraîne une hausse du pouvoir d'achat des consommateurs et des revenus réels dans l'économie. Ceci constituera un effet de stimulation de la demande intérieure, qui fait augmenter les productions d'autres produits et services, et par conséquent génère de nouveaux emplois. C'est cette chaîne, de destruction d'emplois à cause de la productivité, et la création d'autres sous l'effet de l'amélioration des revenus et l'évolution de la demande, qui doit être assimilée pour militer en faveur d'une productivité créatrice d'emplois. Faut il préciser que si la productivité tue certains emplois, elle en crée d'autres mais dans le long terme. Sur un autre plan, l'amélioration de la productivité peut conduire certainement à de nouvelles qualités d'emplois. En effet, avec une productivité accrue en aura des emplois : - plus qualifiés, - plus stables, - plus intéressants, - mieux rémunérés La synergie entre la productivité et l'emploi se trouve dans les qualités intrinsèques de la productivité à créer de la richesse, les revenus, et stimuler la consommation. Selon une étude américaine, entre 1995 et 2000, les entreprises américaines les plus productives ont créé 6 % d'emplois par an, et les plus à la traîne ont perdu 1,6 % de leurs effectifs à chaque exercice.
Une amélioration de la productivité pour plus d'emplois : Le défi de l'emploi en Tunisie, est un enjeu stratégique. Il est érigé en priorité nationale dans le programme présidentiel de la « Tunisie de demain ». Dans le cadre d'une conjoncture difficile, la productivité se présente aussi comme un élément important pour relever le défi de la compétitivité. Conjuguer ces deux objectifs, à première vue antagonique, est un véritable défi en soi. L'analyse de l'économie tunisienne nous montre que la productivité était toujours positive, en parallèle d'un rythme de créations d'emplois positif malgré les contraintes. En effet, sur la période 1987-1995, la productivité du travail n'était pas importante et s'est stabilisée au niveau de 1.2%. En parallèle, la création de l'emploi était à un rythme de 2.7%. C'est l'époque ou il y a eu des investissements demandeurs de mains d'œuvres et à faible technicité (textile et habillement). Sur la période 2002-2007 la productivité du travail en Tunisie a augmenté à un rythme annuel de 2.4%, supportée par une amélioration du niveau de qualification des employés et ouvriers et un fort taux d'investissement technologiques et de mise à niveau industrielle. De l'autre côté, l'effort national d'emploi a été positif et avec la même cadence. L'évolution de la création d'emplois durant cette période était comme suit :
2002-2003 2004-2005 2005-2006 2006-2007 Evolution de la création d'emplois 3.8% 2.8% 0.1% 2.2% Il s'avère que l'évolution de la productivité en Tunisie n'a pas eu un impact destructeur d'emplois et n'a pas affecté le rythme des créations. Même si les créations d'emplois peuvent être imputés à de nouveaux investissements ou à une politique gouvernementale d'encouragement à l'embauche, la productivité a certainement une part dans ces créations. Cette analyse est confirmée surtout avec l'amélioration constante du PIB par habitant en Tunisie. En effet, ce revenu est passé de 3300 dinars en 2003 à 4911 en 2008. La consommation par personne a de son côté connue une ascension importante témoin d'une amélioration des revenus et du pouvoir d'achat. En effet, la consommation privée par personne est passée de 2064 dinars en 2003 à 3012 dinars en 2008. Ces indicateurs affirment, sans aucun doute, la cohésion dans le modèle de développement de la Tunisie. La productivité, la création d'emplois, le niveau du revenu et la consommation connaissent une évolution constante, parce qu'ils sont en étroite relation. Avant le déclenchement du dialogue national sur la productivité, il est important de déterminer les analyses statistiques à mener pour établir les liens entre les différentes composantes de l'économie nationale. La productivité et l'emploi en Tunisie sont deux sujets d'une priorité absolue et qui doivent fonctionner de paire dans toute stratégie de développement.