Des forêts qui émettent du carbone au lieu d'en capter, de la biodiversité menacée d'une couche d'ozone malmenée, des menaces sur les côtes, de la désertification, de la fonte des glaciers, de la pénurie potentielle d'eau dans le monde: ce sont ces phénomènes qui provoquent les changements climatiques, sapent la base économique et le tissu social des pays faibles et pauvres de même que ceux du monde développé. Notre pays est parmi les moins émetteurs de gaz à effet de serre, mais malheureusement, il se trouve parmi les plus exposés aux conséquences du réchauffement climatique. Ce dernier est la cause essentielle de l'élévation accélérée du niveau de la mer du littoral tunisien. L'impact socio-économique de l'élévation accélérée du niveau de la mer est perçu à travers ses effets directs sur l'infrastructure de base et les principaux secteurs d'activités économiques concernés, à savoir l'agriculture et le tourisme. Les impacts socio-économiques directs sont composés de trois catégories.
Pertes en capital économique productif Ceci peut être, à son tour, décliné en plusieurs sous-composantes : capacité de production agricole (sol agricole, végétation spontanée...), ressources hydriques souterraines (perte de terres irriguées et «capital eaux»…), zones d'habitat, infrastructure hôtelière et de base. Mais les dégradations du capital productif concernent notamment l'infrastructure hôtelière (1.935 milliards de dinars), les ressources en eau et les zones d'habitat (704 milliards de dinars). La perte de ce capital est basée essentiellement sur la valeur des services rendus. La valeur du capital productif dégradé est estimée à plus de 3,6 milliards de dinars, presque 10% du PIB. Les pertes en capital productif concernent notamment les gouvernorats de Sousse (perte en capital sol et infrastructure: 230 millions de dinars), et la région de Gabès/Médenine, compte tenu de l'effet sur le secteur touristique (la perte en capital touristique et en patrimoine culturel atteint 768 millions de dinars).
Pertes annuelles de production La deuxième catégorie d'impact concerne les pertes annuelles de production, essentiellement trois secteurs d'activités: l'agriculture, le tourisme (102 millions de dinars) et la pêche. Les simulations effectuées permettent d'évaluer la perte de production annuelle à environ 180 MDT, ce qui représente autour de 0,5% du PIB de 2006. Les effets attendus de la pêche sont au contraire positifs et se traduisent par une légère augmentation de la production, d'environ 1 million de dinars par an. La perte de production agricole est estimée globalement à environ 81 MDT par an, soit environ 2% du PIB agricole. Ces effets sur la production agricole ont deux origines: la submersion des terres agricoles et la perte de potentiel d'irrigation dues à la salinisation des nappes. Cette deuxième composante explique, à elle seule, 94% de la baisse de la production agricole. La salinisation des nappes induirait en effet une perte de surface agricole irriguée évaluée à prés de 10% des périmètres irrigués actuellement équipés, ce qui donne à cet impact une dimension nationale contrairement aux autres effets dont l'importance reste d'ordre local ou, au plus, régionale. Toutefois, l'essentiel de la perte en production est dû au déclassement des hôtels inhérent au retrait des plages. Cela constitue environ 56 % de ces pertes, soit environ 5% de la valeur ajoutée du secteur touristique.
Impacts sur l'emploi La troisième catégorie d'impacts, consécutives à la perte de production, est la variation de l'emploi. On estime à environ 35.000 les emplois perdus sous l'effet de l'évolution accélérée du niveau marin, soit environ 1% de la population active. Les effets attendus sur l'emploi dans le secteur de la pêche sont plutôt positifs et se traduisent par une augmentation de l'emploi, estimée à environ 400 emplois. Les pertes d'emploi les plus importantes concerneront l'agriculture, essentiellement sous l'effet de la perte du potentiel d'irrigation consécutive à la salinisation des nappes.
Effets à l'échelle zonale Enfin, un focus à l'échelle zonale sur les régions les plus vulnérables a permis d'identifier et d'évaluer de manière plus détaillée les pertes dans cette zone: il s'agit de l'île de Djerba, les îles de Kerkena et les zones basses du fond du Golfe d'Hammamet. Pour les îles de Kerkena, les pertes économiques dues à la submersion des terres agricoles mais aussi au cloisonnement de certaines zones, ont été estimées à environ 750.000 DT en termes de dégradation du capital productif et 55.000 DT par an, en termes de perte de production. La région des zones basses du fond du Golfe d'Hammamet devrait recevoir dans l'avenir un grand nombre de projets d'infrastructures (touristiques, industrielles, transport aérien et maritime, routes…). Le risque de submersion de ses sites devrait se traduire par une révision à la baisse des projets programmés ou/et par des surcoûts des investissements initialement prévus. L'île de Djerba, qui intègre une grande infrastructure touristiques balnéaire est celle qui verra son secteur touristique se dégrader le plus, avec des pertes annuelles de recettes estimées à environ 40 MDT et une dégradation du capital touristique d'environ 768 MDT.