Comme toute personne, l'entreprise qui est généralement une personne morale, naît, vie, tombe malade, et meurt. Ayant pour principal but le profit, la raison principale de ses maladies et de sa mort est le manque d'argent. Le législateur tunisien, conscient de cette réalité, a mis une batterie de textes, tendant, à :
- sauvegarder l'intérêt des créanciers, en obligeant des dirigeants des entreprises, depuis 1959, date de promulgation du code de commerce, à déclarer leur situation de cessation de payement, sinon ils seraient pénalisés en tant que banqueroutiers, - sauvegarder l'emploi du personnel et l'unité de production de l'entreprise, par la promulgation de la loi 95-34 du 17 avril 1995 et les textes qui l'on amendés en 1999 et 2003, relatifs au redressement des entreprises en difficultés économiques. Ainsi, et sauf cas d'exception, l'entreprise ne peut être mise en faillite si elle n'a pas transité par les tentatives de redressement, à savoir le règlement amiable et ou le règlement judiciaire.
Parmi les intervenants que le législateur a désignés pour participer à cette opération de sauvetage, figure l'expert judiciaire a qui il a réservé en 1997 une loi organique tendant à définir ses différentes interventions, ses obligations et sa rémunération.
L'expert judiciaire intervenant dans le cadre des affaires relatives aux entreprises en difficulté économique, paraît sous différentes appellations en tant que :
- Conciliateur - Expert en diagnostic - Administrateur judiciaire - Commissaire à l'exécution - Et Syndic de faillite
1. Le conciliateur
L'article 10 de la loi 95-34 dispose que le juge peut, au cas où il décide l'ouverture de la procédure de règlement amiable, désigner un conciliateur chargé de rapprocher les positions de l'entreprise et de ses créanciers. Il accorde à ce conciliateur un délai de 3 mois prorogeables d'un seul mois, pour délivrer le résultat de ses travaux.
2. L'expert en diagnostic
Le même article 10 a donné la possibilité au juge de se faire aider par un expert en diagnostic pour scruter la situation de l'entreprise objet de la demande de redressement. Il a précisé qu'il doit être expert comptable ou un bureau d'étude spécialisé en diagnostic. D'après les études préliminaires de la loi 99-63 ayant amendé la loi 95-35 , la création de cette nouvelle fonction est motivée par le manque de compétence et d'expérience des experts désignés à cet effet dans le domaine de l'entreprise ainsi que l'insuffisance de fiabilité de l'information financière constatée durant les dix dernières années ayant précédé la parution de la loi.
L'article 3bis de la loi a par ailleurs défini le rôle de l'expert en diagnostic en lui confiant la charge de diagnostiquer la situation économique, financière et sociale de l'entreprise ce qui nécessite des compétences requises dans ces trois domaines. Et considérant l'importance de cette mission, le législateur a même permis le financement des honoraires de l'expert par le fonds de compétitivité industrielle à concurrence de 7O%.
3. L'administrateur judiciaire
D'après l'article 22 de la loi 95-34, l'administrateur judiciaire intervient dans l'étape de règlement judiciaire et est chargé d'élaboré un plan de redressement comportant les moyens à mettre en œuvre pour le développement de l'entreprise qu'il soumet à l'avis du juge commissaire. Il peut demander de se faire assisté par un expert en diagnostic. Il est aussi chargé de contrôler les actes de gestion ou d'assister le débiteur en tout ou partie dans les actes de gestion ou de prendre la direction totale ou partielle de l'entreprise avec ou sans le concours du débiteur le tout dans les conditions définies par le Tribunal. La liste officielle des administrateurs judiciaires comporte aussi bien des experts comptables que d'autres personnes retenus pour leur expérience en la matières.
4. Le commissaire à l'exécution
Le commissaire à l'exécution intervient généralement pour exécuter toutes décisions prises par le tribunal en matière :
- d'exécution du plan de redressement, tel que convocation de l'assemblée des actionnaires pour augmentation de capital - de cession de l'entreprise en cas d'impossibilité de son redressement. Il élabore à cet effet un cahier des charges après avoir fait un inventaire de ses actifs et passifs ; procédé aux publications nécessaires ; reçoit les offres des soumissionnaires et les remet au juge commissaire, procède à la cession de l'entreprise à l'adjudicataire retenue, organise la réunion des créanciers présidée par le juge commissaire, pour tenter de distribuer le produit de liquidation entre eux et en cas d'impossibilité, consigner ledit produit au Trésor.
5. Liquidation judiciaire et Syndic de faillite
Au cas où les tentatives de redressement et de cession de l'entreprise n'aboutissent pas, le législateur a donné la possibilité au tribunal, dans son article 39, de mettre le débiteur en faillite, s'il est soumis au régime de la faillite ou bien en liquidation de l'entreprise dans les autres cas. C'est la solution de dernier ressort. Les créanciers peuvent reprendre les poursuites individuelles, qui ont été gelées par le tribunal, si la liquidation ne couvre pas leurs créances. Le tribunal peut même étendre la faillite de l'entreprise à ses dirigeants au cas où il a été prouvé qu'ils étaient à l'origine de la faillite de leur entreprise.
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Le liquidateur judiciaire ou le syndic de faillite fait un inventaire actif et passif de l'entreprise, vend l'actif et désintéresse les créanciers, toujours après autorisation du juge commissaire qui peuvent même actionner les dirigeants en comblement de passif et c'est à ces derniers de prouver qu'ils ont agi en bon père de famille dans l'administration de l'entreprise. Cette mission de manque pas de difficultés majeurs lors de son exécution (absence de comptabilité, de biens figurant en comptabilité, tracasserie du personnel, difficulté de recensement des créances d'un façon définitive et fiable, difficulté de vente des biens du faillit, durée généralement longue de l'opération de réalisation de la liquidation ….)
Dans la pratique et bien que la loi ait permis de redresser un certain nombre d'entreprises, plusieurs difficultés subsistent dans les différentes phase de sauvetage des entreprises en difficulté économique, à savoir :
- le manque d'information ou le manque de sa fiabilité - le retard dans l'ouverture de la procédure de règlement judiciaire - le retard dans la réalisation des missions d'expertise - le retard dans les prises de décision se rapportant à l'arrêt des recours individuelles contre l'entreprise débitrice - la réalisation de plans de redressement basé sur des prévisions hypothétiques - Les difficultés rencontrées dans le traitement des créances du leasing - La gestion de la psychologie du personnel de l'entreprise débitrice - L'évitement de certains experts de grande compétence et expérience de prendre en charge les missions relatives au redressement des entreprise en raison du niveau relativement faibles de la taxation de leur rémunération
Ceci étant, Il est vivement recommandé à mon humble avis :
- de considérer la fiabilité de l'information comme condition de base pour la réussite de l'opération de sauvetage du débiteur, en exigeant par exemple l'audit des comptes du débiteur comme condition d'acceptation de la demande de redressement. - de considérer que les conditions de compétence de tous les intervenants à l'opération de sauvetage (juges, experts et membre de commissions consultatives) est un préalable à sa réalisation, par la formation et la spécialisation. - de veiller au respect des délais légaux dans la réalisation de l'opération de redressement - d'appliquer d'une façon stricte la loi en matière de sanction de tous ceux qui utilise la loi de redressement des entreprises économique à des fins autres. - De revoir les critères de taxation des honoraires des experts intervenants