Bien que jugé «insuffisant», l'Accord de Copenhague a eu le mérite d'enrôler pour la première fois les deux plus grands pollueurs de la planète, à savoir la Chine et les USA. Le document de trois pages fixe, en effet, comme objectif de limiter le réchauffement planétaire à 2°C, sans décliner pour autant le mode d'emploi pour y parvenir. Il se contente d'appeler les pays industrialisés et les pays en développement à affirmer leurs engagements de réduction de gaz à effet de serre et de prévoir des mécanismes garantissant la transparence de leur mise en œuvre. Mais il ne fixe pas de date pour «un pic» au-delà duquel les émissions commenceraient à décroître. Il prévoit d'autre part la mobilisation de trente milliards de dollars US à court terme, c'est-à-dire pour les années 2010-2011-2012, pour soutenir l'effort des pays en développement, dans les domaines d'atténuation et d'adaptation au changement climatique. Ce montant devrait arriver à cent milliards de dollars d'ici à 2020. Ces fonds devront aider les pays les plus vulnérables à s'adapter aux impacts du dérèglement climatique. Malgré la persistance de pays pollueurs qui continuent à détourner la question de la réduction dans le but de continuer le développement de leurs industries émettrices de gaz à effet de serre et échapper à leurs obligations, les pays les plus vulnérables ont confirmé leur détermination à s'attaquer aux sources du mal. On peut citer à titre d'exemple, les pays africains qui s'organisent de mieux en mieux pour profiter des opportunités offertes par le Protocole de Kyoto et dans l'attente des accords auxquels parviendront les divers pays pour l'après 2011. Consciente des enjeux, l'Afrique a décidé d'œuvrer en vue de renforcer sa position sur le Marché Carbone et mettre l'accent sur le Mécanisme de Développement Propre (MDP). L'Afrique vient d'organiser dans le cadre de ce mécanisme, à Nairobi capitale de Kenya, son deuxième forum carbone auquel prirent part cinquante sept pays africains, dont la Tunisie. Ce Forum vise à donner une plus grande impulsion au marché, encourager les vendeurs de carbone à présenter leurs projets et offrir aux acheteurs une opportunité supplémentaire pour effectuer leurs choix. L'organisation de ce Forum est d'autant plus urgente que l'Afrique reste loin derrière d'autres continents en ce qui concerne l'élaboration de projets MDP. En effet, sur 4.600 projets MDP élaborés à travers les divers continents, l'Afrique n'en compte que 122 projets. La délégation tunisienne présente à ce forum, composée de huit membres, a présenté dans un stand appuyé par l'office de la coopération technique allemande, la GTZ, six projets. Ces projets MDP, menés par l'Agence Nationale de Maîtrise de l'Energie, sont relatifs aux lampes de basse consommation, aux réfrigérateurs à faible consommation d'énergie et aux bâtiments performants énergétiquement. L'ANGED a présenté des projets de valorisation de déchets de décharges de Mahdia, Tozeur et Zaghouan ainsi qu'un projet de production de l'électricité à partir des fientes de volaille. Enfin la CIOK, la cimenterie du Kef a proposé un projet d'autoproduction d'électricité à partir de l'énergie éolienne. Mais le Forum n'a pas constitué qu'une simple rencontre entre porteurs de projets MDP et acheteurs. Il a aussi constitué une opportunité pour l'information et l'amélioration des capacités des participants dans le domaine de l'approche programmatique MDP et de discussions de ce type de projets. Le Forum a mis l'accent sur la nécessité de l'implication du secteur privé à la promotion du marché carbone et au développement des projets d'adaptation et d'atténuation. Il a été constaté à ce sujet que le secteur privé en Afrique est plutôt mal informé et n'arrive pas à se positionner sur ce type de marché. Un important problème a été aussi traité au cours de ce Forum. Il s'agit de la déforestation qui a joué un rôle important dans la dégradation des sols et de la désertification et par voie de conséquence de la perte d'importantes ressources naturelles, animales et végétales. La déforestation peut et doit être évitée en Afrique, car ce continent abrite 630 millions d'hectares de forêts et la tonne de carbone stockée est estimée à près de trois euros. Nul doute que l'organisation de pareilles rencontres constitue un élément indispensable pour démarcher les projets entrant dans le cadre du marché carbone et promouvoir leur développement et rapprocher davantage les porteurs de projets des acheteurs. La Tunisie qui a adopté des stratégies environnementale et énergétique dispose d'un important portefeuille de projets MDP qui la place au troisième rang des pays africains bénéficiant de potentialités connues et inventoriées susceptibles de constituer un important acquis pour lui permettre d'accueillir une aussi importante manifestation que le forum carbone. Si les deux précédents forums se sont tenus respectivement à Dakar en 2008 et à Nairobi en 2010, on peut espérer que le troisième se tienne en Tunisie en 2012.