• la perception des ménages de la zone euro quant à une stagnation, voire une diminution de leur pouvoir d'achat n'est pas liée à l'euro Le pouvoir d'achat des ménages européens fait actuellement l'objet d'une controverse. L'impression diffuse est que le pouvoir d'achat a faiblement augmenté ces dernières années et que ce phénomène est masqué dans les statistiques présentées par les organismes officiels. Ce doute sur les faits eux-mêmes a conduit à une confusion encore plus grande sur les causes de ce sentiment de stagnation du pouvoir d'achat : en particulier, le passage à l'euro a été incriminé dans plusieurs pays, y compris par des responsables politiques de premier plan. Une étude menée par la fondation Robert Schuman montre que le pouvoir d'achat a stagné depuis 2001. Ceci n'est pas dû à la hausse des prix à la consommation ou au passage à l'euro, mais au ralentissement de la croissance de la productivité. Par ailleurs, la hausse rapide des prix de l'immobilier résidentiel a rendu l'accès à la propriété beaucoup plus difficile. Depuis 2001, les ménages de la zone euro ont probablement été plus sensibles aux hausses des prix à la consommation. Le ralentissement de l'augmentation du pouvoir d'achat a coïncidé avec un ralentissement de la croissance de la productivité et une hausse exponentielle des prix de l'immobilier. Ce double choc crée un contraste important avec la fin des années 1990, qui donne aux ménages une impression de régression. Des éléments d'analyse suggèrent plusieurs pistes pour retrouver un rythme de croissance du pouvoir d'achat plus rapide dans la zone euro : - Les Etats membres et la Commission doivent se donner pour objectif une croissance plus rapide de la productivité par personne en âge de travailler et lutter contre la tendance à utiliser l'euro comme bouc émissaire. - Il faut renoncer à la posture hypocrite qui consiste, d'un côté, à demander à la BCE d'avoir une politique monétaire plus accommodante et, de l'autre, à craindre l'inflation et la hausse des prix de l'immobilier. La BCE a la tâche de limiter l'inflation tout en ne freinant pas l'activité. - Pour lutter contre les effets de la hausse des prix de l'immobilier sur le pouvoir d'achat des ménages les moins aisés, il faudrait construire plus de logements. Cet objectif pourrait faire l'objet d'aides communautaires spécifiques dans le cadre d'une politique européenne du logement. L'objet de l' étude est de présenter la réalité de l'évolution du pouvoir d'achat ces dernières années et des phénomènes sous-jacents (croissance de la productivité, inflation, effet du passage à l'euro, prix de l'immobilier). La mesure du pouvoir d'achat retenue dans le cadre de cette étude est le revenu net disponible par habitant, c'est-à-dire le revenu par habitant net d'impôt et de cotisation. La croissance du pouvoir d'achat est calculée en termes réels, c'est-à-dire nette de l'inflation. Par conséquent, les chiffres présentés tiennent compte à la fois de l'évolution des revenus, de la croissance de la population et de l'inflation. Entre 1998 et 2006, le pouvoir d'achat a augmenté de 1,25 % en moyenne dans la zone euro. Après une forte expansion entre 1998 et 2000, il a, en effet, légèrement reculé en 2001 et en 2002, puis faiblement augmenté depuis. L'année 2005 a vu une quasi-stagnation du pouvoir d'achat, mais les prévisions pour 2006 sont optimistes puisque l'on devrait retrouver le chiffre de 2000 (2,24%). Ces éléments montrent que le sentiment de stagnation du pouvoir d'achat au cours des dernières années est fondé et amplifié par le contraste avec la fin des années 1990 : le pouvoir d'achat ne s'est accru que de 1,5% entre 2001 et 2005, soit moins que pour la seule année 2000.
Détérioration significative du pouvoir d'achat des européens Interrogeant les ménages européens sur les répercutions de la crise sur leur façon de vivre et leur optimisme dans l'avenir, une enquête Eurobaromètre révèle qu'un Européen sur six déclare avoir constamment des difficultés à payer les factures de son ménage (factures habituelles, achat de nourriture ou d'autres biens de consommation quotidiens) et à rembourser ses crédits. Les 3/4 des citoyens pensent que la pauvreté a augmenté dans leur pays au cours de l'année passée. Se focalisant sur les répercussions sociales de la crise, l'enquête démontre que dans leur ensemble les citoyens de l'Union jugent que la pauvreté a augmenté au cours de la période couvrant mai 2009 à mai 2010 et ceci à tous les échelons : 60% pensent que c'est le cas dans leur région, 75% dans leur pays et 60% à l'échelle de l'Union. Il apparaît que la perception de la pauvreté est marquée par la crise et les appels à l'austérité. 85% des Grecs pensent que la pauvreté a augmenté sur leur territoire. Ils sont 83% des Français à penser la même chose concernant leur pays. 82% des Bulgares, 77% des Roumains et 75% des Italiens partagent cet avis. "Si, dans certains pays, les citoyens s'attendent à des difficultés supplémentaires en Roumanie et en Grèce, sept personnes sur dix pensent que la situation financière de leur ménage va se détériorer dans d'autres, la perception de la situation s'est améliorée. Ainsi, seuls 23% des Lettons, 32% des Lituaniens et 20% des Hongrois considèrent que la situation financière de leur foyer va empirer, contre respectivement 65%, 58% et 48% d'entre eux en juillet 2009. Les personnes interrogées en Lettonie, en Pologne, au Royaume-Uni, en Belgique et en Finlande sont désormais moins nombreuses à penser qu'elles resteront au chômage si elles viennent à perdre leur emploi" relate l'enquête. Pour Laszlo Andor, commissaire européen à l'emploi, aux affaires sociales et à l'inclusion, "les résultats de l'enquête confirment que la pauvreté est un enjeu majeur dans l'Union européenne et que la crise économique et financière actuelle aggrave encore la situation. Les effets de la crise se font sentir et une proportion significative d'Européens a aujourd'hui du mal à joindre les deux bouts". A cela s'ajoutent des difficultés pour subvenir aux dépenses de santé, à payer leurs frais de garde d'enfant ou à financer des soins de longue durée pour leurs proches ou eux-mêmes, pour 30% des citoyens européens. On peut déduire que la perception des ménages de la zone euro quant à une stagnation, voire une diminution de leur pouvoir d'achat n'est pas liée à l'euro. Le niveau de l'inflation est en effet resté relativement modéré depuis 2001. Le ralentissement de l'augmentation du pouvoir d'achat a en fait coïncidé avec un ralentissement de la croissance de la productivité par personne en âge de travailler et une forte hausse des prix de l'immobilier. Ce double choc crée un contraste important avec la fin des années 1990, qui donne aux ménages un sentiment de régression. Ces éléments suggèrent plusieurs pistes de réflexion et d'action pour retrouver une croissance plus rapide du pouvoir d'achat dans la zone euro : - La politique économique européenne doit se donner pour objectif une croissance plus rapide de la productivité par personne en âge de travailler (ce qui suppose une augmentation de la productivité par personne occupée et du taux d'emploi). Les responsables politiques doivent expliquer cet enjeu au niveau national et européen et lutter contre la facilité de l'utilisation de l'euro comme bouc émissaire - Il faut renoncer à la posture hypocrite qui consiste, d'un côté, à demander à la BCE d'avoir une politique monétaire plus accommodante et, de l'autre, à craindre l'inflation et la hausse des prix de l'immobilier. La hausse actuelle des taux d'intérêts européens s'explique dans une large mesure par la volonté de la BCE de calmer la hausse des prix de l'immobilier. Le dilemme de la BCE est en fait de fixer les taux d'intérêt à un niveau qui favorise l'activité économique (en limitant le coût du crédit) tout en limitant la hausse des prix. Reconnaissons que ce n'est pas une tâche facile. - Pour limiter l'effet de la hausse des prix de l'immobilier sur le pouvoir d'achat des ménages les moins aisés, il importe de favoriser la construction de logements, notamment la construction de logements sociaux, tout en cherchant à éviter les erreurs du passé (concentration de l'habitat social dans des zones défavorisées, urbanisme favorisant la ghettoïsation dans certaines agglomérations). Cet objectif pourrait faire l'objet d'aides communautaires spécifiques dans le cadre d'une politique européenne du logement.