Dans notre précédent article, nous vous avons rapporté l'intégralité de l'intervention de M. Pascal Lamy, Directeur Général de l'Organisation Mondiale du Commerce, lors de sa conférence de presse qui avait eu pour objectif de divulguer l'objet de sa visite en Tunisie les 28 et 29 octobre 2010. Nous nous consacrons aujourd'hui, spécialement, à ses réponses aux différentes questions soulevées par l'assistance lors de cette conférence. Capacités de résistance de l'économie tunisienne Selon M. Pascal Lamy, la Tunisie a été relativement beaucoup moins touchée par la dernière crise mondiale et ses effets directs et ceci parce qu'elle dispose d'une certaine souplesse. On aurait pu penser qu'elle serait très très touchée dans la partie textile et habillement. Toutefois, il y a eu un choc qui correspond à la baisse de la consommation notamment européenne et simultanément, il y a eu un certain rapatriement de fabrications qui sont revenues des pays d'Asie. La Tunisie, dont l'économie est dépendante des exportations dans une large mesure, a plutôt bien amorti le choc. Si on regarde l'exemple de l'Allemagne et la Tunisie qui sont tout les deux des pays très exportateurs, l'Allemagne a été plus touchée que la Tunisie en 2009. Il est vrai que l'Allemagne rebondit en 2010 plus fort que la Tunisie. C'est, probablement, qu'il y a une certaine inertie à la fois à la baisse et à la hausse. Néanmoins, cela prouve que ce n'est pas parce que la Tunisie dépend de l'échange international qu'une crise comme celle là la mettra à genoux. Beaucoup de gens qui pensaient que ça passerait mal pour les pays sur la base d'expériences précédentes où toutes les grandes crises se sont traduites par des vagues protectionnistes qui ont amené une restriction du commerce international, pas à cause de l'évolution de la demande et de l'offre, mais à cause d'obstacles de commerce. Ce qui s'est passé cette fois ci, c'est que ça n'a pas eu lieu. Il n'y a pas eu lieu de vagues protectionnistes substantielles. Le commerce international, aujourd'hui, est à peu près aussi ouvert qu'il l'était en 2008 (pas tout à fait de la même manière partout). Evidemment, a-t-il ajouté, jusqu'à présent, des pays comme la Tunisie ont bénéficié pleinement de l'assurance antiprotectionniste de l'OMC. La monnaie chinoise Concernant les effets commerciaux de la sous-évaluation de la monnaie chinoise, le Yuan, M. Pascal Lamy a noté que les exportations chinoises sont en bonne partie des réexportations d'importations chinoises de beaucoup de produits intermédiaires. Si on réévalue le yuan, on agirait seulement sur la partie de valeur ajouté chinoise. Selon lui, le risque des mouvements non coopératifs de monnaie ou de change a un peu diminué suite à la réunion des ministres du G20 en Corée du Sud le weekend dernier, notamment parce qu'ils ont décidé de donner au FMI un mandat de monitoring, y compris ayant des impacts des politiques monétaires et économiques et ayant des répercussions sur le taux de changes sur les autres pays. Au fond, selon lui, c'est autour de ce sujet que la discussion doit avoir lieu au FMI et au G20 et l'OMC n'en figure pas en première ligne. L'article 15 du GATT, rédigé en 1947 par Keynes et qui dispose qu'un pays ne peu pas contredire ses engagements d'ouverture commerciale via une action sur l'échange, existe mais, jusqu'à présent il n'a jamais été testé. Pour l'instant, ce sont plutôt des affaires macroéconomiques que des affaires commerciales. Les Etats-Unis consomment trop et n'épargnent pas assez et la Chine épargne trop et ne consomme pas assez et les déficits commerciaux ne sont que la projection des déséquilibres macroéconomiques. Le commerce international respire mieux en 2010 Au sujet du commerce international pour la période à venir et les questions d'ouverture des échanges et de régulations, M. Pascal Lamy a noté que la grosse chute du commerce de -12% en volume en 2009 et sa grosse remontée de +13% en 2010 sont dues, essentiellement, au fait que le commerce constitue la croix de transmission entre la demande et l'offre. Ceci est vrai dans un pays, entre pays et également sur le plan mondial. Si la demande s'effondre, l'offre s'effondre et le commerce s'effondre et de même dans l'autre sens. Cette grosse remontée revient du fait qu'il y a une reprise de la demande, une reprise de l'offre et, qu'entre temps, il n'y a pas eu de restriction au commerce. Le commerce est resté ouvert, la reprise de la demande a provoqué une reprise de l'offre et une reprise du commerce, et, tous se réajustent. L'OMC c'est l'ouverture mais, c'est aussi de la régulation en matière de discipline, de propriété intellectuelle etc. Avec Doha round, il y aurait une couche supplémentaire d'ouverture et une couche supplémentaire de régulation, notamment au profit des pays en développement. Ainsi, pour M. Pascal Lamy, il faut finir les négociations multilatérales parce que c'est avantageux pour tout le monde et c'est probablement, ce qu'on peut faire de plus immédiat, de plus rapide et de moins coûteux, contenu du fait que la plupart des budgets sont serrés, pour stimuler l'économie mondiale. Concernant les perspectives du commerce international en 2011, il est difficile de l'estimer a priori parce que la croissance du commerce mondial telle que l'on mesure en volume est un multiplicateur de la croissance de la production et que ce multiplicateur croît avec la généralisation des chaines de production globales. A cet égard, il a fait noter que la Tunisie est un excellent exemple d'un pays qui s'est inséré dans les chaines de production globales. Grosse mise sur l'Afrique Au sujet de sa visite à Dakar, le vendredi 29 octobre 2010, M. Pascal Lamy a dit qu'il va inaugurer l'ouverture d'une chaire de l'OMC à l'Université Cheikh Anta Diop (UCAD). L'UCAD a été sélectionnée par un jury suite à un concours passé l'année dernière. C'est un programme lancé il y a plus d'une année et il consiste à labéliser des centres universitaires qui sont particulièrement performants en matière d'enseignement du commerce international. M. Pascal Lamy a déclaré qu'après sa visite à Dakar, il assistera à la réunion des ministres africains du commerce à Kigali. Etant donné que c'est juste avant le G20 de Séoul, ils vont travailler ensemble sur le message des représentants africains, membres du G20, à ce sommet.