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Entretien avec M. Abdessatar Mabkhout, expert comptable et universitaire:
Publié dans L'expert le 12 - 04 - 2011


M. Abdessattar Mabkhout

La situation économique de la Tunisie s'est bien déstabilisée vers la fin de l'année écoulée.
Une situation politique déséquilibrée et une situation sécuritaire défectueuse et inquiétante ont été les facteurs essentiels du bouleversement et de la déstabilisation de l'économie qui, désormais, fait face à de sérieux défis.
Les défis de l'économie tunisienne ? Telle est la question principale que nous avons posé à l'expert et universitaire M. Abdessattar Mabkhout. Réponses édifiantes.

Quels seraient les défis de l'économie tunisienne?
Le problème mérite d'être posé, aujourd'hui, eu égard à l'évolution des dernières années. On ne peut pas traiter la question, après le 14 janvier, tout en ignorant tout ce qui s'était passé avant cette date. Au niveau macroéconomique, nous avions l'illusion de croire que nous étions dans une économie de marché. La définition de la notion de marché n'a pas été convenablement observée par tous les intervenants. Principalement, il y avait une confusion entre pouvoir politique et pouvoir économique. Même les acteurs du marché étaient des prolongements du pouvoir public (de l'administration), voire du pouvoir politique.
La globalisation veut dire que nous sommes dans un marché uniforme et ouvert. On parlerait de marché dans le cas où il y a plusieurs demandeurs et plusieurs offreurs, qui sont parfaitement informés et où il y a des transactions équilibrées entre personnes consentantes. Toutes les fois qu'on n'a pas ces éléments, on n'aura pas de juste prix et de juste valeur et tout sera artificiel ou piloté par des intérêts et des influences.
Aujourd'hui, nous avons un choix stratégique à faire qui est celui de l'ouverture sur le monde extérieur. Nous ne pouvons pas vivre en dehors de la globalisation. Nous devons y être tout en jouant un rôle important et pas en tant que petit pays. Il faut être présent pour améliorer, avec d'autres, les conditions de fonctionnement de la globalisation. Il est inconcevable de voir aujourd'hui la Chine, un pays parfaitement communiste mais libéral, dans la mouvance internationale de libéralisation, alors que la Tunisie, un pays entrouvert, n'y est pas. Le concept de marché coïncide avec la libéralisation.
L'économie américaine est l'économie la plus endettée. Beaucoup de produits de sa consommation viennent d'autres pays. C'est une économie inéluctablement ouverte. Sa croissance économique et sa richesse nationale ne dépendent pas du capital national.
Maintenant, il faut revenir aux fondamentaux sans perdre de temps. La politique est l'art du possible.

Comment la politique peut-elle impacter l'économie?
L'économie tunisienne a souffert de la mauvaise gouvernance politique. Dans tous les pays, la gouvernance politique inter réagit avec la gouvernance économique. L'Etat a joué un rôle de dysfonctionnement terrible. À travers le pouvoir politique, à travers un parti unique fort et puissant, l'Etat acceptait que des gens ne payent pas leurs impôts. Nous avions des hommes d'affaires « sous serre » protégés par les pouvoirs publics. L'Etat jouait un rôle prépondérant dans la mauvaise orchestration du fonctionnement du marché. Des gens grâce à leur alliance avec le régime et la famille « royale » grimpaient dans l'échelle sociale. D'autres avaient besoin d'avoir une carte du parti RCD pour exister et faire leur business. Cela a impacté tout, y compris les prix. Il n'y avait pas de liberté et une véritable concurrence. Certains n'acceptaient pas d'être arnaqués. Ils investissaient ailleurs.

Que reprochez-vous à l'Etat?
Il faut distinguer entre le rôle de l'Etat puissance publique et l'Etat actionnaire. Je me souviens que dans les années 85-86 on a commencé à parler de privatisation. J'ai participé à des tables rondes, je disais qu'il ne fallait pas switcher directement et il faut préparer le terrain à travers les bourses. Il faut qu'on transforme les entreprises publiques en sociétés anonymes et holdings à travers le marché. Une cession du capital via une politique à petite dose selon le marché et tout en le maîtrisant. Des sociétés ont été cédées avec des cahiers des charges, au lieu de passer par la bourse. Je ne dirais pas que toute les transactions étaient tendancieuses surtout dans les années 86 et 87, mais après, et on le sait maintenant, les entreprises publiques ont était spoliées avec la complicité du pouvoir public et du gouvernement. On est sorti totalement du marché et on était plus dans la logique économique. Tout cela se répercute sur le PIB. La Banque Mondiale, bien que tous ses chiffres viennent de la Tunisie, a estimé à 3% la perte de PIB provenant de la corruption. L'Etat puissance publique doit rester totalement différent dans son comportement que l'Etat actionnaire et le désengagement de l'Etat doit se faire à petites doses selon les besoins du marché.
Certaines personnes, lorsqu'elles détiennent le pouvoir, croient avoir le monopole de l'expertise et du savoir-faire et elles n'écoutent pas les autres. Mustapha Ennabli, gouverneur de la BCT, est un véritable homme d'Etat, un intègre. Lorsqu'il était ministre du Développement économique, il était le premier à ouvrir les espaces de réflexions sur le plan à d'autres personnes et c'est à partir de ces réflexions que j'avance ces idées-là. On a toujours laissé croire que le chef donne de l'argent. C'est l'argent du contribuable, du peuple qui paye son impôt et non des grands patrons qui peuvent ne pas payer les impôts. Ce sont les retenus à la source, les TVA, etc. Il faudrait faire attention. L'argent du contribuable devrait être utilisé de la manière la plus saine avec de bonnes pratiques de gouvernance.
L'Etat a été défaillant et complice de la mauvaise gestion. Le secteur fiscal était beaucoup plus orienté aux gens qui sont transparents et vers ceux qu'on voulait sanctionner. Les autres sont protégés et ne payent rien.
L'Etat jouait un rôle générateur d'opérations non conformes aux conditions de marché. Lorsque le capital appartient au contribuable, les établissements financés par l'Etat doivent être transparents et bien gouvernés. Nous n'avons pas de marché. Nous avions une confusion. L'entreprise publique très mal gérée se mettait parfois en compétition avec l'entreprise privée. L'Etat actionnaire et l'Etat puissance publique étaient au service d'une mafia.
On avait la douane parallèle et un manque à gagner terrible pour l'Etat. Les opérateurs locaux, pour survivre, cherchaient des miettes auprès de la famille royale et de la mafia politique. Ils se sont fait piéger et sont devenus complices.
C'est l'Etat qui est le principal acteur économique. L'Etat actionnaire doit se désengager.

Que faut-il faire?
Pour parler de l'avenir, il faut revenir aux fondamentaux de l'économie, c'est-à-dire le respect de la loi et des institutions, l'égalité des chances, l'application stricte du droit, l'indépendance des magistrats et des contrôleurs fiscaux. Officiellement l'administration fiscale ne peut contrôler que 6% des contribuables qui est très peu pour récupérer de l'argent. Moi je suis pour moins de taux d'impôts et plus de contrôle. Lorsqu'un fonctionnaire de contrôle fiscal est très mal payé il est tenté. Certains hommes d'affaires malhonnêtes sont capables de tendre des pièges à des gens qui étaient intègres. Il faut faire l'inventaire du patrimoine des contrôleurs fiscaux avant et après leur prise de fonction. Il faut faire des audits indépendants pour faire le point sur la situation. Je suis contre les avantages fiscaux.
Il faut payer au pourcentage des recettes collectées. Quelque part, il faut oser redéfinir ; il faut donner au marché sa noblesse avec une équité, des règles claires transparentes épousées par tout le monde, communément admises et faire de l'Etat beaucoup plus puissance publique qu'Etat actionnaire
J'ai de l'espoir que la Tunisie va avoir la capacité d'attirer les véritables investisseurs. Le monde doit avoir confiance en ce petit pays riche en potentiel. Beaucoup de gens veulent qu'on rate cela : les minorités et les non compétents. J'ai confiance en la Tunisie.
Je ne crois pas que l'Etat doit donner de l'argent aux entreprises pour leur mise à niveau. Je suis contre les dons et contre les subventions. Il faut que l'opérateur assume sa responsabilité et l'Etat doit investir dans l'environnement, dans les routes, dans les télécommunications et dans l'infrastructure. L'administration doit avoir ses limites. Je pense à l'outsoursing des sociétés de service public où le personnel sera payé par rapport à la richesse qu'il crée. Par exemple, on pourrait extraire des extraits de naissance à minuit (à un tarif plus élevé) à partir de ces sociétés.
En 70, le Portugal ou la Corée du sud n'étaient pas mieux loties que la Tunisie.

Qu'est-ce qui vous inquiète le plus?
Ce qui est inquiétant c'est le court terme. Pour le court terme, il y a un lourd héritage. Même les entreprises publiques n'ont pas toujours respecté la réglementation. On a un stock important de chômeurs dont une bonne partie provient de l'université, nous avons un déséquilibre total dans les régions. On a constaté ces derniers temps que tout le monde demande tout à la fois. les gens disaient dans les slogans « pain, eau et non Ben Ali ». Ben Ali est parti et on demande plus de pain et d'eau.

Quel rôle pour l'Etat aujourd'hui?
Il faut que l'Etat devienne un acteur économique (entrepreneur). Il faut que les entreprises publiques deviennent totalement transparentes pour se positionner dans le marché boursier, bien gouvernées et l'information soit communiquée aux actionnaires qui sont le peuple tunisien (le contribuable). Il faut changer de mode de fonctionnement
Quant une entreprise n'est pas rentable, il faut la liquider et créer une caisse pour indemniser les chômeurs.
Investir dans l'infrastructure, même avec un gouvernement transitoire, cela va servir. C'est rentable et crée de l'emploi.
Même dans l'infrastructure, il faut encourager le partenariat public privé (PPP)
Les ONG doivent utiliser les bonnes pratiques de gouvernance, recruter des comptables, des gestionnaires.
Il est acceptable que l'Etat finance à travers le trésor public par une caisse de chômage, mais il n'est pas acceptable qu'une entreprise coule pour qu'elle puisse recruter des chômeurs. L'Etat doit décider des investissements lourds en infrastructure et créer des emplois.

Que proposez-vous pour les associations sportives?
Les associations sportives (mal gérées) doivent devenir des entreprises. Les grandes équipes de football sont de simples associations très mal gérées et sans gouvernance. Lorsqu'elles sont créées elles doivent recruter des chômeurs (médecins spécialistes notamment, comptables, gestionnaires, …), elles vont être bien gouvernées. On peut développer beaucoup de choses autour du sport et ça devient une industrie, créant beaucoup d'emplois. Il y a un grand besoin d'identification des chômeurs et de leur classement par catégorie, de définir les axes d'investissement à faire, notamment pour connecter la capitale et la côte à l'intérieur, d'identifier les programmes de formation complémentaires à faire et d'encourager la création d'associations et de sociétés de service.

Et pour les investissements directs étrangers?
Il y a beaucoup de de pays qui aiment bien aider la Tunisie. L'investissement en infrastructure encouragera l'investissement privé local et aussi étranger.

L'école?
On peut créer une association de soutien aux élèves qui sont en difficulté sociale. Interdire aux professeurs de donner des cours privés.

Que pensez-vous des centres agréés de gestion?
Ces centres permettent de recruter beaucoup de jeunes diplômés: expert comptables, juristes, etc. Il faut encourager les centres de gestion intégrés et accorder aux entreprises des incitations fiscales. Réduire l'impôt dès qu'on soustrait une tâche dans un centre, en même temps on tire profit d'un service qui crée de l'emploi. Il faut avoir les idées.
Créer des structures qui travaillent sous le contrôle de l'Etat, encourager des missions d'audit. Il faut avoir des gens indépendants qui travaillent dans le secteur public, je suis pour l'audit privé.
Propos recueillis par Anissa Bouchoucha


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