Lors de ce workshop, des interventions sur plusieurs et divers sujets ont été présentées. Nous en citons en exemple : « L'Islam et l'Occident » par le Pr. Chérif Ferjani de l'Université de Lyon II de France, « La place de la religion dans un espace de savoir euro-méditerranéen » par le Pr. Bernd Thum de l'Université de Karlsruhe d'Allemagne, « Religion, identité et liberté » par le Pr. Mohamed Haddad titulaire de la Chaire, « Jeunesse et liberté de conscience » par Pr. Mohamed-Sghir Janjar de la Fondation du Roi Abdul-Aziz pour les Etudes islamiques et les sciences humaines du Maroc, « Le fanatisme religieux » par la Chercheur tunisienne Chadia Troudi et « Jeunesses catholiques » par la chercheur italienne Francesca Cadaddu.
Des problématiques intéressantes ont été soulevées lors des interventions et ont animé les débats. La profonde crise d'identité musulmane (en Europe et dans le monde musulman), la protection de l'identité musulmane, le cercle vicieux entre la tyrannie et le fanatisme, la relation entre la culture et la religion, la définition du salafisme, la définition du sacré, ont constitué quelques-unes de ces problématiques.
Au sujet du thème «Religions sans frontières», le Pr. Mohamed Haddad a souligné «qu'il est nécessaire de rappeler l'histoire longue et complexe des religions et la géographie religieuse actuelle, diversifiée et métissée. C'est aussi un appel pour vivre sa religion individuellement, selon sa propre conscience libre et autonome, sans subir les contraintes d'une vision standard ou d'une construction donnée comme a priori. Ainsi les religions ne seront pas instrumentalisées pour favoriser le repli ou la violence. Bien au contraire, elles seront des sources d'ouvertures et de paix pour des individus libres et responsables».
« La plupart des religions ont assuré tout au long de leurs évolutions deux fonctions: celle de relier les hommes entre eux et participer à forger l'identité collective d'un groupe social, et celle de détacher l'homme de ses appartenances "terrestres" pour le rapprocher d'un absolu, le rendant seul responsable de décider de sa relation avec cet absolu.
Aujourd'hui, les religions subissent des demandes identitaires pressantes. Il est compréhensible qu'elles soient sollicitées pour répondre au besoin profond de rapprocher les individus dans un monde qui vit une crise profonde et qui aspire à une refondation du vivre-ensemble sur des bases plus solides et plus équitables. Trop d'injustices et d'humiliation font que les faibles et les démunis trouvent dans le religieux la compensation et l'espoir.
Cependant, il ne faut pas oublier que les religions ne peuvent être réduites à la dimension identitaire. Toutes les grandes religions transcendent les frontières nationales pour s'étaler dans le monde et interpeller l'homme en tant qu'être autonome et libre. Jadis, les religions avaient participé à l'abolition des frontières et au brassage des races et des peuples; confrontées aux crises du monde actuel, elles ne doivent pas être réduites à un simple besoin social et politique », a-t-il indiqué.
Lors de son intervention, Farida Belkacem, Chercheur à l'Institut des Relations Internationales et stratégiques (IRIS) de France, a abordé la question des pratiques de la jeunesse musulmane en France et en Grande Bretagne. Suivant une enquête qu'elle a réalisée auprès de jeunes étudiants musulmans (en licence et en master) qui revendiquent une pratique « engagée » de l'islam , il ressort que cette jeunesse vit au centre d'influences diverses . C'est une jeunesse complexe, aux identités multiples, plongée dans la mondialisation, ce qu'elle appelle une "jeunesse carrefour". Le second point de son intervention concernait la modernité des pratiques musulmanes des jeunes Britanniques et des jeunes Français.
La crise d'identité de l'Islam dans le monde musulman a étéa bordée par les interventions des Chercheurs tunisiens Salah Mtiraoui et Mehdi Abdelajawad lors de leurs interventions sur la Religion et l'identité à l'époque de libération nationale respectivement pour l'exemple tunisien et l'exemple marocain.
Lors de son intervention sur « L'Islam et l'Occident », Pr. Chérif Ferjani, a soulevé la question de l'opposition entre l'Islam et l'Occident. Les valeurs de l'Islam sont incarnées dans la civilisation occidentale, mais malheureusement ce qui a dominé aussi bien chez les musulmans qu'en Occident est l'opposition Islam-Occident, a-t-il indiqué. « Cette opposition est fondée sur l'idée d'un Islam mythique, abstrait et monolithique. Elle est aussi fondée sur un Islam identifié comme étant une religion du Sud et des pays sous-développés et un Christianisme identifié comme étant une religion du Nord et des sociétés modernes, démocratiques et développées », a-t-il précisé. S'attaquant à cette opposition, il a mis en évidence la diversité de l'Occident et de celle de l'Islam. « L'Islam est divers comme l'Occident est divers », a-t-il dit. Aussi, il a précisé qu'aujourd'hui, avec la contribution de la mondialisation, l'Islam est devenu une composante des pays du Nord et le Christianisme est devenu une composante des pays du Sud. Ainsi, le deuxième point sur lequel est fondée l'opposition Islam-Occident n'est plus évident, a-t-il démontré.
Pour rompre avec l'opposition Islam-Occident, Pr. Ferjani a souligné l'importance d'un enseignement comparé des religions fondé sur une base scientifique et non sur la base de thèses ethnocentristes.
La Chercheur tunisienne Sihem Frigui a abordé, au cours de son intervention, la question du besoin de l'homme du sacré et de la piété. Elle a présenté les motifs de la recherche de ce sacré et de la piété en tant que motifs socioreligieux et socioculturels. La recherche du sens de son existence et du calme psychologique en constituent les motifs les plus importants, a-t-elle indiqué.
D'autre part, elle a souligné l'emploi de ce besoin et de la religion par les partis politiques pour pouvoir accéder au pouvoir, et, l'emploi de la religion par le pouvoir pour maitriser le peuple. Pour elle, il y a une mauvaise image de la religion qui s'est diffusée et selon laquelle, pour certains, celui qui ne partage pas leur mêmes idées est puni et est considéré comme infidèle.