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Sejnane: Travailler la terre à coeur-joie
Publié dans TAP le 21 - 06 - 2011

SEJNANE (TAP, par Sarra Belguith) - Il a fallu porter des chaussures d'arpentage et bien ajuster son chapeau de paille avant de se lancer dans les ronces inextricables de l'une des pistes sinueuses arpentant le chemin menant à la fabrique ouvrière "Laaroussa" à Sejnane, où toute une ruche d'artistes et d'artisanes a pris ses quartiers depuis le mois de février 2011. Arrivés sur les lieux dégageant les senteurs fortes de la plante de menthe qui pousse un peu partout au beau milieu d'une prairie où paissent paisiblement quelques moutons, un ardent sentiment de vouloir découvrir à quel point la main peut être habile et ajouter à l'expertise d'antan une dose de créativité artistique, force les invités de cette région du centre ouest de la Tunisie à presser le pas vers le sas de la fabrique socio-artistique "Laaroussa", qui a fêté le 18 juin la grande Journée marquant la fin de la première phase de son travail collectif.
Main dans la main pour redonner vie à un savoir-faire ancestral
C'est Om Jomaa, la doyenne des potières qui nous reçoit accompagnée de quelques femmes tatouées, vêtues de leurs mélias aux couleurs chatoyantes, lançant des youyous, se mêlant à des femmes en tenues plus modernes, pour accueillir les visiteurs tant attendus à un voyage au coeur de la dextérité manuelle.
De cet accueil chaleureux réservé aux convives émane un message essentiel: main dans la main pour redonner vie à un savoir-faire ancestral. Au premier arrêt, un grand collier en forme de "Rihana" subjugue par sa taille. Fait à partir de petits carreaux en argile sous forme de losanges ou chevrons, avec des motifs divers, il est incrusté sur le sol. Ce bijou de perles de Sejnane grand format révèle déjà le potentiel artisanal de ces femmes, assistées par la plasticienne béninoise Tobi Ayedadjou, ayant eu cette chaleur au coeur en voyant ces femmes pétrir, malaxer et travailler la terre, à coeur-joie.
Juste à côté, un costume traditionnel féminin attire les regards. Une vraie merveille auréolée davantage par les rayons de soleil qui la rendent encore plus lisse, luisante et éblouissante. Composée par un assemblage de petits carreaux en terre cuite modelés et décorés, exprimant à la fois l'unicité et la pluralité, cette "robe idole" de Sejnane, réalisée à plusieurs avec l'aide de la modéliste Sonia Kallel, raconte l'histoire d'une communauté, d'un héritage culturel profond et sensible.
Un peu plus loin, dans un espace construit en bambous et branchages, le promeneur se trouve hypnotisé par des chants invitant encore une fois à la découverte d'une projection bien originale sur un tas de briques où les femmes artisanes évoquent les secrets de leur métier, comme dans des séances de démonstration initiation dont chacun n'a pas manqué juste après de partager la passion pour l'argile en s'initiant à un métier qui fait la réputation de cette région. Un métier que les frères Ouissi de Dream city ont voulu mettre en valeur à travers une installation vidéo projetée en boucle et dans laquelle ils mettent en scène à travers un tableau chorégraphique, tout un alphabet gestuel pour décliner poétiquement les mouvements des mains et les souffles des potières donnant ainsi matière à sentir, penser et rêver.
Donner matière à penser, donner envie de continuer
Dans ce petit village rural qui cache dans ses replis l'épopée d'une vie, "Laaroussa", ce collectif artistique est venu apporter à ces gens une note d'espoir sociale et économique. C'est aussi l'illustration d'un pari réussi à partir de l'alchimie qui s'opère quand on sait comment créer une synergie entre sources et ressources. En effet, " "Laroussa" est pour nous comme la mariée dans notre jargon", affirme la doyenne Om Jomaa, âgée de 75 ans.
"C'est pour nous la seule occasion de fêter, de s'habiller, de converser, de chanter et de danser, mais cette fois, l'événement, a perduré dans le temps et nous souhaitons qu'il ne s'arrêtera jamais, car il a donné un nouveau sens à nos vies" explique-t-elle.
Joyeuses, souriantes, fières et confiantes, Algia, Dalila, Hlima, et toutes les autres femmes du village sont contentes de célébrer ce jour ultime mais pourvu qu'il ne soit pas le dernier.
Déjà nostalgiques de ne pouvoir plus avoir l'occasion de se rassembler, Jannet Saidane souffle des bouts des lèvres "Je suis triste à l'idée de voir tout ce beau monde qui nous a appris à vivre et à vivre ensemble, partir", s'explique cette jeune femme âgée de 35 ans. "Personnellement, j'ai appris à avoir du temps pour m'habiller, me peigner les cheveux et se préparer pour aller travailler" confie-t-elle.
Enthousiaste elle ajoute sur un ton timide "avant, j'étais isolée, aujourd'hui, j'ai de nouvelles amies, ma fille aussi; se retrouver ensemble à modeler l'argile et à fabriquer des choses, poupées, cuiller, assiettes, bref tout ce qui sert pour avoir enfin un gagne-pain, c'est très important» confie-t-elle.
En effet, pour arriver à ce résultat, il était indispensable de mener des investigations sur les lieux et d'entrer en contact de plus près avec ces femmes pour gagner leur confiance, comprendre leurs besoins, mais aussi pour cerner leurs sujets d'intérêt et leurs ambitions qui n'ont pas de frontières.
Dès lors, les choix semblaient faciles, mais la démarche à suivre n'était pas une mince affaire. Il s'agissait de faire entrer en contact chaque femme, chaque oeuvre, chaque passion, chaque fait dans un immense puzzle de la diversité et de la richesse patrimoniale de Sejnane.
Du chemin reste à faire pour voir se projet se prolonger dans la durée
L'ambition de "Laaroussa" n'est-elle pas d'apporter à ces femmes déjà à l'oeuvre et qui souhaitent aller plus loin, des opportunités concrètes pour améliorer leur approche de vie rurale? Livrant à chaud ses impressions, l'ambassadeur de Suisse, Pierre Combernous, a tenu à préciser que «cette deuxième visite à Sejnane ne sera certainement pas la dernière» promet-il.
Décontracté, il a affirmé que la Suisse a apporté à ce collectif artistique un coup de pouce pour boucler ce projet faisant observer que «si un collectif s'est créé, c'est pour qu'il engendre des synergies importantes". D'ailleurs, et pour que ce projet se prolonge dans la durée, l'ambassadeur n'a pas manqué de souligner la volonté de soutenir ce travail admirable : «on va voir comment mettre ces artisanes en contact avec du monde pour qu'elles puissent être indépendantes et si nous avons apporté un soutien de départ, je suis certain qu'il y aura d'autres qui continueront avec elles et nous les encouragerons pour poursuivre ce chemin" renchérit-il.
Pour sa part, le délégué de Wallonie-Bruxelles à Tunis, M. Daniel Soil, s'est montré impressionné par le haut degré de raffinement accompli dans les oeuvres de ces femmes artisanes. Cependant, a-t-il noté, "hormis l'argile, le sol de Sejnane est riche en métaux rares entièrement précieux servant à la composition des téléphones portables". A ce sujet, il a révélé que des experts tunisiens et belges travaillent ensemble pour identifier ces métaux, pour ensuite les extraire et les exploiter sur le plan économique, ce qui démontre que cette Sejnane a tant d'atouts qui peuvent faire d'elle un pôle de développement à l'avenir aussi dans le domaine de la télédétection".
"Ceci dit, loin des clichés folkloriques, loin du pittoresque à bon marché, ces produits peuvent être vendues en Belgique, seulement il faudrait trouver des débouchés et des amateurs qui les mettent en évidence", a-t-il conclu.
Pour l'Institut français de coopération, autre partenaire de Laaroussa, également présent à la fête, ce projet qui conjugue admirablement artisanat, design, environnement, solidarité, économie , soutenu depuis son lancement en 2010, prend toute sa valeur dans cette Tunisie nouvelle qui s'enrichit d'une société civile dynamique et inventive.
Au fait, si aujourd'hui, ce milieu s'enorgueillit de regorger de telles potentialités, il n'en demeure pas moins que ce savoir-faire ancestral ne doit pas être dilapidé. C'est la raison pour laquelle, ici et là, journalistes, ambassadeurs, coopérants, acteurs de la société civile, continuaient à échanger les propos autour de l'artisanat tout en dégustant le couscous cuit à la manière de la région sur bouse de vache.
Certes, cette petite virée à la campagne a permis de visiter un coin reculé du pays où des femmes et hommes ont décidé ensemble de rien laisser au hasard car tout y est utile. Grâce à cette nouvelle culture qui s'est créée, autour du vivre ensemble, une nouvelle culture se prépare; celle d'une terre qui a besoin d'une rapide réparation-restauration.


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