TUNIS (TAP) - Le lieutenant-colonel Samir Tarhouni, chef de la Brigade anti-terrorisme (BAT), a affirmé, lundi, lors d'une conférence presse, tenue au siège du Premier ministère, avoir mené, le 14 janvier 2011, en compagnie de 12 membres de la BAT, "l'opération d'arrestation des membres des familles du président déchu et de son épouse", et cela "de manière spontanée, sur initiative personnelle et sans instructions préalables". Il a indiqué que le film des événements s'est accéléré le 14 janvier à partir de 14 heures 30, au moment où il a reçu une communication téléphonique d'un responsable de la BAT relevant du ministère de l'Intérieur l'informant qu'il a reçu des instructions "pour se préparer à tirer" mais qu'il a "refusé d'obtempérer préférant utiliser seulement les bombes à gaz lacrymogène". Samir Tarhouni a, ensuite, reçu une information selon laquelle des troubles et jets de pierres ont lieu aux alentours de l'aéroport de Tunis-Carthage, ce qui l'a incité à vérifier ce renseignement auprès de son collègue, le lieutenant-colonel Hafedh El Ouni, présent sur place, qui l'infirmera tout en précisant que 30 personnes de la famille de Leila Trabelsi, épouse de Ben Ali, se trouvent à l'aéroport, prêts à quitter le pays. C'est à ce moment là, a dit le lieutant-colonel Samir Tarhouni, que je me suis convaincu que "Ben Ali est devenu le président des Trabelsi et non plus du peuple tunisien", indiquant qu'il a demandé à son épouse qui travaille à la tour de contrôle de l'aéroport ainsi qu'à son collègue El Ouni de "retarder le départ de la famille du président déchu". Et c'est accompagné de 12 membres, fortement armés, de la BAT de la caserne de Bouchoucha qu'il rejoint l'aéroport de Tunis-Carthage vers 14 heures 50, indiquant qu'il a neutralisé les agents du commissariat de l'aéroport en les informant qu'il avait pour instruction d'arrêter les membres de la famille Ben Ali et de son épouse. C'est dans le bus les emmenant de la salle d'embarquement vers l'avion et en collaboration avec les agents du commissariat de l'aéroport qu'on a procédé à l'identification des membres de la famille du président déchu et de son épouse, à leur arrestation et à leur reconduction au salon d'honneur de l'aéroport, a indiqué le lieutenant-colonel Samir Tarhouni. Celle de Moncef Trabelsi interviendra par la suite, dans la mesure où celui-ci s'était caché dans un des magasins de l'aéroport, et celle de Imed Trabelsi, un peu plus tard, à son arrivée à l'aéroport, pour que le nombre total des arrestations atteignent 28 personnes. Le lieutenant-colonel Samir Tarhouni a précisé en outre qu'il a autorisé Syrine Ben Ali (fille de la première épouse de Ben Ali) à quitter le territoire à bord d'un avion privé en raison de "l'absence de soupçon à son encontre". Le Lieutenant-Colonel Tarhouni a indiqué avoir reçu, après les arrestations, un appel du chef de la sécurité présidentielle Ali Seriati qui lui demandait "d'où venaient les ordres" et de libérer toutes les personnes arrêtées. "J'ai raccroché et refusé de discuter avec Seriati", a-t-il dit. "Ensuite est arrivé à l'aéroport le directeur général des brigades d'intervention Jalel Boudriga qui a insisté, à son tour, pour que toutes les personnes arrêtées soient libérées". Ses ordres ont également été refusés. Poursuivant son récit des faits, Samir Tarhouni a indiqué que lui et les membres de sa brigade étaient "très heureux" de voir décoller l'avion présidentiel de l'aéroport de l'Aouina à 17h45. "Nous avons alors décidé de remettre le groupe arrêté à l'armée étant donné qu'elle était la seule institution légitime à ce moment là", a-t-il expliqué, faisant noter qu'il avait insisté pour mettre le général Rachid Ammar au courant des faits. Il a mis en exergue le rôle joué par le colonel Sami Sik Salem pour sécuriser la situation au palais de Carthage après la fuite de Ben Ali. Colonel Sik Salem a réuni l'ancien Premier ministre Mohamed Ghannouchi, le président de la Chambre des députés Foued Mebazaa et le président de la Chambre des conseillers Abdallah Kallel pour faire face au vide créé dans le poste de président de la République. "M. Ghannouchi m'a appelé pour savoir si je voulais être président, croyant que ce qui s'était passé à l'aéroport était un coup d'Etat planifié. Je lui ai répondu que ce n'était que devoir accompli", a-t-il encore dit. "Le 14 janvier au soir, j'ai été arrêté, mon arme a été saisie et j'ai été interrogé pendant deux jours sur les événements de l'aéroport", a-t-il indiqué, spécifiant avoir repris le service le 16 janvier sur décision du ministre de l'Intérieur de l'époque et du général Ammar. Concernant le timing choisi pour révéler le récit des faits, 7 mois après le déclenchement de la révolution, le lieutenant-colonel Tarhouni a expliqué qu'il est dû à "la charge de travail et les problèmes de dérive sécuritaire dans le pays, ajoutés à l'instruction judiciaire en cours sur ces événements qui impose aux forces de sécurité de ne révéler aucune information". Le choix de ce timing précis, a-t-il expliqué, est motivé par la nécessité d'éclairer l'opinion publique et de mettre fins aux spéculations sur les procès des proches de Ben Ali et Leila Trabelsi.