TUNIS, 20 avr 2011 (TAP) - M. Mohamed Haddar, professeur universitaire et président de l'association des économistes tunisiens a critiqué le programme économique et social du gouvernement provisoire, lui reprochant d'être conçu comme un instrument pour la redistribution des richesses, alors que l'économie nationale a besoin de créer de nouvelles richesses pour résoudre le problème du chômage. Il estime, en effet, que les solutions présentées par le gouvernement provisoire au début du mois d'Avril courant, avaient été expérimentées auparavant, sans aboutir aux résultats escomptés. L'économiste, a proposé, dans un entretien avec la TAP, deux solutions pour relancer l'activité économique. La première solution consiste à consacrer près d'un milliard de dinars, inscrits dans la loi des finances 2011, au titre des dépenses imprévues, au lancement de grands chantiers dans les régions, pour la construction de logements sociaux. La deuxième solution porte sur la conversion des dettes extérieures de la Tunisie en projets de développement régional. «Le secteur du bâtiment, connu pour son effet d'entraînement, a toujours été un moteur pour les autres secteurs», a-t-il dit, relevant que le lancement de ces chantiers dans les régions intérieures permettra de créer une dynamique de l'emploi associant moult petits métiers «sidérurgie, menuiserie, peinture..) et de faire participer d'autres professions telles que les architectes, les ingénieurs en génie civil... Le budget consacré aux dépenses imprévues, devrait être investi au nom de la révolution qui entre dans la case des «imprévus» a-t-il fait remarquer, affirmant que cet argent pourrait aider à construire des dizaines de milliers de logements sociaux au profit des familles démunies dans des régions telles que Sidi Bouzid et Kasserine. D'autre part, il s'étonne que «La Tunisie s'enorgueillit toujours d'être à la hauteur de ses engagements envers les bailleurs de fonds mondiaux et de payer ses dettes dans les délais prévus, alors qu'il y a possibilité de convertir ces dettes, notamment, les dettes publiques, en projets de développement». Ce mécanisme appelé «swap debt» est opérationnel et a servi déjà dans plusieurs pays, a-t-il encore relevé. De fait après la révolution, l'activité économique tunisienne a accusé une baisse et l'investissement direct étranger a chuté à son plus bas niveau. Le volume global de l'investissement est évalué à 1500 millions de dinars dont 1000 MD d'investissement étranger. Le taux de croissance du PIB pour cette année est estimé à 0% et les nouvelles créations d'emploi ont régressé pour se situer à 15 000, alors que 80 000 postes étaient prévus. Le déficit du budget de l'Etat va, de son côté, augmenter de 2,5% à 5%. M.Haddar a souligné l'urgence de changer le modèle de développement actuel, lequel ne peut créer davantage d'emplois notamment au profit des diplômés du supérieur (157 mille chômeurs en 2010). L'économie tunisienne qui a réalisé des résultats probants au cours des dernières années, reste fragile. Son développement repose sur trois secteurs à faible valeur ajoutée à savoir le tourisme, le textile et les industries mécaniques et électriques qui sont liés aux marchés extérieurs. De fait, le secteur du textile fait face à une concurrence féroce notamment, après le démantèlement de l'accord multifibres en 2005, alors que le secteur touristique perd de sa dynamique en raison de la forte concurrence de pays, tels que la Turquie et l'Egypte. La situation financière de plusieurs hôtels semble précaire du fait de leur taux d'endettement élevé qui constitue un risque pour les banques engagées dans ce secteur. La corruption largement répandue dans les entreprises et au sein des institutions de l'Etat, a rappelé l'économiste, a entravé la création de richesses et l'agrandissement de la taille des entreprises. Les hommes d'affaires préférant les PME, lesquelles représentent 90% du tissu économique national, pour ne pas "susciter la convoitise de la famille du président déchu". Ces petites et moyennes entreprises n'ont pas recours à la technologie et partant n'en favorisent pas le transfert. L'approche adoptée est de minimiser les coûts de production, par l'emploi d'une main d'oeuvre non qualifiée. C'est ainsi que le taux d'encadrement des entreprises tunisiennes ne dépasse pas 4,7%. Ce taux très faible induit, selon lui, une augmentation du taux du chômage dans les rangs des diplômés du supérieur d'une année à l'autre. Du fait de ce système de corruption, l'activité économique est restée en deçà des potentialités réelles que recèle le pays. Revêtant de multiples formes, elle a rendu l'activité économique plus coûteuse et a réduit de façon significative les ressources de l'Etat, abaissant le niveau des services notamment dans les secteurs de l'enseignement et de la santé et menant à une augmentation de la pauvreté, a conclu l'économiste.