La vocation d'une période postrévolutionnaire, c'est un lieu commun, est d'être difficile et complexe. Les Tunisiens ont douloureusement appris que le processus de la transition démocratique serait long, complexe, non linéaire. Les voix de la sagesse politique ont dit et redit qu'il faut clairement fixer des objectif politique, social et économique, mener les réformes et les réajustements nécessaires et urgents et impliquer toutes les forces politiques et civiles dans cet effort. La révolution de la Liberté, de la Justice et de la Liberté ne peut être accomplie que sur le long terme. Ceux qui ont promis des miracles à l'occasion des élections du 23 octobre 2011 n'ont pas dit toute la vérité aux électeurs. Parce que la vraie révolution est à faire par chaque Tunisien et à chaque jour à l'endroit où il travaille, à l'école où il étudie, à la cité où il habite. Avec un esprit nouveau. Une mentalité nouvelle. Des valeurs nouvelles. Sans brader les acquis de l'Etat national et les valeurs constitutives du projet sociétal. Deux ans après les élections du 23 octobre 2011, la situation du pays se trouve marquée par une grande incertitude politique. L'Assemblée nationale constituante peine à finir la mise en place de la nouvelle Constitution et des mécanismes permettant l'organisation des élections libres et démocratiques. Une grande crise de confiance règne sur la vie politique. Avec des acteurs officiels sûrs de leur réussite politique dans la gestion des affaires du pays. Or, les assassinats politiques, la crise économique, la crise sociale, l'augmentation des prix et la spéculation montrent le contraire. D'où la peur, le manque de confiance et l'incertitude qui règnent sur les esprits. Aujourd'hui, toutes les parties qui essayent de maintenir le statu quo ne font qu'aggraver la crise et, par conséquent, laisser les difficultés et les problèmes s'accroître pour le citoyen lambda qui a cru un certain 14 janvier 2011 que la révolution allait réaliser l'ambitieuse trilogie de Liberté, Justice, Dignité. Devant le spectacle des politiciens qui disent la chose et son contraire, la mise en scène des «révolutionnaires» qui ont assisté de l'étranger à la révolution plutôt en spectateurs, les martyrs de la révolution ne peuvent que se retourner dans leur tombe et les blessés de la révolution ne peuvent que souffrir davantage en voyant leur révolution «violée» par la violence par ce qu'on appelle «Ligues de Protection de la Révolution» condamnées par toute la classe politique, à quelques exceptions près ! Quant aux régions dont sont parties les premières étincelles de la révolution, elles ne peuvent que se lamenter sur le sort d'une révolution dévoyée par les agissements des uns et des autres, par les jeux machiavéliques de pouvoir, par l'enrichissement des spéculateurs et les difficultés de ceux qui n'arrivent plus à joindre les deux bouts du mois. L'inquiétude sur le devenir de la révolution est réelle. Le spectacle de ceux qui restent encore privés des droits les plus élémentaires à une vie digne, le chômage qui augmente, les entreprises qui ferment, les hommes d'affaires tunisiens et étrangers qui fuient le pays pour aller investir ailleurs et les indicateurs économiques au rouge se conjuguent ensemble pour briser l'élan de la révolution. Tout cela sur fond d'interviews, de déclarations, de duels verbaux radiodiffusés qui montrent des querelles de chapelles plutôt qu'une divergence réelle au niveau des programmes politiques clairs et précis qui permettraient au pays de sortir du tunnel et d'aller de l'avant. Les propos tenus récemment par un haut responsable de l'Etat constituent la caricature parfaite d'un discours politique qui n'est ni audible ni fiable. Avec des clichés qui ne passent plus : «une révolution est assez facile», «nous avons eu deux assassinats politiques», «le tourisme n'est pas si mauvais que ça, puisque, nous avons de nombreux visiteurs en provenance de Libye et d'Algérie»… Alors que «mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde», disait Albert Camus. Les thèmes comme les circonstances permettent de multiplier à l'infini les dévoiements du discours politique. Nombreux sont les hommes qui s'y prêtent avec bonne grâce. La plupart ne font qu'échanger leurs «convictions» et leurs «idéaux» contre le petit calcul politicien. Ceux-là ne font qu'enfoncer davantage le pays dans une crise politique, économique, sociale et sécuritaire sans précédent.