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Epicerie-Hypermarché, Poids lourd contre poids plume
Publié dans WMC actualités le 24 - 10 - 2009

Othman, enseignant de français, 42 ans et père de deux enfants descend de sa voiture en laissant le moteur tourner pour acheter son pain et 500 g de spaghettis. Il parle avec son épicier du résultat du match de football de la veille et part sans payer. Il fonctionne à crédit. Sa femme passera faire ses achats, en cas de besoin. Il a ses aises et ne s'en plaint pas. «Je ne mets plus les pieds dans les hypermarchés. Le problème des grandes surfaces, c'est qu'elles vous invitent à consommer. Vous y entrez pour une chose et vous en ressortez avec un caddie plein. C'est une des causes de l'endettement des ménages en Tunisie» explique t-il.
Longtemps considérée comme un garde manger, l'épicerie tunisienne s'est faite coiffée au poteau par le supermarché, puis depuis moins d'une décennie par l'hypermarché. Astucieux, humains, contraints ou volontaires, les épiciers ont dû apprendre à jongler avec les nouvelles attitudes des consommateurs. Ils ont appris à faire contre mauvaise fortune bon cœur. Ils s'adaptent et contre l'adversité essayent d'avancer groupés.
Peu à peu, les écriteaux «Pas de crédit» se sont mis à disparaître et l'accueil est devenu plus courtois. Dans les épiceries, on vous demande des nouvelles de la famille et du travail, on connaît les prénoms de vos enfants et l'on vous parle de la pluie et du beau temps.
Le célèbre comptoir d'antan, séparant le vendeur du client, est pour ainsi dire disparu. Il laisse la place à la superette. Une sorte de compromis entre l'épicerie et le supermarché miniature. Un espace, où vous déambulez et faites vos courses par vous-même. Ils sont désormais 264 mille épiciers qui opèrent en Tunisie, 84% d'entre eux se sont autofinancés.
Ceci n'empêchera pas les épiciers les plus «classiques» à s'accrocher à leur comptoir. «Il est pour ainsi dire le symbole de leur métier. Jamais je ne l'enlèverais. Cela fait longtemps qu'il est là. J'ai nourri et marié 4 enfants avec cette échoppe. Je refuse de faire tout et n'importe quoi. Je m'en tiens aux produits classiques d'épicerie que je connais et que je suis surtout autorisé à vendre. Mais je peux vous garantir qu'on ne peut plus gagner décemment sa vie ...La baraka est finie... » Parole de Am Mohamed, 64 ans, épicier depuis plus de 40 ans dans un quartier populaire dans la ville de Nabeul.
Un rapide petit tour dans la ville conforte en effet son témoignage. Am Mohamed est loin d'être le seul à être fatigué et désabusé. Au coin de sa rue, le marchand de fruits secs vend du yaourt et du lait. Anecdotique ? Pas si sûre ! Un peu plus loin, un autre s'est converti en agent immobilier. Il loue des maisons et fonctionne à la commission. Sur le mur de son minuscule point de vente, il colle des annonces immobilières avec descriptifs à l'appui.
"Tout et n'importe quoi"
Loin d'être aussi scrupuleux qu'Am Mohamed, certains épiciers d'une ville touristique comme Hammamet se sont mis à proposer tout et n'importe quoi. Ils proposent de la location de voiture ou vendent des stylos et des cahiers durant la rentrée scolaire. D'autres proposent des efferalgan pour les maux de tête, quand ce n'est pas une dame tatoo qui propose des tatouages à des touristes en mal d'exotisme.
Le sociologue Ridha Boukraa relève pour sa part une autre particularité: «Les épiciers ont souvent fonctionnés en réseau. Le réseau des Djerbiens a longuement investi l'univers de l'épicerie, allant même jusqu'à s'établir en France. Seules trois villes ont échappés à cette tendance : Sfax, Nabeul et Hammamet. Les communautés de ces villes ont effectivement développées des compétences commerciales sérieuses pour marquer le terrain. Aujourd'hui à Hammamet, ce sont les exodés qui s'installent et ouvrent des épiceries polyvalentes et non plus alimentaires».
Justement, LJ est épicier dans la ville touristique. Il opère dans un quartier résidentiel et ne sait plus sur quel pied danser. Découragé, il s'accroche à un métier qu'il a hérité de son père. Il ne sait pas faire autre chose. Des prévisions, il en fait et défait par centaines. Une chose est sûre, l'été toute sa marchandise s'écoulera. Au pire, ce sont les Algériens qui dévaliseront son magasin. Le tout est de tenir jusque là. «Je me débrouille plutôt pas mal mais je touche à tout. Dans ce quartier, je fais office de marchand de légumes, de fruits secs, d'épices, je vends les journaux, les cartes téléphoniques, l'harissa de ma mère et le pain tabouna de ma belle sœur ...Je fais même des sandwiches, tout en sachant que je n'en ai pas le droit. Je fais crédit et exploite ma femme, mes enfants, mes frères et mes neveux. Certaines périodes de l'année sont difficiles mais je résiste tant bien que mal. Je dois reconnaître que lorsque je vois mes clients rentrer de chez Carrefour ou Géant, je suis hors de moi. Font-ils vraiment des économies ? Ils y dépensent presque la moitié de leurs salaires et le regrettent pendant des jours entiers. A quoi cela sert-il de stocker quand on a des commerces de proximité ?» regrette t-il amèrement.
Loin d'être générale, cette tendance est spécifique à Tunis capitale et aux villes limitrophes telles que Nabeul, ou Bizerte, ...Les hypermarchés n'étant pas installés sur tout le territoire, les épiceries les plus touchées par la déferlante de l'hypermarché sont celles installées autour des quartiers d'El Menzeh, Manar, Carthage ou la Marsa... D'ailleurs, ces épiciers ne décolèrent pas. Ils en sont réduits à uniquement «répondre aux urgences» et leur volume d'affaires a été pulvérisé.
La loi interdisant aux hypermarchés de s'installer dans les agglomérations n'a été promulguée que depuis cinq ans. Bien longtemps après l'ouverture de «Carrefour» qui fait office «de l'une des affaires du siècle en Tunisie.».
Un rapide coup d'œil au parking bondé des deux hypermarchés de la capitale en fin de semaine est plus qu'édifiant. Il y a incontestablement foule. Durant les grandes occasions et les fêtes cela tourne à l'émeute, tellement il y a du monde. La veille de Ramadhan, des clients ont quasiment été conduits à la sortie. Des femmes se sont évanouies et les plus âgée d'entre elles se sont réfugiées devant les présentoirs frigorifiques pour se protéger de la canicule et des bousculades. La grogne était générale mais on a beau critiquer, on y retourne sans rechigner.
Il faut dire que la voiture populaire et l'amélioration du pouvoir d'achat des tunisiens provoquent chez le consommateur un engouement sans précédent pour la grande distribution. Ridha Boukraa précise que «les hypermarchés répondent à des besoins d'anonymat. L'absence de sociabilisation est un fait. Il s'exprime avec les caissières anonymes et les achats en auto-service».
Pour le moment, la crise et l'endettement poussent le consommateur à la prudence. Les ménages ont enregistrés de très fortes dépenses ce dernier trimestre. «J'évite vraiment de venir à l'hypermarché en ce moment. Les dépenses de l'été, de Ramadhan, de l'Aid et de la rentrée scolaire ont été terribles pour les portefeuilles.» déclare AB, 37 ans, pharmacienne. Son fils veut une nouvelle console de jeux pour son anniversaire. Elle le suit à contrecœur.
Si certains crient aux menaces de la grande distribution sur le commerce de proximité, d'autres temporisent. Outre le fait de considérer ces petits commerces comme un refuge pour les consommateurs, on peut y voir un important acteur de la chaîne sociale et économique du pays. Il convient de les préserver et valoriser leurs savoir-faire au risque de les voir disparaître peu à peu.
De nombreux métiers et petits commerces ont déjà disparus dans notre pays : le laitier, le vendeur d'eau, le «Robba vechia». Il convient de rester prudent pour qu'ils ne deviennent plus qu'une page d'histoire.
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