Un sondage sur la loi et la politique de la concurrence en Tunisie a montré que le secteur public a encore un grand poids dans certains secteurs économiques. Ce sondage a été effectué dans le cadre d'une étude réalisée par le Comité national du projet "Renforcement des lois commerciales dans les pays de la région MENA", conduite par The Arab Center for the rule of law and integrity, prenant comme modèles quatre pays arabe, à savoir la Tunisie, les Emirats Arabes Unis, le Yémen et le Liban. Ce projet s'étend sur trois années (2008-2010) et vise à réformer les lois commerciales dans la région MENA. Un niveau de concurrence au-dessous de la moyenne... Le sondage, qui a été présenté le 17 décembre 2009 lors d'un atelier de travail consacré à l'occasion, a été réalisée auprès de 165 personnes : 40 du secteur privé, 70 avocats et 55 du secteur public. Il a montré que l'étroitesse du marché en Tunisie a favorisé l'hégémonie de certains groupements, d'où un impact sur le niveau des prix. On relève aussi que la tendance protectionniste dans certaines professions ne favorise pas les principes de la concurrence. Un manque de connaissance de la loi sur la concurrence et des mécanismes de protection des entreprises a été aussi indiqué : 82,2% des sondés ont affirmé que les Tunisiens sont moyennement ou peu informés sur cette loi. Sur une échelle de 1 à 5, le secteur public enregistre une moyenne de 3,0, suivi par le domaine juridique (2,9) et le secteur privé (2,7). D'un autre côté, le sondage a montré que la moyenne du niveau actuel de la concurrence oscille entre 1,4 et 3,3 alors qu'on table sur une moyenne allant de 3,8 à 4,7. D'ailleurs, le niveau de la concurrence de l'économie nationale a été classé en dessous de la moyenne, par le sondage, soit 2,6. Un sondage effectué en 2008 a montré que ce niveau reste encore bas sur le marché local : 60% des entreprises sondées (851) se plaignent de l'existence de plusieurs obstacles à la concurrence. Au niveau sectoriel, l'eau et l'électricité et le gaz ont enregistré les moyennes les plus basses, soit 1,4. Le secteur du commerce a réalisé la moyenne la plus élevée (3,3). Sur un autre plan, 77% des sondés considèrent que les lois commerciales sont respectées. Le taux de satisfaction s'élève à 86% auprès de l'ensemble des sondés alors qu'il est de 90% auprès des hommes d'affaires. En ce qui concerne la loi sur la concurrence, le sondage révèle que 77% des sondés affirment que la loi est appliquée : 80% parmi les juristes et le secteur public contre 64% pour le secteur privé. Pour ce qui est de la rentabilité du Conseil de la concurrence et de la Direction générale de la concurrence, la moyenne de satisfaction est de 3,1% pour le premier et de 3 pour la deuxième. Sur le plan de la compétence professionnelle, la moyenne est de 3,3 pour le Conseil de la concurrence et de 3,2 pour la Direction générale de la concurrence. Des points d'interrogation... M. Khelifa Tounakti, directeur général de la Concurrence, a affirmé que la loi sur la concurrence a l'avantage d'augmenter et de diversifier l'offre de produits, d'améliorer la qualité et de baisser l'inflation de 8,2% en 1991, date de promulgation de la loi, à 3,7% en 2009. Il a indiqué que certains secteurs restent encore non libéralisé comme la santé, l'assurance, les banques, les services, les télécommunications. De son côté, M. Imed Abdejawad, un universitaire, a souligné que l'objet de la loi sur la concurrence est la protection du marché et non son fonctionnement, en insistant sur l'importance du partenariat public-privé pour préserver la concurrence sur le marché. "Certains secteurs doivent rester l'apanage du secteur public. La privatisation ne peut se faire dans des secteurs qui sont stratégiques parce que ceci peut se faire aux dépens de la qualité", affirme-t-il. Critiquant l'étude, Mme Jawida Guiga, ex-directrice du Conseil de la concurrence, a signalé que le côté législatif et social manque dans l'étude. "On ne trouve pas le côté pratique. On veut des solutions pratiques pour les problématiques exposées. Où est la réforme de la loi sur la concurrence? Qu'en est-il de la loi sur le commerce électronique qui ne s'adapte pas à la loi sur la concurrence ? Et puis pourquoi n'a-t-on pas évoqué le programme d'actions stratégique?", s'est exclamé M. Guiga. D'un autre côté, certains participants au débat ont blâmé la non existence d'une référence à la grande distribution, en indiquant que la loi sur la concurrence est restée prisonnière du contexte dans lequel elle a été promulguée (1991). Des points d'interrogation qui restent encore sans réponses alors que le débat sur le protectionnisme et l'interventionnisme de l'Etat bat son plein. L'adage "Laissons faire, laissons passer" est-il encore d'actualité? En tous cas, le sondage a montré que le niveau de la concurrence dévolu n'est pas encore atteint en Tunisie. De quoi renforcer l'effort pour mettre en place les réglementations et les législations nécessaires pour accélérer le rythme et favoriser l'émergence d'un secteur privé fort de ces compétences et de son positionnement sur le marché local et international.