Certains diraient que ce secteur qui, pourtant, serait beaucoup plus vieux que le secteur bancaire, a été le parent pauvre des services en Tunisie ; il est assisté et pauvre en taux d'encadrement. Le secteur bancaire, lui, a été toujours le favori et a ainsi attiré les meilleures compétences. Pauvre également car mal ou insuffisamment légiféré et régulé et en mal de règles prudentielles. L'image des assureurs ne figurerait pas parmi les plus brillantes et certains opérateurs économiques accuseraient même les assureurs de ne pas travailler suffisamment sur la qualité de leurs produits ou celle de leur image. «Effectivement, l'image du secteur n'est pas très brillante comme c'est la cas pour beaucoup d'autres secteurs. Améliorer une image exige beaucoup de travail et de la persévérance tout comme cela impose une certaine discipline, de la rigueur et une stratégie pour l'amélioration de la qualité de nos services. A travers la FTUSA, nous essayons de développer les bonnes pratiques au niveau des compagnies d'assurances et les appelons à perfectionner leurs offres et améliorer leurs relations avec les clients. L'enjeu est de taille car il s'agit de finances et les prestations sont très importantes contrairement à ce que pense le grand public», assure Mansour Nasri, président de la FTUSA. Les assureurs, appelés à répondre aux exigences des assurés et des bénéficiaires, subiraient parfois les réactions d'un public mécontent par rapport aux prestations qui lui sont offertes. «Les compagnies d'assurances ? Je préfère ne pas en parler, pour moi, c'est des voleurs !», s'est exclamée une jeune entrepreneur, à la tête d'un groupe d'entreprises. «Certains vont jusqu'à accuser les assureurs d'être des voleurs, c'est évidemment exagéré, mais j'estime que nous avons une part de responsabilité dans cette image nourrie de certaines pratiques. Aujourd'hui et sur demande et insistance du secteur, la réglementation a changé, des règles équitables et claires ont été établies, elles laissent une grande marge de manuvre à l'assureur, et le parquet, pour sa part, statue en toute équité dans les limites de la loi», explique Ali Hammami, PDG d'Assurances Salim. Un secteur conservateur et pauvre en produits On reprocherait, d'autre part, au secteur des assurances un conservatisme très prononcé qui n'encourage pas la création de nouveaux produits ou le développement de services innovants. La qualité de service laisserait à désirer et ne répondrait pas aux nouvelles exigences des particuliers, professionnels ou PME. «Nous sommes présents à travers tout le territoire national au travers de 3.500 points de vente de produits assurances dont 700 à 800 appartiennent à des compagnies d'assurances et le reste situé dans des points de vente postaux ou bancaires. Nous voulons, à travers ce réseau, nous attaquer à tous les opérateurs économiques pour leur proposer nos produits d'assurance qui, contrairement à ce qu'on pense, s'adaptent aux besoins des entreprises et des particuliers et répondent réellement aux souhaits des consommateurs . Pour assurer rapidement le règlement des litiges et rembourser rapidement les affiliés, des réunions régulières se tiennent au siège de la Fédération entre compagnies, et les dossiers sont traités de concert», assure Mansour Nasri. Il n'empêche, ajoute-t-il, «nous avons besoin d'innover davantage, de développer, de simplifier les produits et les contrats d'assurance ainsi que d'en simplifier les conditions générales». Parmi les produits à développer, ceux se rapportant à l'assurance-vie, de l'avis de tous, parent pauvre du secteur des assurances en Tunisie et lié aux prêts bancaires. La part de cette activité importante, génératrice de l'épargne à moyen et long terme pour le financement de l'économie dans les émissions globales du secteur des assurances, ne dépasse pas 10% alors que la moyenne mondiale est de près de 60%. Parmi les produits qui devraient donc être développés, ceux se rapportant à la retraite complémentaire, la rente complémentaire, aux produits prévoyance et aux produits d'assurance-vie individuels. Avantages fiscaux aidant, on s'attend à ce que ces produits se développent davantage. Plusieurs avantages fiscaux intéressants ont été accordés aux souscripteurs à ce segment. L'assurance-vie est entièrement défiscalisée. Le relèvement du niveau de la prime d'assurance-vie déductible de l'impôt sur le revenu de 2.000 dinars par an a été portée à 3.000 dinars (loi de finances 2008) ainsi que l'exonération de l'impôt sur les revenus des prestations d'assurance sur la vie versées sous forme de rente (loi de finances 2004). « Nous avons effectivement le souci d'améliorer nos produits et d'innover dans le domaine de l'assurance-vie, dans les autres domaines aussi, mais il ne faut pas oublier le volet formation et recyclage des cadres et des agents d'assurance car pour créer de nouveaux produits et les commercialiser, il faut avoir l'expertise nécessaire et assez de savoir-faire pour les vendre», précise le président de la FTUSA. Le problème des compétences se pose par conséquent avec acuité pour un secteur appelé à se développer, d'où une volonté manifeste de la profession d'améliorer le taux d'encadrement au niveau des compagnies d'assurance à travers bien sûr le recrutement de jeunes diplômés mais pas seulement, vendre un contrat d'assurances est tout un art assurent les professionnels. Aujourd'hui, on parle de l'industrie des assurances car c'est un métier qui demande du talent et de la formation pour s'adapter aux nouvelles techniques de vente, à celles de l'élaboration des contrats et à l'innovation de certains produits d'assurance. Un centre de formation a été créé en réponse aux nouveaux besoins du secteur, c'est le CTFA, sans oublier l'Institut africain des assureurs et d'autres cabinets privés qui offrent des cours et des cycles de formation spécifiques en matière d'assurance. Le fronting : un moyen détourné d'accéder au marché Les efforts pour améliorer tant la qualité des services que des produits sont non seulement souhaitables mais indispensables dans une conjoncture de mondialisation et où tous les marchés des pays du Sud sont convoités par des opérateurs internationaux. Dans notre pays et dans un contexte de non libéralisation des services, en tout cas officiellement, plusieurs firmes étrangères ont recours au fronting qui permet à un assureur de prendre part dans un risque situé dans les pays où il n'y a pas de possibilité de travailler en assureur direct. Ce moyen détourné de se procurer des parts de marché local à fort potentiel joue sur l'appât du gain et pousse certaines compagnies tunisiennes à devenir effectivement des intermédiaires et des commissionnaires puisque pratiquement toute la prime est cédée à l'extérieur sans rétention nationale. Or, il y a des capacités nationales pour retenir une partie de ces risques, le reste peut être cédé en priorité aux compagnies nationales des assurances à travers la coassurance et à travers la réassurance sur le marché national. «Dans le cas où la capacité nationale ne permet pas de prendre le risque, nous pouvons passer à la session étrangère, cette procédure qui se base en premier lieu sur les capacités nationales nous permet de garder une partie de devises qui devait aller à l'extérieur du pays», explique Mansour Nasri qui n'omet pas de préciser que la pratique du fronting est à la limite de la légalité puisque le code des assurances prévoit et stipule que les risques situés en Tunisie doivent être assurés par des compagnies de droit tunisien. Appliquer le fronting à 100% revient à détourner la loi, ce qui a des conséquences sur les aspects économiques et financiers du pays, car il s'agit tout d'abord d'exploiter les capacités locales et de recourir en dernier lieu à la session de la rétrocession sur des compagnies étrangères. Le président de la FTUSA est approuvé par Ali Hammami. «Nous n'avons pas le choix, nous devons nous unir et nous investir plus dans l'amélioration de notre qualité de service, nos produits et notre communication. Les compagnies étrangères vont venir et elles nous avaleraient facilement, elles ont les moyens de le faire, elles rafleraient la part la plus importante du marché et imposeraient leurs règles après. Il s'agit là d'intérêts nationaux, de l'équilibre de la balance des paiements, la pratique du fronting doit être révisée, on doit penser à l'intérêt national, car si jamais on se limite à chercher son propre profit oubliant celui du secteur, tout le monde y perdra des plumes». Une concertation a été donc enclenchée entre le ministère des Finances et la FTUSA pour mettre au point une stratégie qui permette secteur de consolider leur position face à des opérateurs influents à l'international. Les assureurs tunisiens doivent donc actualiser davantage leurs produits, les développer, les innover et les diversifier. Ils doivent également être plus proches du consommateur et plus à l'écoute de ses soucis et de ses besoins. Les services après-vente doivent impérativement être améliorés. Le secteur des assurances aurait tout à gagner s'il développait des stratégies commerciales propres à ses produits car il évolue dans un marché à fort potentiel alors que son taux de pénétration reste très faible. L'autocritique est d'actualité pour un secteur appelé à faire sa propre révolution et apprendre à mieux vulgariser ses produits pour venir à bout des réticences d'un public qui n'a pas les réflexes ou la culture des assurances.