Ce pays serait-il condamné, pour toujours, à choisir entre la peste et le choléra ? A choisir entre un dictateur « éclairé » et un « démocrate » obscurantiste ; à choisir entre un filou semi-compétent et un honnête à côté de la plaque ; d'être amené à subir deux projets diamétralement opposés, mais qui contiennent des germes fascisants, et qui au final convergent vers un même point : le désastre. Avant le 25 juillet, c'était mieux, diront certains. Après le 25, c'est le paradis pour d'autres. La facture ne laisse point de place à la nuance, à un raisonnement pausé, loin du pathos exacerbé. Pour les bénéficiaires du système de l'avant, il est clair que c'est la débâcle et qu'il faut s'opposer à la nouvelle donne pour reprendre possession de ses privilèges à échelle de pays. Il y a aussi ceux qu'on appellera les formalistes, qui ne sont pas « amis » avec les bénéficiaires précités, mais qui s'attachent à s'en user les articulations au système d'avant du point de vue formel, oubliant au passage le fond de l'histoire : le désastre imminent qu'il représentait. Pour les pro de l'après, la question ne se pose pas. Il faut tout détruire, dans la haine bien évidemment, ce qui engendre la violence par conséquent. Il faut tout détruire quitte à mener son pays à sa perte. Des années de ressentiment, légitime, ont généré un suivisme aveugle et aveuglé envers le sauveur proclamé. Quoi qu'il dise ou qu'il fasse, ces énergumènes applaudiront. La sacralisation est telle que celui qui osera critiquer, risque d'être guillotiné virtuellement à défaut d'échafaud réel, pour le moment. « Epuration » est le terme de la semaine (en dehors des fake news ou autres élucubrations complotistes et post-factuelles). « Epuration » a tonné le président de la République à plusieurs occasions ; « le peuple veut l'épuration ! » a clamé le belliqueux président. Un discours qui ne fait qu'alimenter la haine et la défiance des énergumènes précités. En chef de file des « bons » contre les « vilains » le président s'écarte de son rôle d'unificateur pour accentuer la facture et encourager la vindicte populaire.
Rien de bien positif ne peut en ressortir. Les purges présidentielles toucheront qui au juste ? Les traîtres et les insectes, le président les voit partout et à tous les niveaux. Où est-ce qu'il positionne le curseur pour « son » peuple ? Parce qu'il faut le dire, il laisse le flou régner et « ce » peuple ne fera pas de différenciation. Il laisse la brèche ouverte pour suggérer que les opposants, tous les opposants à son projet, sans distinction, sont des vendus ou des microbes ou des insectes ou des tumeurs malignes qu'il faudra éliminer et dont la société doit être épurée. Dans notre malheur, en place et lieu d'un pompier, nous écopons d'un pyromane. Est-ce à dire qu'un retour en arrière serait plus raisonnable ? Indéniablement non. Il faut faire la part des choses et ne pas tomber dans le manichéisme simpliste. Est-ce à dire qu'il faut fermer les yeux sur les corrompus et ceux qui ont détruit le pays pendant dix ans ? Indéniablement, non. Pour cela, un Etat qui se veut juste et démocratique doit tenir pour responsable tous ceux qui ont été reconnus coupables, de par la loi, et qu'ils passent donc par la case justice. Cela doit se faire dans le cadre de procès équitables. Autrement, le déraillement est certain, parce qu'épurer peut ne pas signifier seulement juger les « traîtres », mais aussi mettre hors d'état de nuire ses adversaires politiques quels qu'ils soient.
Ce que ne veulent pas comprendre les aficionados du président, c'est qu'il est très difficile de reconstruire sur des ruines, que le pays a besoin de réformes radicales à tous les niveaux et non d'une épuration qui exclut toute voix opposante pêle-mêle. Aujourd'hui, ça continue à applaudir, mais jusqu'à quand ? Le moment économique rattrape celui politique et le président nous a gratifié de son infinie méconnaissance de la chose économique. Pépite de la semaine, il voudrait bien changer les critères d'attribution des notations souveraines. Qu'une personne lambda ne sache pas comment fonctionnent les agences de notation est une chose, qu'un président de la République l'ignore, c'est tout bonnement inconcevable, une aberration. Et ça continue à applaudir. Danger plus qu'imminent.