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Ces charognards idiots et incultes
Publié dans Business News le 20 - 02 - 2023

Semaine bien mouvementée. Elle serait même la plus mouvementée depuis le putsch. Ça va dans tous les sens et difficile de savoir comment hiérarchiser les événements, tant ils sont graves et importants. Paradoxalement, en dépit de la gravité, on se trouve en train d'expliquer des évidences qu'un étudiant en 1re année en droit ou en sciences politiques comprendrait aisément.
Ça a commencé avec la série d'arrestations de personnalités politiques, dont des avocats, des lobbyistes, des militants, des magistrats et le journaliste-directeur de la plus grande radio en Tunisie.
Dans un pays normalement constitué, le parquet publierait immédiatement un communiqué ou organiserait une conférence de presse pour expliquer ce qui se passe.
Chez nous, c'est le président qui fait le job à sa manière. Mardi 14 février, on a eu droit à trois monologues dans lesquels il a déclaré faire l'objet d'un projet visant son assassinat, ainsi qu'un complot contre l'Etat. C'était devant sa ministre du Commerce.
Soit. On va supposer que ce que dit le président est vrai. Pourquoi alors il n'a révélé aucun fait tangible et de preuve pour étayer ses dires ? Quelles sont les preuves dont il parle ? Pourquoi la concomitance des arrestations (le week-end) dans des affaires qui, clairement, n'ont rien à voir les unes avec les autres ? Pourquoi interroge-t-on le directeur de la radio, pourquoi est-il amené au parquet antiterroriste, dans un premier temps, puis au parquet financier ? Pourquoi, surtout, le silence du parquet ?
Il dit qu'il y a une personne qui a appelé publiquement à son assassinat et qui se trouve escortée par la police. Ok monsieur le président, on va essayer de vous croire, mais qui est cette personne ? Pourquoi est-elle encore en liberté ? Où est l'enregistrement de sa déclaration ?
La question la plus importante de toutes est la suivante : pourquoi c'est le parquet antiterroriste qui s'est chargé de l'affaire et non le parquet militaire ? On parle bien d'un projet d'assassinat du chef des forces armées, non ? Pour bien moins que cela, le parquet militaire a répondu présent et s'est chargé du dossier. Pourquoi est-il absent dans les affaires de la semaine dernière ?

Ce même mardi 14 février, le président est allé s'offrir un bain de foule au marché Bab El Fellah. Dans la vidéo de 11'19'' diffusée par la présidence de la République, on voit Kaïs Saïed s'adonner à son sport préféré, serrer les paluches et accuser les spéculateurs et les corrompus d'être à la source de tous les maux du pays. On voit des foules qui ont laissé leur dignité de côté pour demander des aides et de l'assistanat. On voit une délatrice dont les propos ont été pris pour de l'argent comptant par le président. Rien d'extraordinaire. Sauf qu'on entend aussi un vendeur lui dire de « couper les gorges » et que les « grands l'ont fatigué » (8'34''). Il s'agit là d'un appel au meurtre diffusé par la présidence de la République. N'importe quel étudiant en droit vous le dirait. Dans un pays démocratique, un tel passage déclencherait une procédure immédiate de destitution. Au mieux, la faute impliquerait la présentation immédiate de plates excuses du chef de l'Etat. Pas chez nous.
Plus tard dans la journée (à 21 heures), le président est allé discourir devant les hauts cadres sécuritaires au ministère de l'Intérieur et en l'absence du ministre. Là, il s'en est pris à ses adversaires politiques qui veulent l'assassiner, aux traîtres et aux nantis qui vont aux restaurants pour manger à coups de millions. En dressant une partie du peuple contre une autre, le président sème la zizanie. Ce n'est pas une première, on commence à s'habituer (quoique…).
Paradoxalement, jeudi 16, le président accuse ses adversaires politiques de faire naître la discorde et de chercher à casser la concorde civile. C'était devant sa cheffe du gouvernement, muette comme à son habitude. Durant son monologue, il s'en prend violemment aux différents pays qui ont exprimé leur préoccupation par rapport à la situation en Tunisie. Il demande carrément qu'on efface les dettes du pays, alors que son gouvernement est en train de quémander de nouveaux crédits ! N'importe quel étudiant en sciences politiques vous dirait que ça ne se fait pas !
Vendredi 17 février, Kaïs Saïed reçoit le ministre de l'Intérieur qu'il interroge sur l'avancement des enquêtes dans l'affaire de complot contre la sûreté de l'Etat. Il s'agit là d'une violation flagrante du droit et d'une ingérence dans des affaires dont seul le parquet a droit de regard. N'importe quel étudiant en droit vous le dirait. La présidence, comme pour nous narguer, n'a même pas eu la décence de censurer le passage.
Au cours de cette même rencontre, le président a déclaré que certains ont feint la folie pour éviter la reddition des comptes. Il parle là du magistrat Béchir Akremi, admis le jour-même à l'hôpital psychiatrique. Il s'agit là d'une violation flagrante de la présomption d'innocence, puisque le président utilise le verbe feindre et d'une violation du secret médical ! N'importe quel étudiant en droit vous le dirait.
Avec Kaïs Saïed, on en est à expliquer les évidences de la justice et les basiques du droit ! Et dire qu'il est enseignant de droit !
Samedi 18 février tard l'après-midi, la présidence publie un communiqué dans lequel elle fait savoir qu'Esther Lynch a été déclarée persona non grata et sommée de quitter le territoire. La secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats était l'invitée d'honneur de la centrale syndicale tunisienne UGTT et a participé à la grande manifestation organisée le matin à Sfax. Que reproche la présidence à Mme Lynch ? Elle a juste exprimé le soutiende 44 millions de travailleurs européens à la cause des syndicats tunisiens. Non à l'ingérence, se défend la présidence. Pourtant, cette même présidence n'a rien dit quand, il y a quelques jours, le journaliste thuriféraire palestinien Abdelbéri Atouane chantait les louanges de Kaïs Saïed et injuriait ses adversaires. De quel droit renvoie-t-il quelqu'un qu'on a invité chez soi ? La Tunisie n'est pas une ferme, encore moins la sienne ! Ici aussi, on revient aux basiques et aux évidences, la solidarité syndicale internationale existe depuis des décennies, indépendamment des pouvoirs en place et cela n'a rien à voir avec la souveraineté. En renvoyant l'invitée de l'UGTT, Kaïs Saïed ne fait que s'isoler et salir son image à l'international. Il offre de l'eau au moulin de ses critiques.

Les sorties publiques de Kaïs Saïed ont généré des tonnerres d'applaudissements un peu partout. Il suffit de voir l'accueil qui lui a été réservé à Bab El Fellah ou de lire les milliers de posts Facebook l'encensant. Sa popularité a grimpé pour s'établir à 65%, selon Emrhod. 52% des Tunisiens sont satisfaits de son rendement. Il n'y a pas à dire, le populisme paie.
Ce n'est pas nouveau, nous avons déjà vécu ça en 2011, notamment avec les islamistes et les CPR, parti de l'autre populiste Moncef Marzouki.
Il n'y a pas de différence entre Marzouki et Saïed, les deux ont fait du populisme la colonne vertébrale de leur politique. Les deux ont stigmatisé l'élite, les nantis et les opposants, les deux ont utilisé la justice militaire pour abattre des adversaires, les deux ont déclaré se ranger du côté des pauvres et des déshérités. Les deux ont poussé des centaines de milliers de personnes à insulter, harceler et lyncher les voix discordantes.
Comme en 2011, bis repetita, on se trouve à expliquer les abc de la politique et du droit et à lutter contre de véritables charognards, idiots et incultes, visiblement majoritaires. En 2011, on ciblait les "azlem", en 2023 on cible tous ceux qui critiquent Saïed.

Au Moyen-âge, aussi bien dans les contrées islamiques qu'en Europe, il y a eu des centaines de savants, de scientifiques et de poètes voués à l'échafaud par la plèbe de l'époque. Vous avez certainement entendu parler de Galilée, d'Averroès, d'Ibn el Moukafâa et de Razi. En 2023, en Tunisie, on en est là. L'élite est en prison et décriée au sommet de l'Etat et le rebut de la population chante sa joie.
Plus proche de nous, il vous est certainement arrivé de voir un film américain dépeignant le XIXe ou le XXe siècle où on récite ses droits à un suspect arrêté par la police. Si jamais la police ne respecte pas cette procédure, le juge libère immédiatement le suspect, serait-il assassin attrapé en flagrant délit. En Tunisie, on n'en est pas encore là. Le respect des procédures est considéré comme secondaire par le président de la République et les charognards crient : « coupez-leur la tête ! ».
Vous avez certainement vu un film ou lu un livre où l'on a jeté en prison ou condamné à mort des innocents, ce qui a donné toute sa valeur au principe de la présomption d'innocence ? Ce principe était méconnu par les charognards de 2011 et il l'est encore douze ans après.
Vous savez certainement qu'il y a des pauvres qui méritent leur pauvreté parce qu'ils sont fainéants et malhonnêtes et qu'il y a des riches qui méritent leur prospérité parce qu'ils sont entreprenants et endurants. En Tunisie de 2023, les pauvres sont tous présentés comme des victimes et les riches, tous comme des prédateurs.
Vous savez certainement que le monde et l'Histoire nous ont enseigné que la démocratie est le pire des systèmes à l'exclusion de tous les autres ? En Tunisie de 2023, la plèbe continue encore à l'invectiver.
C'est celle-là la Tunisie de Kaïs Saïed, l'élite est vilipendée par une plèbe idiote et fière de son inculture. L'Histoire se répète, Ibn Khaldoun en témoigne. Lui, il est parti vers l'Egypte. Notre élite actuelle est en train de partir vers l'Europe et le Golfe pour ne laisser ici que des charognards louangeurs et sans dignité.


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