Enfin ! Pour mettre un terme aux tergiversations, aux interprétations et aux supputations qui ont été largement diffusées par certains sites et autres réseaux sociaux, le colonel Samir Tarhouni, chef du Bataillon anti-terroriste, a décidé de briser le silence et de tout révéler sur ce qui s'est passé le 14 janvier, plus précisément sur ce qu'on appelle plus communément, l'affaire de l'aéroport. Lors d'une conférence de presse organisée par le Syndicat de la Direction générale des unités d'intervention et tenue, lundi 8 août 2011, Samir Tarhouni a tenu, en préambule, à présenter son cursus : une formation au sein de l'armée nationale avant de faire des passages dans les unités spéciales dont celles de protection des personnalités et même de la garde présidentielle pour atterrir, enfin, à la tête du bataillon anti-terroriste, plus connu sous l'appellation « Ninja ». Pourquoi avoir attendu près de sept mois avant de parler et faire ces révélations ? Plusieurs raisons sont derrière cela, indique le colonel Tarhouni. D'abord, le volume impressionnant de travail au vu de la situation sécuritaire précaire qui prévalait dans le pays, la poursuite des enquêtes et les fuites enregistrées lors des derniers procès. C'est donc, dans le cadre d'une initiative personnelle et dans l'objectif de mettre fin aux fuites, aux interprétations générées par les intox mêlées aux infos, que Samir Tarhouni a décidé de parler au grand public, à travers les médias, et de dire toute la vérité sur ce qui s'est passé en cet intervalle de quelques heures entre la caserne de Bouchoucha et l'aéroport international de TunisCarthage. Initiative personnelle qui avait tout l'appui de l'appareil gouvernemental, et à son plus haut niveau, puisque la conférence de presse eut lieu au siège du Premier ministère à la Kasbah. Tout a commencé le 14 janvier à 14h25 lorsqu'il a reçu une communication du chef de l'une des unités d'intervention l'informant avoir reçu des instructions pour être en position de « balle au canon », autrement dit de se mettre en état de tir (et non pas de tirer, a-t-il tenu à préciser). « Par réflexe, je lui ai répliqué qu'il ne faut pas appliquer cet ordre et qu'il faut se munir juste de gaz lacrymogène », indique le colonel Tarhouni avant d'ajouter qu'il a répercuté cette donnée à toutes les unités à la caserne de Bouchoucha. Juste après, il a reçu un renseignement quant à des actes de perturbations aux alentours de l'aéroport de Tunis-Carthage. Contact pris auprès de Hafedh El Ouni, commissaire dudit aéroport, il s'est avéré qu'il n'en était rien. Il l'a informé, en revanche, que tous les membres de la famille Trabelsi, soit une trentaine de personnes, s'apprêtaient à quitter le pays. « Je me suis dit alors, ce n'est pas possible, s'exclame le colonel Tarhouni. D'un côté, on nous prépare à tirer les uns sur les autres et, de l'autre, les Trabelsi se préparent à partir. C'est dans un élan spontané que j'ai réuni un groupe de 12 membres de l'unité spéciale et on a quitté la caserne à 14h40. Et cap sur l'aéroport de Tunis-Carthage où nous sommes arrivés à 14h50. Une fois au Salon d'honneur qui était vide, j'ai dit aux responsables de sécurité de l'aéroport que nous avions des instructions d'en haut, ajoute le colonel. Et ils nous ont cru dans la mesure où, effectivement, nous agissons toujours sur des ordres d'en haut. Nous nous sommes dirigés vers la piste. Il y avait un petit avion de la compagnie Tunisavia, à bord duquel, nous a-t-on dit, se trouvait Cyrine Ben Ali. Mais notre objectif était les Trabelsi que nous avons retrouvés à bord d'un bus qui se dirigeait vers un avion en partance pour Lyon. » Tout le monde a été descendu du bus et conduit manu militari dans un local à l'aéroport. Ensuite, nous avons déniché Moncef Trabelsi avant de tendre un piège à Imed Trabelsi qui a été prié de se présenter à l'aéroport d'où il pouvait quitter la Tunisie, mais bien entendu, il a été arrêté dès qu'il a mis les pieds à l'aéroport. Et ce sont finalement 28 membres de la famille Trabelsi qui se sont retrouvés en état d'arrestation. Tout cela s'est fait sans aucun heurt. C'est après ce moment qu'Ali Seriati m'a appelé pour savoir qui m'a donné les instructions pour agir de la sorte. Je lui ai répondu que c'est « Dieu qui me les a données ». Et devant son insistance, j'ai raccroché. Le colonel Tarhouni a tenu à remercier le colonel Zouheir El Wafi qui l'a renforcé avec 9 unités d'intervention rapide et le colonel Larbi Lakhal, chef de l'unité d'intervention à la Garde nationale, qui lui a envoyé une cinquante de personnes. Du coup, ils étaient près de 170 éléments représentant les différentes unités d'intervention qui, d'habitude, constituent le bouclier du régime, mais qui se sont retrouvés unis contre ce régime qui planifiait, probablement, un bain de sang. Samir Tarhouni a tenu à remercier les commissaires de l'aéroport et les responsables de la Tour de contrôle qui ont contribué à la réussite de cette opération. A ne pas négliger, non plus, le rôle du colonel Salem Sik Salem qui, vu le vide en ce 14 janvier, a convaincu Mohamed Ghannouchi de se présenter au Palais de Carthage pour décider de ce qui devait se faire en ces circonstances exceptionnelles. Et le colonel Tarhouni de conclure son récit en disant qu'il a été arrêté dans la soirée du 14 janvier pour être interrogé, mais c'était de pure forme puisqu'il a passé 48 heures dans les bureaux du directeur général tout en étant bien traité. Mais il se rappellera de la première question que lui a posée le général Ammar : « Qui t'a envoyé » ? Et à laquelle, il a répondu : « Personne ». Samir Tarhouni a démenti les allégations faites par Ali Seriati concernant l'opération de parachutage autour de l'aéroport, réaffirmant qu'il s'agit juste d'une prise d'assaut avant de mentionner qu'il n'avait aucune information sur l'avion ayant pris l'ancien président Ben Ali et qui se trouvait à 3 kilomètres plus loin. Samir Tarhouni, qui a parlé d'une parfaite entente actuelle entre l'armée et les forces de sécurité après une mauvaise coordination entre les deux parties durant au moins trois ou quatre jours après le 14 janvier, déclare, haut et fort et sur un ton d'intense émotion, que ces 4 ou 5 heures lors de l'opération de l'aéroport, constituent des moments inoubliables et inqualifiables. Et à une question de Sihem Ben Sedrine s'il s'attend à une éventuelle promotion ou autre récompense pour son acte héroïque qui a failli l'amener à la « guillotine », le colonel Samir Tarhouni répond : « je n'attends rien et une éventuelle récompense banaliserait tout ce que j'ai fait et ôterait à cette action tout son caractère noble et patriotique ». Par sa spontanéité, son émotivité et son sens de l'héroïsme et du patriotisme, Samir Tarhouni est en passe de devenir un héros national. Des pages sont, en effet, déjà créées sur le réseau social de facebook sans oublier les commentaires illustrés par des photos et autres vidéos Les Tunisiens semblent subjugués par cette action spontanée, sans directives ni instructions. Surtout, si l'on sait qu'elle a été entreprise alors que Ben Ali et son régime étaient sensés être encore en place, ce qui confère à l'acte du colonel Tarhouni plus de signification et plus d'héroïsme dans la mesure où il risquait, de ce fait, purement et simplement, d'être passé par les armes. Il faut dire aussi que les Tunisiens sont en mal d'héros. Ceci s'est vérifié, déjà à deux reprises au moins. Juste après le 14 janvier, on ne jurait que par le général Ammar, présenté comme le sauveur de la Tunisie du régime de Ben Ali. Quelques jours après, Farhat Rajhi était, pour tous les Tunisiens, le Monsieur Propre le plus apte à occuper la magistrature suprême. Verra t-on se reproduire le même phénomène avec Samir Tarhouni, l'homme qui a risqué sa vie dans un élan spontané de patriotisme pour faire débarrasser la Tunisie des Trabelsi alors qu'il recevait l'ordre de se mettre en état de tir sus ses concitoyens ! 1ère partie de la vidéo 2ème partie de la vidéo