La Loi de Finances 2015 a été adoptée mercredi 10 décembre 2014 en séance plénière par l'Assemblée des représentants du peuple sans qu'il y ait un réel débat sur les différents articles. Faute de temps et contrainte de délai constitutionnels oblige ! Néanmoins, des discussions autour de la LF2015 ont été tenues par la commission des Finances, à la proposition de son président, Slim Besbès. Et bien que votée à 147 voix, le président de la République sortant, Moncef Marzouki, a décidé de ne pas adopter la Loi de Finances 2015 et de la renvoyer au Parlement pour l'anti-constitutionalité des articles 11, 12 et 13. Outre les réserves du président de la République, la Centrale syndicale, de son côté, en a de même émis une série. En voici le contenu. La Loi de Finances 2015 a été élaborée dans un contexte économique caractérisé par un certain nombre de facteurs internes et externes. Ces derniers résident dans la croissance économique frêle durant quatre années, les indicateurs économiques et financiers négatifs de surcroît, le déficit budgétaire soutenu et la faible employabilité, ainsi que la prolifération du commerce parallèle et de la contrebande. La LF2015 devait être conçue de manière à privilégier une perspective optimiste dans le but d'envoyer des signaux positifs à l'endroit des investisseurs et rassurer, par la même, la société. Le budget de l'Etat a été fixé à hauteur de 29.163 MDT au titre de l'exercice 2015, notant une légère hausse en comparaison avec l'année 2014 de l'ordre de 3,7 MDT. Se basant sur les retombées positives des élections législatives et présidentielle sur le climat des affaires, nous nous trouvons face à un scénario qui s'inscrit en faux en termes d'ambition et revêt davantage un caractère de vigilance. L'UGTT explique, au même titre, que l'élaboration de la LF2015 s'est basée, à quelques endroits, sur des éventualités irréalistes. Il s'agit de prix du change du dollar fixé aux environs de 1,800 dinar alors qu'il est prévu que le dinar poursuive son glissement. Mais encore du prix du baril de pétrole fixé à une moyenne de 97 dollars alors qu'actuellement il est autour de 70 dollars. L'UGTT estime dans un rapport publié à l'effet, que le budget de l'Etat 2015 est un budget d'austérité qui ne décline pas de vision de développement et assorti d'un concept d'équilibre des Finances publiques exagéré. Ce constat est étayé par une brève analyse de la structure des recettes et des dépenses de l'Etat. Le premier volet fait ressortir que les recettes totales prennent racine à hauteur de 68% des recettes fiscales, 6% des recettes non fiscales et 25% des prêts. Cette configuration est matière à préoccupations au regard du fait qu'elle dégage un Budget faible face aux défis majeurs de la croissance. En effet, les recettes fiscales sont focalisées sur les petits contribuables et les petits artisans des professions libérales qui participent à hauteur de 51% dans les impôts directs, contre 31% pour entreprises tunisiennes et 18% pour les entreprises pétrolières. A ce niveau, force est de constater l'absence d'une justice fiscale d'autant plus que cette configuration prouve que l'Etat est incapable d'accroître le taux de couverture des impôts de part un nombre considérable de contribuables et secteurs. L'UGTT crie à l'absence d'une volonté politique ! Le deuxième volet de la structure des dépenses ne comprend pas les augmentations salariales qui n'ont pas été, en effet, programmées en tenant compte des recrutements prévus dans le corps sécuritaire et militaire ainsi que les promotions systématiques. D'un autre côté, on prévoit une baisse des dépenses de subvention passant de 4.455 MDT en 2014 à 3.877 MDT en 2015 tandis que les dépenses prévues pour l'équipement ont augmenté sensiblement pour s'établir à hauteur de 400 MDT. Dans le registre de l'endettement, il est noté qu'il poursuive un rythme progressif soutenu de 9,7% atteignant de ce fait 5.130 MDT. S'agissant de l'investissement, les dépenses empruntent une courbe baissière au titre de l'année 2015 et ce, en dépit de l'accroissement des revendications des régions intérieures pour réactiver l'intervention de l'Etat en vue de briser l'autarcie de ces dernières. L'UGTT note une réserve à ce titre sur le montant des dépenses allouées à l'investissement qui s'établit à hauteur de 400 MDT sous forme d'investissements publics. Cependant, et bien que cette allocation ne revêtte pas un aspect conséquent des défis économiques en matière d'investissement, il faut noter qu'à la fin du second tour de l'élection présidentielle, et un fois le nouveau gouvernement mis en place, une stratégie nationale d'investissement axée en l'occurrence sur les régions intérieures sera amorcée. Dans une vision plus générale, la Loi de Finances 2015 respecte de manière provisoire les contraintes de l'Etat avec une tendance remarquée vers une politique d'austérité. Aussi, cette Loi ne tient-elle pas compte de l'importance, voire de l'obligation, de moderniser et améliorer l'investissement, en plus du respect des équilibres sociaux et de la préservation de la paix sociale à travers la limitation de la dégradation du pouvoir d'achat. La Centrale syndicale réitère son reproche auprès du gouvernement du fait que la Loi de Finances 2015 n'a pas pris en considération les augmentations salariales pour la troisième année consécutive. La recapitalisation des banques publiques est, de même, au cœur du débat et décline, en tant que disposition incluse dans la LF2015, un certain nombre de réserves en fonction des différentes optiques. La décision de consacrer un fond spécifique pour cette opération, en l'absence d'une approche participative, et l'accès à l'information réelle en fait, à juste titre, partie. La Loi de Finances 2015 a été élaborée dans des circonstances seyantes. Un trop plein de contraintes a, en effet, accablé le gouvernement Jomâa sans omettre des contraintes de délais constitutionnels sur fond d'élections législatives et présidentielle. Cette loi n'a pas fait l'objet d'un débat au sein du Parlement en vue de reprendre certaines lacunes et cela conduit tout droit vers la nécessité absolue d'une Loi de Finances complémentaire. L'UGTT recommande fortement à ce qu'elle soit consultée pour l'élaboration de cette dernière. Une recommandation qui devra être soumise au prochain gouvernement, bien entendu.