Un bilan très lourd et douloureux qu'est celui de l'attaque terroriste de Sousse. 38 vies fauchées et 39 blessés. On n'en revient pas qu'une telle violence ait pu s'exprimer, encore, sous nos cieux. La Tunisie reçoit un coup de massue. S'en relèvera-t-elle ? Les jours, les semaines et les mois à venir nous le diront. Pour l'instant, les réactions à chaud vont vers la condamnation de ces actes barbares et la nécessité de mettre en place des mesures concrètes pour lutter contre le terrorisme, et son pendant, l'extrémisme religieux. Sauf que dans le camp islamiste, certaines voix se sont mises, dans une attitude négationniste, à nier le rapport entre intégrisme et terrorisme. Indécence, diriez-vous ! Sousse vendredi 26 juin, journée à marquer d'une pierre noire, un jeune étudiant tunisien se dirige, calme et décidé, vers les touristes profitant du soleil et de la plage à l'hôtel Imperial Marhaba. En une fraction de seconde ce paysage de farniente, bascule dans l'horreur. L'auteur de l'attaque ouvre le feu sur les touristes avant de se diriger vers l'hôtel pour finir son carnage. Aucune victime à déplorer du coté tunisien, le terroriste ne visait pas ses compatriotes, mais les étrangers.
Dans la soirée, l'organisation terroriste l'Etat islamiste, Daech, a revendiqué l'opération, publiant la photo du terroriste tunisien, souriant à l'objectif entre des Kalachnikovs. Abou Yahiya Al Kairaouani, c'est son surnom. Il est présenté comme un fier soldat de l'EI et un martyr, mort au jihad contre les mécréants. Le doute n'est pas permis, il s'agit bien du même Seifeddine Rezgui auteur de l'attentat, qui a, rappelons le, résidé et suivi ses études à Kairouan.
Selon les premiers éléments de l'enquête, la radicalisation du jeune homme est récente. Elle a eu lieu au courant de cette année. Rezgui a vraisemblablement été recruté sur internet et a fréquenté certaines mosquées hors du contrôle de l'Etat. Tout le monde, ou presque, s'accorde à dire que cet attentat est le résultat d'une grande bavure et relâchement sécuritaire, et ce n'est pas le ministre de l'Intérieur qui nous démentira. En effet, M. Gharsalli a affirmé que l'attentat aurait pu être empêché et qu'il s'agit d'une conséquence du vide sécuritaire [sic].
Tous les éléments sont donc là pour dire que l'auteur de l'attaque a été endoctriné par des intégristes religieux, dont le but est de déstabiliser l'Etat et de mener une soi-disant guerre sainte contre les mécréants et leurs institutions. Tous les éléments le disent, mais ce n'est pas de l'avis de l'ancien rapporteur général de la constitution, et actuel député d'Ennahdha à l'ARP, Habib Khedher. Le susnommé s'est, en effet, fusé d'un statut Facebook, à un jour de l'attentat, où il affirme que l'attaque ne relèverait pas du terrorisme religieux, mais plutôt d'un acte criminel. Il se base ainsi, pour asseoir son argumentaire, sur le passé de l'auteur des faits, qui aurait été un consommateur de drogues et un adepte de breakdance ! Et de se lancer dans une tirade des plus saugrenues, sur la nécessité de mettre en place une stratégie pour éradiquer le fléau des drogues et de soutenir l'éducation religieuse, afin que les jeunes soient prémunis contre le terrorisme. Selon Habib Khedher, le manque de piété et la guerre menée contre l'identité des Tunisiens, durant la période de la dictature, sont les principaux facteurs, ayant mené le terroriste de Sousse à commettre son crime.
Certains ont été choqués par de tels propos, mais il fallait s'y attendre. Habib Khedher fait partie d'une formation politique islamiste, qui, ne parlons pas de son passé pour l'instant, on y reviendra, a fait en sorte d'ouvrir les portes du pays à l'intégrisme religieux. Il est donc naturel que l'un des leaders d'Ennahdha se mette à créer des diversions pour faire glisser le débat vers un autre sujet, plutôt que pointer du doigt un acte terroriste découlant d'un endoctrinement religieux. Le terroriste devient dans ce scénario, un jeune délinquant, qui sous l'emprise de la drogue, a commis son méfait. Circulez, il y a rien à voir ! Le ver est dans la pomme. Un membre du mouvement faisant partie de la coalition gouvernementale qui blanchit le terrorisme…
Et à Hamadi Jebali, ancien chef du gouvernement, de rebondir sur l'attentat de Sousse. Ce même Hamadi Jebali, qui sous son gouvernement l'extrémisme religieux a pu s'installer en Tunisie et prendre racine. Remonté qu'il est contre les médias de la place, l'ex SG d'Ennahdha, assure qu'ils font le même jeu que les terroristes et alimentent le terreau du terrorisme. Il s'érige ainsi en défenseur de l'identité tunisienne arabo-musulmane, qui serait mise en danger par des journalistes qui veulent faire croire que le combat contre le terrorisme ne se ferait qu'en combattant le religieux et les racines tunisiennes. M. Jebali essaierait-il de dévier le débat sur des considérations identitaires ! La rengaine de l'islam est en danger est de retour, alors que le fond du problème est tout autre. L'ancien chef du gouvernement ira même jusqu'à ironiser lorsqu'on évoque l'historique violent de son parti et son passé. Aurait-on oublié les attentats contre des hôtels de Sousse et de Monastir en 1987 faisant des victimes parmi les touristes. Des attentats commis par le Mouvement de la tendance islamique et qui donnera, par la suite, naissance à Ennahdha…
Les doubles discours des dirigeants islamistes et cette banalisation systématique du phénomène terroriste, pourtant en lien direct avec l'intégrisme religieux, sont légion en cette Tunisie qui se débat dans ce fléau de plus en plus rampant et, menaçant, outre sa stabilité, les fondements même de l'Etat. Il serait temps d'y mettre fin. Demain, mardi 30 juin marquera la date de la première audience dans l'affaire de l'assassinat de Chokri Belaïd. Le leader de gauche était l'un des plus féroces opposants aux islamistes, alors au pouvoir. Aujourd'hui ils y sont encore.