Une stratégie de réforme des caisses sociales s'impose en tant que priorité nationale. C'est dans cette optique que le chef du gouvernement, Youssef Chahed a présenté aux députés le programme des réformes économiques et sociales lors de la plénière du vendredi 23 mars 2018 de l'ARP. Avec un déficit de 645 MD de la CNRPS (Caisse nationale de retraite et de prévoyance sociale) et d'environ 500 MD de la CNSS (Caisse nationale de sécurité sociale), en 2017, la mission du gouvernement semble être difficile pour remédier à la crise des caisses sociales. Dans une tentative de sauver les meubles, la présidence du gouvernement présente un document contenant un plan d'action. Les dispositifs des caisses sociales (CNSS et CNRPS) dans les secteurs privé et public souffrent depuis des années de plusieurs pressions qui se sont amplifiées ces dernières années. Ainsi, la révision des systèmes de retraite ainsi que la diversification des sources du financement, l'instauration d'une réforme structurelle au sein du dispositif des caisses sociales notamment au niveau de leur gouvernance ainsi que la mise en place des solutions stratégiques afin d'assurer la pérennité des caisses sociales, semblent représenter les outils sujets à apporter ces réformes.
Ce déficit peut bien s'expliquer par les résultats négatifs enregistrés par les dispositifs des pensions depuis 2001 dont les revenus et les dépenses représentent 92% des revenus et des dépenses totales des deux caisses sociales. Cela peut également s'expliquer par le développement de l'indice démographique des salariés actifs du public et du privé (3.25 en 2015) qui a contribué à mettre plus de pression sur l'équilibre monétaire des caisses ainsi qu'à la dégradation de leurs réserves monétaires. C'est ce même déficit qui a engendré, par la suite, le retard de paiement des dus à la CNAM (Caisse nationale d'assurance maladie) qui a affecté systématiquement le pouvoir de cette caisse à payer les hôpitaux publics, la pharmacie centrale et les prestataires de services sanitaires et a abouti à une accumulation sans précédent de ses dettes.
Dans l'objectif de pallier radicalement le déficit de plus en plus accru des ces caisses sociales, tout en prenant en considération les procédures nécessaires pour garantir leur équilibre monétaire, la pression sur le budget de l'Etat ainsi que les conjonctures économique et sociale du pays, une commission a été créée afin d'examiner les choix des réformes des caisses sociales. Cela s'inscrit dans l'optique d'une réforme économique globale visant à garantir l'efficience des dispositifs de la CNSS et de la CNRPS. Il s'agit, en effet, d'une commission pour la protection sociale en collaboration avec l'UGTT (Union Générale Tunisienne du Travail) et l'Utica (Union tunisienne de l'industrie, du commerce, et de l'artisanat) qui a tenu plus de 20 séances en 2016 et 2017 et ce en présence du ministres des Affaires sociales et du ministre chargé des réformes. Les travaux de cette commission ont abouti à la mise en place d'un règlement intérieur qui précise les activités de la commission, la conclusion d'un accord autour du document déterminant les facteurs engendrant le déséquilibre monétaire des dispositifs de retraite dans les secteurs public et privé, ainsi qu'à l'examen de certaines formules sujettes à apporter des réformes au sein des caisses sociales et leurs résultats prévus.
Au niveau des principes généraux, le gouvernement a souligné l'importance de préserver le système de répartition. Il a aussi focalisé sur la nécessité d'apporter des réformes structurelles notamment en révisant les critères d'octroi des pensions qui assureront des ressources supplémentaires aux dispositifs de retraite et l'instauration des réformes d'une manière graduelle. Il est également question de tenir compte des pressions exercées sur le budget de l'Etat en vue de le protéger, maintenir les valeurs actuelles des taxes et les impôts en respectant les réglementations fiscales mises en œuvre. A partir de cette année 2018, un plafond sera, en outre, déterminé et ce en ce qui concerne la diversification des sources du financement afin d'appuyer le dispositif de la sécurité sociale. Concrètement, au niveau de la révision des critères d'octroi des pensions dans le secteur public, un nombre de mesures a été proposé par le gouvernement. Il s'agit, en effet, de l'augmentation de l'âge de départ à la retraite obligatoirement à 63 ans qui pourrait être porté à 65 ans d'une manière facultative, de la révision du salaire de référence en comptant la moyenne mensuelle des salaires non actualisés des 3 dernières années à partir de janvier 2018 et des 5 dernières années à partir de janvier 2019 ainsi que de l'augmentation du taux des contributions de 3% dont 2% par l'employeur et 1% par le salarié. Il s'agit, de plus, de la révision automatique des pensions et ce en liant cette mesure aux négociations sociales en se basant sur l'indice des prix, le taux de croissance économique ainsi que le taux d'augmentation du salaire minimal. Concernant la rentabilité des années d'activité, un pourcentage de 2% sera compté pour chaque année d'activité à partir de 2018 et sera appliqué aux retraites ayant lieu après la promulgation de la loi.
Pour la révision des critères d'octroi des pensions dans le secteur privé, le gouvernement a proposé d'augmenter l'âge de départ à la retraite conformément au secteur public, de compter un pourcentage de 2% pour chaque année d'activité précédente et ce à partir de 2018 qui sera également applicable sur les nouvelles retraites. Il s'agit en outre d'augmenter le pourcentage des contributions conformément à celles dans le secteur public, à revoir la période minimale du stage pour l'obtention du droit à une pension et la fixer de 10 ans, à modifier la méthode actuelle de révision des pensions conformément à celles dans le secteur public. Enfin, parmi les propositions du gouvernement visant à réformer la CNSS, figure l'annulation du système de la retraite anticipée pour des raisons économiques ainsi que la création d'un fonds destiné aux licenciés pour des raisons économiques également. La diversification des sources de financement représente, par ailleurs, un autre moyen dédié à la réforme des caisses sociales. En effet, le gouvernement a adressé aux parties sociales une suggestion concernant l'instauration d'une contribution sociale solidaire dont les revenus seront versés en vue de financer les caisses sociales. Cette contribution sociale se compterait à la base des revenus et des gains nets tributaires d'impôts et sera payée selon les mêmes modalités de paiement des impôts sur les revenus.
Si ces solutions, pour l'instant théoriques, peuvent apporter un changement, c'est leur concrétisation qui pose toujours problème. Ce programme de réformes économiques et sociales serait-il efficace sur le terrain ? Plus important encore, le gouvernement réussira-t-il à réellement l'appliquer alors qu'il manque de plus en plus de soutiens?