Les difficultés budgétaires combinées à la hausse du prix des énergies fossiles ne laissent aucun choix à la Tunisie, sauf celui de la rationalisation de son usage énergétique et sa migration vers des énergies renouvelables, plus propres et moins chères. C'est dans ce cadre que l'Agence nationale pour la maîtrise de l'énergie (ANME) en partenariat avec le groupe Al Badr a lancé un projet pilote avec deux véhicules électriques pour une étude d'impact. Focus. Le déficit de la balance énergétique s'est établi fin 2017 à 4.032,9 millions de dinars (MD), soit 25,9% du déficit total du pays (plus du quart). Sachant que le tiers de l'énergie est consommée par le secteur du transport, le tout associé à un envol du prix du baril et le glissement du dinar (le taux de change étant de 2,922 dinars le dollar), il devient primordial de mettre en place une stratégie nationale adéquate avec la part belle à la production des énergies renouvelables. Ce qui a été planifié avec une accélération de la mise en place des projets d'énergies renouvelables. L'objectif étant de produire 1.000 mégawatts (MW) soit 1 gigawatt (GW) à l'horizon 2020, ce qui représente 5 fois la capacité actuelle de 200 MW. En parallèle, il faudra rationaliser l'usage via un changement des habitudes de consommation. Les voitures électriques ou hybrides s'imposent en tant qu'alternative qui peut générer des gains énergétiques intéressants. L'adoption de véhicules hybrides peut apporter une différence immédiate, si les encouragements nécessaires sont mis en place, leur prix demeurant assez cher étant une nouvelle technologie. Mais, vu les difficultés budgétaires, l'Etat ne peut se priver à l'heure actuelle d'une manne importante. C'est ce que nous avez confié un ancien ministre, bien que plusieurs hauts cadres de l'Etat parlent d'un échec de ce genre de véhicules. Or, la majorité des constructeurs développent des véhicules rechargeables ou Plug-in Hybride, combinant un moteur thermique (essence ou diesel) à un ou plusieurs moteurs électriques.
Par contre, et malgré le fait qu'il faudra la mise en place d'une infrastructure adéquate, Mohamed Habib Zgolli, DG électricité et énergie renouvelable au sein du ministère de l'Energie, avait confié à Business News fin mai dernier : «Le développement de l'énergie renouvelable nous pousse à songer à l'utilisation de la voiture électrique. Ainsi la subvention destinée à la compensation de l'énergie servira à permettre la pénétration des voitures électriques. Un projet pilote est en cours d'étude avec 2 voitures (un SUV et un utilitaire) et 1 bus, qui sera ensuite généralisé pour concerner les flottes captives comme celles de la Steg et de la Poste». C'est dans ce cadre qu'une première phase de tests dans le domaine de la mobilité électrique a été entamée. Un accord de coopération avait été signé le 17 juillet 2018 entre l'ANME et le Groupe Al Badr. Les deux parties s'engagent à encourager et à apporter leur soutien à la coopération et aux échanges en matière d'utilisation rationnelle de l'énergie, de la promotion des énergies renouvelables et de la mobilité électrique.
Le groupe Al Badr a mis à la disposition de l'ANME deux véhicules (un bus et une voiture utilitaire 100% électriques), qui ont été affectés à des structures publiques en vue d'en mesurer les performances énergétiques et les caractéristiques techniques et technologiques. Il s'agit du bus électrique BYD K9 muni de 2 moteurs électriques développant une puissance réelle de 180 kW (245 chevaux Din), avec une capacité de transport de 90 passagers dont 28 assis : le premier bus au monde à batterie grande autonomie (250 km et une de recharge comprise entre 2,5 et 3 heures). Le second véhicule est un utilitaire BYD T3. Entièrement électrique, son moteur développe une puissance de 80 kW (109 ch Din) pour une autonomie qui varie entre 200 et 400 km. Sa batterie est rechargeable en 63 minutes. Ce véhicule est en mesure de répondre aux attentes de nombreux corps de métiers grâce à un volume de chargement de 3,4 m3. Mieux le groupe ambitionne d'installer en Tunisie avec son partenaire chinois une usine de montage de véhicules électriques. Le site de 6200 m2, situé à Bir el Kassâa, est actuellement en cours de construction et devrait être prêt en mars 2019. Il sera d'une capacité de production de 50 à 80 bus par an et de 2.000 à 3.000 véhicules légers par an.
Vu l'importance de ce sujet, le coup d'envoi du programme a été donné par le ministre de l'Industrie et des PME Slim Feriani qui en a profité pour évoquer le développement d'un nouveau programme énergétique qui se base sur la diversification des sources énergétiques pour une meilleure efficacité énergétique. Ce programme ambitionne la baisse de l'énergie primaire de 30% par rapport à la consommation de 2010, l'augmentation de la part des énergies renouvelables d'au moins 30% et la réduction des émissions carbone de 41% par rapport à 2010.
Ainsi, ces véhicules qui seront testés pour une durée d'au moins 6 mois, permettraient de vérifier concrètement les résultats théoriques d'une étude, réalisée par une taskforce qui a réuni tous les départements ministériels concernés (les ministères des Finances, du Transport, du Commerce, la Douane, les services des mines, etc.), et qui sera une sorte de feuille de route pour l'avenir. « Les résultats préliminaires démontrent qu'il y aurait un gain de 52% dans la subvention d'énergie, 34% de la consommation énergétique et jusqu'à 59% de la facture énergétique », a affirmé Fethi Hanchi, directeur de l'utilisation rationnelle de l'énergie au sein de l'ANME, dans une déclaration à Business News.
En effet, cette taskforce a mis en place un projet ambitieux qui vise l'introduction de 70.000 véhicules (environ 10% des nouvelles immatriculations) sur la période 2019-2025, soit 50.000 véhicules électriques et 20.000 véhicules hybrides. Le bus électrique, et vu son coût entre 180.000 et 400.00 dollars l'unité, fera l'objet d'une étude de rentabilité plus poussée avant d'être généralisé. Le projet sera soumis bientôt à un conseil ministériel pour validation, a précisé M. Hanchi. Trois axes seront déterminants pour la réussite de ce projet. Le premier volet concerne le prix du véhicule électrique qui devra être ramené à celui du véhicule thermique, à travers des subventions, des crédits à taux bonifié, des mesures fiscales notamment l'exonération des droits et taxes de consommation, etc. Sans le soutien exceptionnel de l'Etat, le consommateur tunisien ne pourra pas accéder à ce genre de produits, leur prix étant 130% plus cher qu'un véhicule classique. Le deuxième volet concerne la mise en place des infrastructures de recharge et ceci à travers des facilités accordées aux investisseurs via des mécanismes PPP. Le troisième volet concerne le positionnement stratégique de la Tunisie en tant que plateforme d'équipementiers automobile et en tant qu'industriel capable d'assembler ce genre de véhicules.
Ce qui est sûr, c'est que selon l'étude réalisée le bilan d'exploitation d'un véhicule électrique est largement excédentaire pour l'Etat par rapport au véhicule thermique. Pour le consommateur, le prix d'acquisition reste le grand obstacle malgré les économies importantes sur le coût de l'énergie. En effet, on estime que le prix kilométrique du véhicule électrique est 70% moins cher que celui thermique. Autre gain substantiel, ces véhicules sont plus propres, totalement silencieux, ne consomment pas de carburant et n'émettent pas ou très peu de CO2 ! C'est aussi moins d'entretien, moins de risque de panne et surtout moins d'accidents, la vitesse étant limitée. A titre d'exemple, la vitesse du bus est limité à 70 km alors que celle de l'utilitaire à 130 km. Cerise sur le gâteau, Kia Motors et Hyundai Motor viennent d'annoncer qu'ils comptent mettre en œuvre une technologie de recharge à «toit solaire» sur certains véhicules du groupe Hyundai Motor. Des panneaux solaires générateurs d'électricité seront intégrés dans le toit ou le capot. Certes cette technologie sera très chère à son lancement, mais représenterait une opportunité pour notre pays, où nous avons du soleil pendant toute l'année. Le développement de cette technologie pourrait devenir une vraie aubaine et représenterait des gains assez conséquents en matière d'économie d'énergie pour la Tunisie dans les années avenirs.
L'électromobilité s'impose aujourd'hui comme étant un choix stratégique pour la Tunisie. Le pays n'étant pas un producteur de pétrole, il doit se tourner vers les énergies renouvelables et les solutions de mobilité capables d'offrir des gains énergétiques et donc des gains budgétaires qui pourraient être utilisés pour d'autres projets plus intéressants et plus utiles pour notre pays.