L'Assemblée des représentants du peuple a rejeté hier, 13 décembre 2018, la proposition gouvernementale de prolonger l'âge de départ à la retraite. Le projet de réforme de la CNRPS en prend un coup et les problèmes structurels de cette caisse risquent de s'approfondir. En attendant, payer les retraités deviendra de plus en plus difficile en 2019. Le chemin du règlement des problèmes structurels de la CNRPS et des caisses sociales en général avait commencé en 2015. Ce chemin s'est avéré tortueux et difficile malgré le consensus sur le fait que la situation n'est plus tenable. C'est Taoufik Rajhi, conseiller auprès du chef du gouvernement chargé des réformes qui s'en est ému dans un statut Facebook publié après le vote de l'ARP. Il y retrace le parcours de la proposition de réforme du gouvernement tout en donnant les montants que l'Etat a dû injecter à la CNRPS pour combler les déficits et permettre à celle-ci d'assurer le paiement des retraites. Graphe Au final, l'opposition a fait tomber le projet de loi. Toutefois, aucune solution n'est envisagée pour le déficit record prévu pour 2019 et qui devrait atteindre 1800 millions de dinars. De manière simple, le redressement des caisses sociales en Tunisie, comme partout ailleurs, est possible par deux leviers : le premier est l'augmentation des contributions, le deuxième est l'augmentation de l'âge de la retraite pour que les mêmes contributions durent plus longtemps pour couvrir les dépenses. Il est également possible d'imaginer une combinaison des deux solutions. Toutefois, il faut noter ici que la solution d'augmenter les contributions est vite abandonnée car, de toutes manières, les contributeurs à la caisse sont moins nombreux que ceux qui en bénéficient du fait de l'inversement de la pyramide des âges. D'un autre côté, il est vrai que les caisses sociales ont des créances qui, de façon comptable, peuvent largement renflouer les déficits. Mais les problèmes de recouvrement inhérents à ces créances font qu'il est impossible d'envisager un renflouement rapide, le tout sans parler des créances carbonisées qui représentent entre 60% et 70% du montant total, selon le ministre des Affaires sociales, Mohamed Trabelsi. Aujourd'hui, comme l'a dit Hassouna Nasfi, chef du bloc parlementaire de Machrouû Tounes, le gouvernement se trouve dos au mur car il n'est plus possible de renflouer les déficits chaque année sachant que la situation globale des finances de l'Etat est chancelante. On peut penser que le projet de loi présenté par le gouvernement est du bricolage permettant de sauver les meubles plutôt que de réformer profondément le système. Il est légitime de penser cela mais la situation est telle que le gouvernement se trouve dans l'obligation de tenter d'éteindre l'incendie qui brûle les caisses sociales. Il n'est pas encore question de donner des avantages supplémentaires aux retraités ou d'améliorer leur situation, l'objectif est de trouver des fonds pour garantir le paiement de l'argent des retraités. L'augmentation de l'âge de la retraite est le premier des outils possibles pour dégager plus d'argent pour les caisses. Par ailleurs, les experts de la sécurité sociale tunisienne ont pressenti ce problème depuis les années 80. Il est vrai que le projet de loi a été soumis hier à l'ARP mais la problématique des caisses sociales dure depuis des décennies. Ces problématiques ont été aggravées par le fait que plusieurs organismes sont des évadés sociaux qui ne payent pas les cotisations dues. Selon un chiffre donné par Hassouna Nasfi, député mais également fin connaisseur des caisses sociales, cette évasion couterait à l'Etat la bagatelle de 500 millions de dinars par an. C'est dire si la problématique du financement des caisses sociales est non seulement une problématique bien connue en Tunisie mais il faut savoir qu'elle est présente aussi dans le monde. Le résultat aujourd'hui est que l'ARP a refusé un projet de loi qui avait été élaboré difficilement par le gouvernement en compagnie des partenaires sociaux et des différents intervenants. Toute la Tunisie avait été choquée l'année dernière de voir des retraités faire la queue devant les bureaux de poste. Ces derniers ont même organisé des marches de protestation pour manifester contre le traitement honteux qui leur a été réservé. Il faut trouver des solutions rapides pour cette hémorragie qui est littéralement en train de tuer les caisses sociales et tout le système d'assurance sociale en Tunisie. Les députés en ont décidé autrement, aux risques et périls des retraités et de toute la population tunisienne. En attendant, les chiffres sont têtus : la CNRPS dispose de 240 millions de dinars par mois et doit en sortir 316 chaque mois pour les retraites.