Tout le monde a souvenance des annonces concomitantes faites par les élus du CPR et ceux d'Ettakatol, qu'il ne serait jamais question d'alliance avec Ennahdha en matière de rédaction de la Constitution. Or, plus que jamais les trois groupes de la coalition au pouvoir affichent péremptoirement leur volonté de faire cavaliers seuls et d'œuvrer d'un commun accord, pour faire passer leurs choix et orientations sans trop d'égards, en vérité, pour l'avis des autres formations politiques. La preuve la plus tangible de cette entente, contre vents et marées, a été administrée lors de l'élection du rapporteur général de la commission de rédaction de la constitution. Que M. Habib Khedher du mouvement Ennahdha soit élu ne constitue pas en lui-même une surprise dès lors que le jeu du consensus n'a pas été respecté. En fait, si Ennahdha avait accepté, comme elle l'exige souvent des autres, de respecter le contrat moral passé entre tous les acteurs politiques, M. Fadhel Moussa, éminent professeur en droit constitutionnel, aurait été porté à ce poste. Ce qui aurait confirmé ce que l'on a toujours voulu nous faire accroire : l'homme qu'il faut à la place qu'il faut. Or, n'en déplaise à Ennahdha, il ne saurait y avoir de comparaison entre M. Moussa et M. Khedher au niveau des compétences, cela s'entend. Les élus du CPR et d'Ettakattol qui ont accordé leurs 29 voix au candidat d'Ennahdha ont-ils conscience de l'engagement pris ? Ont-ils réalisé que le mouvement a fait de ce vote une affaire politique alors qu'elle n'est en réalité qu'une affaire technique nécessitant essentiellement la présence d'un homme aussi compétent que M. Fadhel Moussa ? Ont-ils compris qu'en ce faisant Ennahdha traduit son refus de ne pas faire une nouvelle concession après qu'elle eut « perdu » la présidence de cette même commission ? Pourtant, en acceptant de « refaire un autre geste », Ennahdha aurait envoyé un message rassurant à l'adresse de tous les Tunisiens, celui de la capacité de la troïka et du parti majoritaire que la politique consensuelle n'est pas un vain mot. Et que toute l'objectivité sous-tend les actions et démarches d'Ennahdha au sein de l'ANC et auprès de ses alliés. Encore une fois, les élus d'Ettakatol et ceux du CPR peuvent s'attendre à essuyer les critiques acerbes de ceux qui leur ont accordé leurs voix. Ils auront à s'en expliquer et à justifier ce vote qui engage le pays pour de plusieurs générations. Car, rappelons-le, la rédaction d'une constitution demeure la mission première de cette ANC élue par le peuple. Une ANC qui donne l'impression d'avoir été transformée en une arène pour la conquête ou le partage du pouvoir, sans véritable considération pour les attentes et les revendications du peuple.