Depuis la révolution du 14 Janvier à ce jour, une trentaine de partis ont vu le jour pour atteindre le nombre hallucinant de 37 partis politiques légalisés jusqu'à présent et ce nombre ne cesse de croître de jour en jour puisque sept autres partis politiques sont en instance de légalisation. L'augmentation du nombre de partis reflète, certes, une dynamique politique en Tunisie mais chaque phénomène comporte ses avantages et des inconvénients. En effet, l'ouverture brutale, après des décennies d'immobilisme, du champ politique a aiguisé les appétits, et la possibilité qui va avec de se propulser sur les devants de la scène et tant de places à prendre autant d'opportunités à portée de main car certains rendez-vous avec l'histoire ne sauraient être ratés. Pourtant, cette dynamique politique et surtout la pléthore des partis politiques, salutaire en apparence, cache bien des idiologies incompatibles avec le souhait du tunisien voire des vices que le commun des mortels ne saurait deviner de prime abord. Déjà que, dans ces partis politiques, se cachent des tendances nationalistes, ultra nationalistes, nassériennes, RCDistes, islamistes, sans oublier bien sur, et comment les oublier, les partis travaillistes et communistes et nous ne sommes pas apparemment au bout de la course. Derrière la façade des partis politiques fraîchement légalisés, existent des tendances qui font froid au dos. Pour ce qui est des partis à tendance nationaliste, ultra nationaliste et nassériens ainsi que ceux à tendance islamiste, sans les citer, se cache des perspectives de l'unité arabe et du retour vers une autre époque, concept qui a montré ses limites, voire échoué à maintes occasions. Ces tendances n'ont rien à voir, par ailleurs, avec les raisons pour lesquelles s'est soulevé le peuple tunisien. Pour d'autres partis, l'orientation RCDiste est à peine voilée, ce qui nous amène à penser que des éléments du RCD sont toujours actifs et souhaitent perpétuer le système qui leur a tant été bénéfique sous une autre forme mais avec le même esprit. Du reste, les partis travaillistes, ouvriers et communistes obéissent à une autre logique de lutte des classes et du dictat du prolétariat se qui se trouve être à des années lumières du quotidien du tunisien moyen… Il ne faut pas oublier, non plus, le manque de clarté dans la définition des orientations stratégiques et des postulats de base de ces partis. Une opacité totale tourne autour des programmes politiques et stratégiques de ces partis et on n'est pas franchement informé de leurs orientations ainsi que des méthodes qu'ils espèrent faire valoir afin d'atteindre leurs objectifs. Chaque partis politique est tenu, de ce fait, de présenter, afin de drainer les électeurs mais aussi par impératif de transparence, un programme politique varié, touchant tous les aspects de la vie publique du citoyen à savoir le programme politique, l'éducation, l'emploi, la politique économique, l'environnement, le rôle de la femme, l'université, la santé, le transport, la politique sociale, la politique étrangère, la politique et l'appareil sécuritaire, etc… et pourtant nous ne voyons rien venir et les programmes de ces partis sont jusqu'alors méconnus pour certains et inconnus pour d'autres alors qu'on ne demande qu'à les connaître… et au plus vite. Si ces partis vont solliciter, dans quelques mois, le vote des citoyens, ils se doivent, sans équivoques, d'annoncer haut et fort à quoi ils aspirent. Un autre aspect de la nouvelle donne politique tunisienne et pas des moindres : le nombre élevé de partis. Cette quarantaine de partis existant dont 8 anciens datant de l'ancien régime, ne peuvent pas survivre sans pacte et sans fusion entre eux pour les partis qui des tendances analogues ou proches. Pour plusieurs raisons stratégiques et financières en premier lieu et pour des vices de représentativité ainsi que des tracasseries administratives, plusieurs partis vont fatalement disparaître faute de ne pas avoir drainé de public. Pour les autres, ceux qui resteront, ils seront amenés tôt ou tard, bon gré mal gré, à faire des fusions et des coalitions par principe de rapprochement des tendances et e renforcement au niveau des bases électorales. Le remue ménage ne durera pas donc longtemps et cette quarantaine de partis sera réduite à moitié. Nonobstant ces irrégularités qui guettent la scène politique tunisienne, et par voie de conséquence, la vie du citoyen tunisien, existent d'autres chamboulements, qui altèrent ou altèreront la représentativité du citoyen au sein de la vie politique. En effet, le citoyen tunisien d'avant la révolution ne s'intéressait pas à la politique à cause d'une inculture préméditée et orchestrée par le régime en place. Il ne connaissait, à cet effet, que le parti au pouvoir, à savoir le RCD, et deux ou trois autres partis ou formations pour les plus éclairés. Aujourd'hui, ce même citoyen se trouve en face d'une quarantaine de formations politiques qui atteindra aisément la cinquantaine de partis dont il ignore tout, surtout après la dissolution du RCD qui était le seul connu. Comment alors solliciter le vote du citoyen dans cette jungle politique qu'il considère fatalement, à tort ou à raison, non représentative de ses aspirations ? Le risque est, et c'est le scénario le plus plausible, de voir une abstention record au jour des législatives, du moment que, la majorité du peuple tunisien estime que ces formations lui sont inconnues et étrangères. Ces abstentions vont pourtant provoquer le contraire des effets escomptés d'une élection à savoir un vide politique abyssal qui profitera aux formations politiques extrémistes qui sortiront vainqueurs. La majorité passive pourrait ne pas être représentée lors des prochaines élections et se sentir frustrée faute de ne pas s'être reconnue dans un parti capable de mobiliser une grande masse de citoyens et de répondre aux aspirations profondes et légitimes. Les grands gagnants de ce remue ménage politique sournois vont être, justement et à contre courant, les formations politiques qui ne sont pas soutenus par la majorité des tunisiens. Ces derniers vont, en effet et sans le vouloir, par la force de la donne politique exposée, offrir, sur un plateau en argent, l'occasion à ses partis d'accéder au pouvoir législatif et par conséquent au pouvoir exécutif. Le paradoxe tunisien va être du coup une majorité qui ne vote pas pour des vices de représentativité et des partis vainqueurs dont l'idéologie n'a rien à voir avec les revendications générales des électeurs.