Après l'annonce de l'opération coup de poing, envisagée par le gouvernement il y a à peu près une semaine, il y a lieu de connaître aujourd'hui l'état des lieux. Où en est-on ? Il faudrait tout de suite avouer qu'on vient de réussir à moitié la mission envisagée. Une quarantaine de mosquées ont été libérées de la domination salafiste sur les quatre-vingts ciblées. On n'a qu'à voir le verre à moitié plein. Car en ne gagnant qu'à moitié le pari de tout assainir dans une semaine, c'est qu'on a cherché à tourner le dos à un contre musclé. Pour que tout passe sans beaucoup de casse. Il était question, il y a une semaine, d'en finir avec le problème des mosquées anarchiques dans la semaine succédant la date de l'annonce de la mesure gouvernementale, non équivoque. Le nombre d'épées de Damoclès suspendues alors sur nos têtes était estimé à quatre-vingts. Jusqu'à hier, jeudi 9 juillet, ce chiffre se trouve réduit de moitié, selon notre source officielle. On nous précise que ce chiffre n'est pas stable. Puisque certaines mosquées balancent entre la salafisation et la désalafisation, c'est-à-dire entre l'évacuation et la réoccupation des lieux sacrés. Malgré le non-respect du calendrier arrêté, l'on considère qu'un grand pas a été franchi dans le bon sens et que le résultat est satisfaisant. Car, il fallait à nos forces de sécurité, se trouvant au four du terrorisme sanglant et au moulin du fanatisme religieux effrayant, d'effectuer leur dure mission à moindres dégâts et sans l'effusion de la moindre goutte de sang. Une équation difficile, en sachant combien l'adversaire est têtu, arrogant et violent. Les seuls incidents méritant d'être cités sont ceux connus par la mosquée Dardour à Kalaâ Kébira. Là, l'opération coup de poing a rencontré une certaine résistance de la part d'une horde de fanatiques excités ayant obligé les forces de l'ordre de remettre de l'ordre dans ladite mosquée, d'utiliser le bâton, après avoir tendu la carotte vainement. On nous rapporte que la police a dû faire usage de bombes lacrymogènes pour mettre fin à la récréation. Les affrontements ont laissé dans leur sillage un certain nombre de blessés dans les rangs des rebelles. M. Slim Ben Cheikh, chargé du dossier de la désalafisation des mosquées au sein du ministère des Affaires religieuses, nous indique que parallèlement, dans certaines mosquées, l'on a opté pour une régularisation de la situation. C'est ainsi, nous révèle-t-il, que pas plus tard qu'hier, deux mosquées ont connu ce sort heureux : celles d'El Baraka à Jelma et El Ferdaous à Gammarth. Tout y a été changé, sans heurt, à commencer par les imams et les intendants de ces mosquées. L'on apprend que la plupart des mosquées ont été assainies, grâce à des opérations surprise nocturnes qui étaient généralement suivies, le lendemain, de troubles, de marches de protestation et d'escarmouches. On nous parle d'une autre catégorie de mosquées, celles construites anarchiquement sur des terrains faisant partie du domaine public ou des terrains cédés par leurs propriétaires à titre de dons pour l'édification de mosquées grâce à des collectes d'argent auprès des âmes dites «charitables et généreuses». La bataille juridique en parallèle A ce sujet, M. Mohamed Ali Ouhida, chargé du contentieux de l'Etat, nous révèle que des actions en justice ont été engagées pour assainir la situation de ces propriétés foncières. Ceci, sans compter les procès intentés contre les occupants, au lendemain de la révolution, des locaux de l'ex-RCD convertis... en mosquées de fortune. Des garages et des étages de villa devaient être du jour au lendemain exploités en tant qu'écoles coraniques, inoculant la haine et l'intégrisme à nos enfants, ou aussi en petites mosquées marginales n'obéissant à aucune norme. Une mise en garde à écouter Pour sa part, M. Fadhel Achour, homme de terrain et représentant le syndicat des prédicateurs religieux, nous affirme que beaucoup reste à faire du côté de Bizerte, Kasserine et Médenine où une dizaine de mosquées anarchiques, disséminées à travers le rif de ces villes, donnent des frissons à la population en raison de la tendance extrêmement violente de leurs occupants. Notre interlocuteur invite les autorités à mettre dans leur collimateur ces points noirs extrêmement dangereux. Les démons tirent les ficelles Cela dit, la fermeture de certaines mosquées irrégulières n'a pas manqué de provoquer le mécontentement de beaucoup de nos concitoyens établis dans des zones rurales, obligés de parcourir de longues distances pour accomplir leur prière du vendredi et les tarawihs ramadanesques, après la fermture des mosquée avoisinantes. Au ministère des Affaires religieuses, l'on estime que ces habitants, dont on comprend le souci, doivent saisir que tout ce qui se fait est dans leur intérêt et dans celui de leur pays. On leur demande d'accepter ce petit sacrifice provisoire de gaieté de cœur. Car le jeu en vaut la chandelle. Pour finir, n'oublions pas aussi que derrière ce mécontement populaire, il existe des démons impopulaires qui tirent les ficelles pour se faire un certain soutien populaire.