Les commerces à la sauvette sont nuisibles à la santé du citoyen et à l'économie du pays. A quand leur éradication ? Ou faut-il attendre une catastrophe sanitaire pour prendre les résolutions qui s'imposent ? Après les emplettes des vêtements, place aux préparatifs et l'achat des gâteaux de l'Aïd. C'est le business juteux des pâtissiers et des vendeurs de fruits secs, qui n'y vont pas avec le dos de la cuillère et saignent à blanc les consommateurs, ruinés par les dépenses. Comme pour le prêt- à-porter, le Tunisien recourt au prêt-à-consommer. Mais celui-ci est-il fiable ? L'hygiène est-elle de rigueur ? La préparation des gâteaux de l'Aïd dans une ambiance bon enfant est visiblement d'une autre époque. Les femmes submergées par le boulot et le ménage à la maison n'ont plus le temps ni l'énergie à consacrer à ce genre d'activité. Place donc aux pâtisseries mais aussi aux magasins improvisés qui profitent du mois de Ramadan pour fructifier leur commerce. Un choix sur catalogue Les commandes vont bon train dans cette pâtisserie chic d'un quartier huppé de l'Ariana. Ici on n'expose pas la marchandise. On propose à la clientèle un catalogue de différentes variétés de friandises à des prix exorbitants. Le kg peut dépasser facilement les 100 dinars. «Nos clients ne se soucient pas des prix. Pour eux, la qualité se paie et au prix fort», indique la caissière. Une clientèle exigeante au niveau de la qualité des produits et de l'hygiène. Cette pâtisserie offre également des gâteaux traditionnels spécialement conçus pour les diabétiques. Ceux-ci sont encore plus chers. Les clients bien nantis ne se plaignent pas des prix et semblent satisfaits, à l'instar de Syhem, une habituée qui, à l'occasion de fêtes et de soirées, n'achète ses gâteaux qu'ici. «Je suis vraiment bien servie. Parfois, je me contente d'un simple coup de fil pour passer ma commande». Moyenne gamme : prix sucré Le Tunisien lambda ne peut pas se permettre un tel luxe et doit se contenter des gâteaux prêt-à-consommer que proposent les pâtisseries de moyenne gamme. Près de la mosquée Zitouna dans la Médina de Tunis, le kg de «baklawa aux amandes» est à 35 dinars. Un couple de jeunes mariés en achète un kg. «Nous n'allons pas nous ruiner pour les achats de gâteaux. Nous nous contenterons de baklawa. Nos mères préparent à la maison la ghraïba, le makroudh et les «biscuits» et nous ont promis de nous laisser notre part», affirme-t-il. Il n'y a pas foule devant la devanture de ce magasin bien achalandé. «Les gens achètent à la dernière minute. Tout s'envolera», rassure le vendeur qui se plaint de la concurrence déloyale des commerçants informels qui s'improvisent pâtissiers à l'approche de l'Aïd. «On ne s'inquiète pas beaucoup de ce genre de commerce car on fait confiance au Tunisien qui ne va pas s'empoisonner avec des gâteaux dont les origines sont douteuses. Nous, on est souvent contrôlé par les services d'hygiène. Ainsi, on ne peut pas se permettre de fabriquer n'importe quoi, cela y va de notre réputation sur le marché», explique-t-il par ailleurs. Attention au low cost ! Aux environs du quartier populaire de Bab Dzira, un restaurant s'est transformé en pâtisserie juste pour le mois de Ramadan. Il utilise l'intérieur du magasin pour stocker la marchandise et expose le reste sur des étals à l'extérieur à même les gaz polluants dégagés par les tuyaux d'échappement des voitures et obstruant en même temps la circulation sur le trottoir. Ce sont des gâteaux low cost destinés à des consommateurs moins bien lotis. «Il n'y a pas de secret pour obtenir des gâteaux à bas prix. Les cacahuètes et chutes de pâte servant à confectionner les millefeuilles remplacent les amandes, le miel est remplacé par un sirop de sucre et les dosages des produits sont variables», confie Lobna, ancienne employée dans ce genre de pâtisserie. Une autre espèce de commerçants de pâtisserie traditionnelle est apparue ces dernières années : les estafettes ambulantes chargées de mkhareq et zelabiya dites de Béja et d'autres formes de confiseries : baklawa, kaâk warqa, ghraïba, maqroudh, etc. dont les origines sont douteuses. Ce commerce à la sauvette est nuisible à la santé du citoyen et à l'économie du pays. A quand leur éradication ? Ou faut-il attendre l'arrivée d'une catastrophe sanitaire pour prendre les résolutions qui s'imposent ?