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L'école de demain (seconde partie) La sempiternelle question des langues
Lettre ouverte au Ministre de l'éducation
Publié dans La Presse de Tunisie le 11 - 08 - 2015


Par Mohamed Sadok Lejri
En ce qui concerne la place des langues étrangères dans notre système éducatif, et celle de la langue française en particulier, je vous demande, Monsieur le Ministre, la grâce d'être un peu plus indulgent là-dessus. A propos de l'accès des jeunes élèves aux langues étrangères à partir de la quatrième année primaire, je pensais que vous satisfaisiez certains intérêts, il s'avère que vous en êtes réellement convaincu. Monsieur le Ministre, êtes-vous un homme de gauche et un syndicaliste qui parle d'identité et d'arabité ?
Vous m'avez parlé d'identité, des « vertus de l'arabisation » et de l'«âge d'or de la civilisation arabo-musulmane». Permettez-moi de vous dire, Monsieur le Ministre, que c'est le genre de discours qui apporte de l'eau au moulin des islamo-conservateurs de tout poil. On vit dans un pays où l'on ne cesse de nous parler d'identité, cette prétendue identité arabo-musulmane que l'on martèle sans cesse, c'est l'environnement, l'état répulsif, dans lequel on est plongé. On n'arrête pas de glorifier la langue arabe et les valeurs de l'islam ; c'était le « golden age » selon les identitaristes et les réactionnaires.
L'école de demain et l'arabisation doivent être deux choses totalement distinctes. Malheureusement, la langue arabe véhicule, de nos jours, des valeurs archaïques. La langue arabe est désormais la langue du wahhabisme et de Daech. La langue arabe est une langue très classique. Lors de la conversation que nous avons eue ensemble, Monsieur le Ministre, vous avez recouru à l'exemple de l'hébreu et du coréen pour démontrer que les langues nationales ne constituent en aucun cas un frein à la croissance et au progrès. Mais, contrairement à la langue arabe dont les règles grammaticales et les principes directeurs datent du Moyen Age, les Israéliens utilisent un hébreu qui n'est pas ancien. Il en est de même pour les Coréens qui ont modernisé leur langue. D'ailleurs, dans ces deux pays, l'anglais y est omniprésent, a fortiori à l'école et à l'université. Les langues qui dominent le monde sont plus contemporaines. Que fait-on de tout le lexique lacunaire de la langue arabe ? La langue arabe peut-elle véhiculer les notions modernes ? Assurément, non ! La langue arabe est déficitaire, elle est déficitaire en notions et en termes scientifiques. La langue arabe se livre depuis longtemps à la translittération.
La langue arabe est une langue traditionnelle qui véhicule le religieux, un peu de littérature et, dans une moindre mesure, quelques bribes de sciences exactes qui, aujourd'hui, sont frappées de caducité. Même si l'arabe a tenté de se revigorer au cours du XXe siècle, ça reste insuffisant ! Trop peu pour bâtir l'école de demain et fournir à l'élève la maîtrise d'une langue qui sera le vecteur de la globalisation par excellence. Peut-on considérer la langue arabe comme faisant partie des vecteurs de la mondialisation ? La réponse est non. Même sur internet, la langue qui domine le monde virtuel est l'anglais. Le français détient également une place honorable, il en est de même pour le mandarin et l'espagnol.
Une question fondamentale mérite d'être posée : combien d'ouvrages sont publiés chaque année en langue arabe ? Car la publication est un baromètre. Les ouvrages qui sont publiés en Belgique sont plus nombreux que ceux qui sont publiés dans l'ensemble du monde arabe. Monsieur le Ministre, vous portez aux nues une langue dont les publications existent en quantités infinitésimales. Sur Wikipédia, par exemple, les articles publiés en italien sont à peu près six fois plus nombreux que ceux qui sont publiés en langue arabe, sans évoquer les articles publiés en anglais et en français. Tâchons de rappeler que l'arabe compte des centaines de millions d'usagers, alors que la langue italienne n'en compte que 60 millions ; la langue de Dante n'est pratiquée que par les Italiens de la botte et quelques italophones épars ça et là à travers le monde. Sur Wikipédia, les contributeurs arabes sont moins nombreux que les contributeurs polonais ou tchèques. La Tchéquie devance l'ensemble du monde arabe sur Wikipédia. De quelle arabisation parle-t-on ? Quelle est la place de cette langue dans le monde ? Que pèse-t-elle dans le monde ?
On s'arcboute sur un passé mythique, sur un passé fantasmé et triomphal. Si on arabise au nom de ce passé les matières scientifiques, elles passeront toutes à la trappe. Si, en Tunisie, le français et l'anglais perdent encore du terrain, si l'on contribue encore plus à leur affaiblissement, on retardera davantage notre sortie du sous-développement, notre délivrance des ténèbres. L'arabisation est un projet dangereux et criminel. Il convient de tirer des leçons de ce qui s'est passé en Algérie, de tirer des enseignements de l'arabisation tous azimuts qui a eu lieu dans ce pays. L'Algérie l'a déjà essayée et on connaît le résultat. L'Algérie est le meilleur exemple du naufrage de l'enseignement. Si on fait comme l'Algérie, l'enseignement tunisien ne vaudra plus rien dans quelques années. Pourquoi ne pas s'inspirer du Maroc, par exemple, qui a un baccalauréat international reconnu par tous les pays ?
Lorsqu'il s'agit d'enseigner, il faut oublier l'identité et les chimères qu'elle enfante. La seule question qui doit être posée lorsqu'on est ministre de l'Education est : sommes-nous en train de fournir aux jeunes générations les outils intellectuels qui leur permettront d'affronter le monde plus tard ? L'élève, ce futur adulte, pourra-t-il affronter le monde avec ce qu'on lui inculque dès sa prime jeunesse ? Pourra-t-il devenir un « citoyen du monde » ? La langue arabe ne nous permettra pas de réaliser tout cela ! L'accès aux « langues étrangères » à partir de la quatrième année primaire, c'est achever l'apprentissage des langues dites étrangères. L'élève n'est plus réceptif après un certain âge, le recul de l'échéance de l'apprentissage des langues sera une catastrophe pour la maîtrise des langues dites étrangères ; l'accès aux langues doit se faire le plus tôt possible. Retarder encore plus l'accès des élèves aux langues étrangères enfoncera davantage notre système éducatif. Quand on impose ses convictions, ses propres penchants, à des milliers de gosses, c'est qu'on est sectaire. Les islamistes et les réactionnaires de tout acabit se sont certainement réjouis, Monsieur le Ministre, de votre proposition d'accès aux langues étrangères à partir de la quatrième primaire. Il faut s'éveiller et se familiariser avec les langues étrangères le plus tôt possible.
L'arabisation ne mènera à rien. Factuellement, selon l'ONU, la zone arabe est la région la plus arriérée du monde. Les pays arabes sont derrière les pays de l'Amérique latine et les pays asiatiques. Seuls les pays de l'Afrique subsaharienne sont capables de concurrencer les Arabes dans leur ignorance. La Tunisie, en tant que pays méditerranéen, a l'Europe à portée de main, ses partenaires économiques sont Européens, et ce n'est pas en arabisant qu'on aura des élèves et des étudiants compétitifs. Il est grand temps de se pencher sur cette équation : langue arabe=compétitivité ; langue arabe=efficacité...
Qu'on le veuille ou non, la Tunisie a bâti, tout au long du vingtième siècle, une élite éclairée grâce à la francophonie. Détruire la langue de Molière équivaut à détruire une assise éducative qui a donné de bons résultats et qui a donné naissance à de brillantes générations. On peut bien enseigner la langue arabe, mais pas aux dépens des autres langues et des matières scientifiques. On ne retarde pas l'accès à la langue française pour soi-disant accorder la primauté à sa « langue d'origine ».
L'arabe est la langue des pays les plus arriérés au monde, nos écoles et nos universités sont parmi les moins compétitives au monde. Nous allons enraciner davantage une langue qui, pour l'instant, n'a pas de place dans ce monde. L'arabe peine à s'imposer, il peine à exister parce qu'on ne publie pas en arabe, on ne raisonne pas en arabe, on ne pense pas en arabe. On ne peut citer aucun scientifique arabophone, alors que les scientifiques anglophones et francophones arabes ou d'origine arabe sont légion. C'est grâce au français et à l'anglais, si des scientifiques arabes ont obtenu des récompenses internationales et sont aujourd'hui reconnus à l'échelle mondiale.
Il faut, par étape, donner à l'arabe sa chance, mais pas aux dépens des autres langues. On peut approfondir l'arabe et l'améliorer. On peut améliorer la qualité de son enseignement, en revanche cela ne doit pas se faire par le rejet des autres langues, notamment du français et de l'anglais. La langue française ne doit pas plus être perçue comme une «langue de seconde zone». La langue française ne doit plus être considérée, en Tunisie, comme une « langue subalterne», comme c'est actuellement le cas. La Tunisie était fière de sa francophonie, laquelle faisait partie de son identité. Mais, aujourd'hui, cette langue équivaut au croate ou au finnois au niveau de l'importance. Placer le français sur le même piédestal que n'importe quelle autre langue étrangère, c'est disgracier une langue et une culture. Voilà ce que vous êtes en train de faire, Monsieur le Ministre ! Voilà ce que votre proposition peut entraîner. Si Neji Jalloul : voilà ce qu'il ne faut pas faire, c'est l'équation qui exprime la nature de la proposition que vous avez faite quelques semaines avant les vacances de l'été (à savoir l'accès des jeunes élèves à la langue française à partir de la quatrième primaire). L'arabisation tous azimuts et la mort de la langue française en Tunisie provoquera un cataclysme culturel dont les portées seront extrêmement graves. Arabiser, c'est entraîner des lacunes sur plusieurs générations.
Si vous allez dans ce sens, Monsieur le Ministre, les deux lycées français de Tunis supplanteront tous les établissements publics de Tunisie et deviendront en quelques années les deux seuls lycées d'élite. Faire des deux lycées français, les seuls lycées d'élite, des lycées d'exception, est-ce cela votre objectif Monsieur le Ministre ? Une réforme basée sur l'arabisation entraînera la déchéance de l'enseignement public. Il ne s'agit pas de sacrifier les futures générations à une mode, à une pseudo-revendication identitaire, mais de dépasser les clivages idéologiques et les débats stériles sur l'identité pour bâtir un bon enseignement et une école compétitive. L'arabe nous permettra-t-il cela ? J'en doute fortement. L'arabe pourra-t-il être fructifié et guider les futures générations vers le succès ? Assurément, non !
En bâtissant l'école de demain, il faut avant tout tenir compte de la réalité actuelle géopolitique et se référer à certains faits et réalités. Aujourd'hui, géopolitiquement, le monde arabe et sa langue ne comptent pas, le monde arabe est un monde soumis et dépendant. A part les extravagances religieuses, on ne publie quasiment rien en arabe. On ne découvre pas en arabe. Les chercheurs ne recourent pas à cette langue. N'imposons pas aux jeunes une langue qui ne leur sera d'aucun secours. Ils se jetteront, par la suite, dans des embarcations de fortune pour rejoindre le vieux continent avec, en guise de bagage, l' « arabe des ancêtres ». De grâce, Monsieur le Ministre, ne bédouinisez pas davantage l'enseignement tunisien !
A mon avis, c'est ce qui est le plus grave : revenir sur des acquis en les jetant comme des vieilleries pour nous enfermer dans le grenier identitaire et bâtir sur du faux, pour nous projeter dans l'avenir à partir de fantasmes. Ne bâtissez pas la nouvelle école, Monsieur le ministre, à partir de fantasmes, à partir d'un mirage : le mirage de l'arabité, le mirage d'une civilisation fantasmée. L'enjeu du XXIe siècle ne passe nullement par des illusions. Une grandeur illusoire ne serait pas d'un grand secours face à la compétitivité féroce du XXIe siècle et du monde moderne.
A mon avis, vous voulez poser les premiers jalons d'une grande réforme, Monsieur le Ministre, car vous voulez être le précurseur d'une grande réforme éducative. Vous voulez marcher sur les traces des grands réformateurs tunisiens, et c'est tout à fait légitime ! Mais, de grâce, ne sacrifions pas l'enseignement public, l'école de demain, sur l'autel de l'identité, à l'aune de vos convictions, réformons à l'aune de ce qui est bon pour les futures générations, sans se laisser dominer par les considérations identitaires. Oubliez votre ego, le pragmatisme s'impose de lui-même. Il faut effectuer des recherches très sérieuses, un travail de fond, une consultation, pour savoir la direction dans laquelle nous nous engageons en arabisant davantage notre système éducatif. Que peut entraîner tel engagement ou telle réforme ? L'arabisation pourrait, à mon humble avis, engager la Tunisie sur une voie irréversible. Par rapport à votre conscience, par-delà vos convictions personnelles, êtes-vous prêt à engager la Tunisie dans la voie de l'arabisation à outrance ? Au-delà des complexes liés à notre passé colonial, la langue arabe servira-t-elle nos intérêts ? Arabiser l'enseignement, c'est engager le pays vers une voie catastrophique. Au final, vous serez responsable de ce fiasco devant l'Histoire, Monsieur le Ministre. A présent, que vous le vouliez ou non, l'arabisation est un projet illusoire.
L'école de demain ne doit pas perdre la trace d'une francophonie profondément enracinée. Il faut rendre à César ce qui est à César, Il faut rendre à la langue française tout le mérite qui lui revient. Qu'on le veuille ou non, le français a fait son histoire en Tunisie. Vous parlez d'un Moyen Age, d'un âge d'or arabo-musulman, que vous n'avez pas vécu et, moi, je parle du XIXe siècle qui ne remonte pas à si loin, du XXe siècle que j'ai en partie vécu et du XXIe siècle que je suis en train de vivre. Il ne faut pas avantager l'arabe au détriment d'une autre langue, notamment du français. Ou alors, que faisons-nous encore à l'organisation internationale de la francophonie (OIF) ? Affaiblir le français, c'est enrayer des acquis pour se lancer dans un projet hasardeux. Et les générations futures en pâtiront.
Croyez-moi, Monsieur le Ministre, on pourrait rédiger un bouquin concernant le projet d'arabisation et l'intituler : « Chronique d'un échec annoncé ». En effet, c'est un échec dont on ne peut échapper. Les convictions personnelles d'un ministre ne doivent pas constituer une menace pour l'avenir des futures générations. On ne grève pas l'avenir des futures générations pour assurer un présent fidèle à certaines convictions. Les arabophones éclairés ne sont pas nombreux. Les quelques professeurs de La Manouba et les intellectuels qui passent à la télévision ne reflètent pas l'état actuel du monde arabe et la médiocrité qui le caractérise.
Si Neji, vous êtes en train de prouver que vous êtes un excellent ministre, mais, même si vous êtes muni des meilleures intentions, la proposition que vous avez faite, quant à l'accès des élèves aux langues étrangères à partir de la quatrième primaire, est désastreuse. Comme quoi, l'enfer est pavé de bonnes intentions. Arabiser, aujourd'hui, dans l'état actuel des choses, c'est donner un coup de main à Daech et consorts. Un grand danger nous guette, ne soyons pas autistes sur cette question. En arabisant, vous offrez l'arme la plus redoutable aux barbus de Daech, car c'est avec la langue qu'on formate les esprits. Lorsqu'on inculque à un enfant la primauté d'une langue et d'une culture qui, de nos jours, véhiculent autant d'extrémisme, le jeune homme qu'il sera plongera à corps perdu dans les ouvrages qui prônent la violence et le fanatisme. Arabiser, c'est jeter les enfants dans les bras des extrémistes religieux. Valoriser l'arabe de façon excessive, c'est préparer le terrain à ceux qui accaparent les jeunes esprits au nom d'une idéologie totalitaire ; c'est comme si on leur déblayait le terrain en quelque sorte. On offrira, ainsi, toute une génération aux prédicateurs du Golfe et aux prosélytes de tout poil. Evitons d'envisager notre avenir culturel et intellectuel qu'à travers le prisme de l'arabité, de l'islamité et de l'identité, car ceci est aliénant et dangereux.
La Tunisie a des origines diverses. Alors pourquoi accorder la primauté à une langue sous-prétexte d'une civilisation fantasmée ? Si l'arabe est notre langue nationale, le français est une langue quasi nationale. Les jeunes Tunisiens ne sont plus capables de raisonner, de réfléchir, d'avoir des affinités avec une culture moderne et laïque, et retarder l'enseignement du français ne fera qu'empirer les choses. Si Néji, vous êtes un militant de la première heure, un brillant et courageux intellectuel, ne soyez pas à l'origine de la déchéance de notre enseignement !
Pendant des années, nous regardions vers la France et nous nous en sommes inspirés. Aujourd'hui, nous sommes en train de tourner le dos non seulement à la culture, mais également à la science et à la transmission du savoir, et ce, en facilitant l'endoctrinement des jeunes. « Tout ce qui dégrade la culture, raccourcit les chemins qui mènent à la servitude » écrivit Albert Camus. Aujourd'hui, l'arabisation s'assimile à l'endoctrinement, elle serait même synonyme d'endoctrinement. L'arabisation à outrance est un cauchemar qui guette la Tunisie. Arabiser davantage, c'est faire preuve d'hypocrisie. En effet, on prône l'ouverture d'esprit et la sacralisation du savoir et, dans notre enseignement, on ferme la porte aux autres cultures, notamment aux cultures dites occidentales. En arabisant, on enracine les germes de l'extrémisme, car l'arabité triomphante est devenue un vecteur d'extrémisme. Saddam et cie nous ont vendu cette image : la grandeur de la nation arabe. Admirez le résultat Monsieur le Ministre !
En arabisant, vous ferez le lit des islamistes et deviendrez l'allié objectif des Qataris et de tous les enturbannés du Golfe. Vous êtes francophone, mais aussi profondément arabophone et viscéralement laïc et de gauche. En revanche, les futures générations arabisées, elles, ne seront pas sensibles au discours de la gauche progressiste et « mécréante ». D'ailleurs, vous savez très bien que la littérature arabe de gauche ne trouve pas sa source dans les pays arabes. En arabisant encore plus et en retardant l'accès aux langues étrangères, vous ferez le lit des extrémistes. Ne cédons pas aux pressions liées aux injonctions identitaires, cessons de magnifier les choses qui entravent notre chemin vers le progrès, ouvrons-nous au monde moderne à travers les langues et faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour que l'école publique ne s'effondre pas. Cette dernière a déjà été fortement avariée et bédouinisée ainsi !...


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