Par Foued ALLANI Paralysé par le doute, les craintes, le flou, un pessimisme rampant et autres, bref, victime d'une véritable aboulie (absence de volonté), le peuple tunisien tarde à effectuer son sursaut salvateur. Un soulèvement positif contre tous les dysfonctionnements et autres maux qui freinent son développement culturel, social, économique et politique et qui sont en train de le piéger dans un cercle vicieux conduisant entre autres à une inéluctable paupérisation à tous les niveaux et à une dépendance destructive vis-à-vis de la conjoncture internationale et les puissances étrangères. Une mobilisation totale et globale de toutes ses ressources humaines, matérielles et financières est donc devenue cruciale pour que le peuple tunisien puisse échapper au courant qui est en train de le happer pour le jeter dans l'œil du cyclone. L'action nécessite cependant une prise de conscience collective de son extrême urgence et son extrême utilité et la naissance d'un fort leadership dans ce sens, avec une série d'objectifs d'égales importances : Premier objectif : l'éradication totale de la pauvreté et de toutes les manifestations sournoises de celle-ci. Second objectif : freiner l'usure de la classe moyenne, épine dorsale de la société. Troisième objectif : améliorer les ressources financières de l'Etat et instaurer en système permettant leur rationalisation. Quatrième objectif : entamer les grandes réformes dont le processus tarde à être déclenchés. Cinquième objectif : instaurer un système de discrimination positive en faveur des régions victimes de l'injustice dans le domaine du développement. Sixième objectif, favoriser le produit local à tous les points de vue. visés en même temps, ces objectifs non exhaustifs nécessitent d'abord la mise au point d'un nouveau modèle de consommation. L'actuel souffre en effet de deux grandes tares qui sont le gaspillage excessif, d'une part, et la sous-utilisation de certaines ressources, d'autre part. Ressource la plus noble : le capital humain mérite mieux en Tunisie. ce sont, en effet, près de 100.000 cas d'abandon scolaire chaque année, quelque 250.000 diplômés du supérieur au chômage avec, en plus, près de 70.000 nouveaux venus sur le marché du travail chaque année au sein de cette catégorie, quelque 8.400 compétences tunisiennes à l'étranger très faiblement sollicitées, des milliers de compétences à la retraite pouvant encore être utiles. Ce sont aussi des milliers de handicapés marginalisés, des milliers de cadres au «frigo» victimes de conflits internes, des milliers d'employés mal encadrés, de travailleurs sujets à l'absentéisme pour accidents ou maladies, etc. Cela sans oublier les milliers de travaux de recherches utiles mais, hélas, livrés, à la poussière des étagères. L'état de santé de notre capital humain doit faire l'objet, à lui seul, d'un sursaut national. Maladies chroniques handicapantes en nette progression, infections de tous genres dont les saisonnières à facteur viral ainsi que les affections dues aux diverses pollutions, carences et pléthore côté alimentation, tabagisme, alcoolisme et drogues qui touchent plus de jeunes et de femmes, accidents graves et mortels, etc. Une situation qui, non seulement, occasionne un énorme manque à gagner mais qui génère des dépenses faramineuses dont une partie est supportée par l'argent public Ajoutons à cela une oisiveté révoltante chez les jeunes au cours des vacances et un temps précieux, gaspillé par tous et partout. Côté ressourses matérielles, nous enregistrons un gaspillage fou des terres arables (érosion et urbanisation) avec, à l'opposé, une quasi-inertie en termes de mobilisation de nouvelles superficies gagnées surtout sur les terres semi-arides et arides. Gaspillage de l'eau, côté consommation et faiblesse de la mobilisation de cette ressource dont une grande partie est perdue. Deux grands problèmes qui nécessitent eux aussi un véritable sursaut. La généralisation et la systématisation de la collecte des eaux de pluie et de leur stockage ce qui pourrait, en effet, permettre de gagner de nouvelles terres à cultiver. Idem pour les énergies, gaspillage côté consommation et faiblesse de la mobilisation de l'autre. L'énergie solaire est capable, à elle seule, de répondre à tous nos besoins en cette ressource vitale. Plusieurs fois évoqué sur ces mêmes colonnes, le gaspillage de denrées alimentaires est, en Tunisie, une vraie calamité. Un fléau à deux niveaux car on mange plus que nos besoins côté quantitatif (gaspillage nutritionnel) et on jette trop de restes (gaspillage par jet à la poubelle). Environ 30 millions de dinars sont par exemple jetés par la fenêtre rien que pour le pain invendu dans les boulangeries. Côté ressources financières, nous citerons le gaspillage dû aux dépenses publiques superflues (nous avions évoqué ici une austérité intelligente), une fiscalité déficiente (injustice et évasion), la contrebande qui ronge notre économie et qui frappe à mort l'Etat ainsi que les producteurs, la faiblesse de l'épargne nationale, la négligence de la Zakat dont les vertus ne sont pas à démontrer, le montant très élevé des allocations touristiques, la subvention aveugle de certaines denrées en l'absence des résultats escomptés. Voilà donc un inventaire non exhaustif des actions à entreprendre dans le cadre d'une vraie mobilisation nationale qui ne doit plus tarder et qui ne peut réussir sans deux piliers fondamentaux : la réhabilitation de notre culture nationale, et celle du service national.