En attendant la conclusion de l'enquête, l'hypothèse de l'implication de jihadistes tunisiens dans ces attentats n'est pas exclue par les investigateurs français Cinq jours après les sanglants attentats terroristes de Paris qui ont fait au moins 129 morts et plus de 300 blessés, dont certains sont dans un état jugé critique, aussi bien l'Hexagone que tous les pays du monde sont encore sous le choc, le drame étant d'une monstruosité inouïe et d'une rare barbarie. Et alors que l'on épiloguera peut-être encore longtemps sur l'étonnant modus operandi des auteurs de cette tragédie et sur la prodigieuse réussite de cette opération, c'est à un vrai casse-tête que les enquêteurs français ont désormais affaire. En effet, dans un pays où l'heure était jusque-là à l'alerte maximale depuis l'attaque de Charlie Hebdo (12 tués), dans un pays où l'inquiétude était telle qu'on a dû, depuis, recourir, pour la première fois depuis des décennies, à l'armée pour descendre dans la rue, il est clair que les attentats de vendredi dernier, jugent experts avertis et observateurs neutres, prouvent au moins deux choses, à savoir : – Primo : les failles dont souffre l'appareil sécuritaire. Et c'est franchement impardonnable, quand on sait que la France n'avait pas à oublier qu'elle est directement impliquée aussi bien dans la lutte contre le terrorisme en Afrique (Mali, Tchad...) que dans les bombardements aériens menés par la coalition internationale en Syrie et en Irak. Pourquoi donc l'hypothèse d'éventuelles représailles de Daech n'a pas été prise au sérieux ? A-t-on réellement pris en considération les menaces revanchardes brandies pourtant à répétition par ce mouvement sanguinaire ? – Secundo : les enquêteurs français s'accordent à dire qu'ils sont face au dossier le plus sensible et le plus complexe dans l'histoire de la sécurité nationale dans ce pays. C'est d'ailleurs d'autant plus vrai qu'ils n'en reviennent pas encore, sur fond d'interrogations les unes aussi énigmatiques et intrigantes que les autres : quel est le nombre réel des assaillants ? D'où sont-ils venus ? Comment ont-ils réussi à introduire tant d'armes sur le territoire ? Ont-ils bénéficié de complicités ? Si oui, lesquelles ? Comment ont-ils pu perpétrer autant d'attentats, et simultanément et dans un périmètre restreint ? Où sont passées, ce soir-là, les mesures sécuritaires préventives, d'habitude exceptionnelles, autour d'un stade où... le président de la République suivait un match de football ? Y a-t-il un rapport entre ces attentats et la fulgurante vague de réfugiés qui a frappé le Vieux Continent ? Les deux passeports retrouvés sur les lieux du drame sont-ils authentiques, ou alors de faux documents dont Daech, on le sait, est capable de falsifier des centaines de copies avant leur diffusion à travers le monde ? Autant donc de zones d'ombre dont la démystification nécessite des semaines, voire des mois d'investigations. Aucune hypothèse n'est à écarter Maintenant, les enquêteurs de l'Hexagone sont persuadés que Daech est passé par là. Ils ne sont pas, non plus, sans savoir que le plus dur reste à faire. Il est vrai que l'ennemi est autrement plus dangereux, plus imprévisible et mieux structuré que tout autre groupe jihadiste (étonnante capacité d'endoctrinement et de recrutement, puissance financière, arsenal militaire redoutable, «mainmise» sur la Toile...). Tout cela pour dire que toutes les hypothèses, y compris les plus invraisemblables d'entre elles, ne sont pas, pour le moment, à écarter. L'une d'elles, d'ailleurs envisagée en tant que piste à ne pas abandonner, serait la participation d'un takfiriste de nationalité tunisienne aux derniers attentats de Paris. Thèse soutenue, aux dernières nouvelles, par tous ceux qui savent que les Tunisiens constituent l'ossature de Daech qui en compte plus de 5 mille combattants auxquels on confie généralement ce genre de sale besogne (rapts, attaques à la ceinture et à la voiture piégée). De surcroît, il va falloir compter avec l'imposante colonie tunisienne basée en France (plus de 650 mille) où pourraient sévir des jihadistes passant incognito et œuvrant en étroite collaboration avec les autres groupuscules daechistes évoluant en Europe. C'est pourquoi nous apprenons que les services de renseignements français ont tôt fait, depuis samedi dernier, de solliciter la collaboration de leurs homologues tunisiens, à travers la demande d'un surplus d'informations sur les derniers mouvements des terroristes tunisiens, particulièrement ceux qui avaient rallié le Vieux Continent, via la Turquie.