«Ne nous voilons pas la face, l'on n'a fait que repousser l'échéance depuis des années. Le ST a flirté avec la rétrogradation plus d'une fois». Qui mieux que le meilleur buteur de l'histoire du Stade Tunisien avec 85 buts peut émettre un jugement de valeur sur le grand club du Bardo : « Le Stade a payé le prix de son laisser-aller et de son refus permanent de la réforme. Promesses en l'air, bluff, recherche des effets d'annonce, dilettantisme, anachronismes, dysfonctionnements, indiscipline, manque d'autorité, absence de vision, c'est bien connu, au Stade, rien ne se passe jamais comme ailleurs ! On navigue à vue et quand tout va mal, quand le bâtiment est menacé de naufrage, on panique, on saborde en pensant colmater, et sauve qui peut ! Au Stade, l'investissement, supposé être défini à partir des déterminants, est tout sauf porteur. Regardez ce qu'ils ont récemment fait du complexe Hedi-Ennaïfer dont l'étiquette d'arène de surexcités lui colle désormais à la peau. Nous ne sommes plus dans le doute mais dans le spleen d'une situation intenable. A part quelques éclairs par-ci par-là, la saison a été terne et sans relief. Empruntés à domicile dans cette enceinte flambant neuve qui ne semble pas à leur taille, les Stadistes ont montré différentes facettes, mais quelque chose d'alarmant couvait dans ce contraste. Vers la fin, le ST n'y arrivait plus. Quelles sont les raisons de ce naufrage ? Je vais tout d'abord décortiquer l'aspect technique avant de passer à l'environnement et à l'encadrement. Primo, il n'y a pratiquement aucune identité de jeu de l'équipe. Lassaâd Dridi avait les défauts de ses qualités, son jusqu'au-boutisme téméraire et inédit détonait, mais il était entré dans les cœurs des supporters. La crise couvait. C'était avant son départ annoncé, au lendemain d'un premier revers, du reste annonciateur de ce que cette saison allait être. Car son successeur, Maher Kanzari, a par la suite peiné à donner un style à cette équipe. Les quelques coups d'éclat réalisés (victoire sur le CA par 4-2) n'était que l'arbre qui cachait la forêt pour une équipe sans idées, abandonnée à ses velléités individuelles dans le jeu, et dont l'expression collective semblait illisible. La fracture à l'intérieur même de la bulle stadiste allait par la suite s'accentuer et Kanzari jeta l'éponge. Vint ensuite le bail de Hichem Ncibi, un homme policé via des discours travaillés et une volonté d'agir dans la sérénité. Sauf que, rapidement, le fossé s'est creusé sur le plan du relationnel entre un entraîneur en quête de ressorts et un groupe qui ne répond plus. Irrité suite aux premières étincelles de l'indiscipline, Ncibi ne savait plus à quel saint se vouer. Il a beau chercher à s'appuyer sur deux joueurs irréprochables, il va inévitablement déchanter. En clair, le staff technique s'est attelé à colmater les brèches plus qu'à reconstruire. Vraiment dommage car le jeu du Stade se bonifie lorsque le groupe se trouve dans un contexte de sobriété. Il se détériore, au contraire, dès les premiers signes de panique. Là apparaissent les lacunes criantes plus que les prouesses d'un ensemble à bout de souffle en fin de saison. C'est désolant quand on se retrempe dans l'histoire des grands hommes qui ont dirigé le ST. Feu Hédi Ennaïfer, un grand commis de l'Etat doublé d'un dirigeant sportif hors pair, a veillé sur le Stade d'une main de fer dans un gant de velours de 1973 à 1988. Disponibilité, fidélité à certains principes, unité, cohésion et métier, on ne dirige pas un bastion tel que le Stade comme on gère une autre institution. Imaginez maintenant la mission latente qui attend le Stade Tunisien pour vite retrouver l'élite et ne pas sombrer dans les méandres de la Ligue 2. Reconstruire sur des bases saines sans recourir à un colmatage de surface. Ça demande de l'engagement et surtout du courage car toute bonne décision ne fera pas forcément l'unanimité. Suivez mon regard...»