Par Jawhar CHATTY Le projet de loi de finances semble donner du fil à retordre au chef du gouvernement. Dans cette galère, il n'est pas le seul. En attendant le texte final qu'il devra présenter à l'ARP au plus tard le 15 octobre, les conjectures et les supputations font florès. Les pressions corporatistes aussi. Pour les fiscalistes, cette période de l'année est traditionnellement ce qu'est la haute saison pour les professionnels du tourisme. Il se trouve cependant que dans la perspective de l'exercice 2017, ils sont, cette fois-ci, tout particulièrement sollicités. Après les robes noires et leur projet de «fiscalité de l'avocat», il faudrait s'attendre — si ce n'est déjà fait — à ce que les blouses blanches présentent à leur tour leur projet de «fiscalité du médecin». Le mimétisme étant un trait saillant de la société tunisienne, il faudrait s'attendre à ce que d'autres corporations dûment structurées ou moins déclarées — entrent en jeu. L'Ugtt n'a pas attendu le projet de loi de finances pour se prononcer : c'est un niet clair et catégorique. Oui, pour des sacrifices mais pas exclusivement sur le dos de ceux qui s'acquittent régulièrement, fidèlement et à la source de leur devoir fiscal. Même ton, à quelques nuances près, du côté de l'Utica : déjà qu'ils subissent quotidiennement l'affront de l'informel, les chefs d'entreprise patentés qui paient dûment leurs impôts ne toléreront pas d'être astreints à payer pour les contrebandiers. Et peut-être même aussi pour ceux, au sein de la même corporation, qui ont l'habitude de guetter l'amnistie fiscale ! Dans ce brouhaha, seuls les gens au-dessous du seuil de pauvreté ne se posent pas de question. Une loi de finances, cela n'a jamais été leur première préoccupation ! Toutes les lois de finances les ignorent d'ailleurs de facto. Elles les épargnent en les oubliant ! Tout comme étrangement du reste les hors-la-loi de la grande contrebande. Cette année, les médias semblent tout particulièrement s'intéresser à cette galère qui, d'une certaine manière, ira voguer de la Kasbah vers le palais du Bardo. C'est tout à leur mérite. Le plus important convoi sans doute ne mérite pas moins. Il s'agit du texte le plus important puisqu'il prévoit pour chaque année civile les ressources et les charges de l'Etat. Mais l'observance d'un convoi d'une telle importance répond à des règles de rigueur qui interdisent une quelconque confusion entre austérité et rigueur budgétaire, déficit courant et déficit budgétaire, endettement et balance des paiements... La confusion surtout entre l'accessoire et le principal, entre ce qui est nécessaire et ce qui est impérieusement urgent. L'Etat est au bord de la faillite. Il faut le dire. Il ne s'agit plus d'épiloguer, de se demander à partir de quand on pourrait appeler telle politique une politique d'austérité. Puisque la perspective de l'austérité est inéluctable, autant l'entamer aujourd'hui. Avec toutefois l'engagement ferme que les sacrifices consentis de part et d'autre iront absolument vers l'investissement et qu'ainsi l'on pourra plus tôt recueillir les dividendes de cette austérité. C'est ce message que devra, à notre sens, développer le chef du gouvernement. Cette pédagogie des réformes et de l'austérité aura au moins le mérite de nous faire épargner les confusions, les relents capricieux, les supputations, les surenchères, les pressions corporatistes...