Par Samira DAMI La 27e édition des JCC (Journées cinématographiques de Carthage) a vécu. Et malgré les failles et les problèmes d'organisation, un des événements parmi les plus importants du festival mérite, bel et bien, un arrêt sur image. Il s'agit, en l'occurrence, de l'initiative importante des JCC dans les prisons. Ainsi pour la deuxième fois consécutive les journées se sont invitées dans les prisons à travers la programmation de plusieurs films, entre courts et longs métrages arabes et africains, de la compétition officielle. Cela en présence de leurs réalisateurs et acteurs et autres invités du festival. Organisé en partenariat avec l'organisation mondiale contre la torture représentée par «Emtiyez bellali», ces projections se sont déroulées dans 5 prisons pour hommes et pour femmes (Borj Erroumi, La Manouba, Mornag, Messaâdine à Sousse, Mahdia) et un centre de redressement (celui pour garçons d'El Mourouj). Les films projetés ont été sélectionnés par un des comités artistiques de cette 27e édition, citons, entre autres, «Fleur d'Alep» de Ridha Béhi, «Nhebek Hédi» de Mohamed Ben Attia, «Zizou» de Férid Boughedir, etc. C'est au centre de redressement des garçons d'El Mourouj que nous avons assisté, le samedi 5 novembre, en compagnie des réalisateurs, journalistes, d'activistes de la société civile et d'invités, à la projection de quatre courts et moyens métrages de la compétition officielle : «Har gaf sayfen» de l'Egyptien Shérif Al Bandary, «The boy in the picture» de l'Irakien Hisham Zamen, «Aya va à la plage» de la Marocaine Maryam Touzani et «Chmindifer» un film d'école de la Tunisienne Houda Maddahi. Dans une grande pièce reconvertie en salle de projection, environ 70 garçons détenus, en majorité, pour petites délinquances, accompagnés des responsables et du directeur du centre, ont suivi, dans un silence religieux, les quatre opus programmés. Et ils ont beaucoup ri en regardant le film égyptien «Har-Gaf Sayfan». Ils ont, notamment, apprécié la chute amusante du film et son message clair et limpide qui prône que «tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir». Et c'était, visiblement, si bon pour leur moral. Justement, ces jeunes adolescents n'ont pas manqué d'apprécier le message qui fait chaud au cœur et dont ils ont vraiment besoin, le temps de leur incarcération dans le centre. Au cours du débat, ils ont fait preuve d'une grande sensibilité pour l'art du cinéma. Certains parmi eux ont même participé à un atelier d'initiation à la réalisation, organisé par le centre durant six mois. «Essayez le cinéma expérimental, c'est le meilleur genre!», a lancé l'un d'entre eux à ses camarades amusés et hilares. Partage et échange Les garçons du centre de rééducation d'El Mourouj n'oublieront pas de sitôt cette matinée si spéciale qui leur a apporté rêve, évasion et réflexion. Ils ont vraiment «kiffé» les bons moments de cinéma véhiculés entre autres par le film irakien «The boy in the picture», mettant en scène les retrouvailles entre un enfant de 5 ans et son père, dans le parloir d'une prison. Emouvant ! Ces initiatives permettant d'apporter des instants de partage et de bonheur aux incarcérés jeunes et moins jeunes devraient être multipliées sous nos cieux. Et au moment où le pays s'apprête à vivre la 18e édition des JTC (Journées théâtrales de Carthage) du 18 au 26 novembre, il serait souhaitable que quelques représentations théâtrales soient données dans certaines prisons. Cela toujours dans le même but: offrir à ceux et celles qui sont privé(e)s provisoirement de leur liberté l'occasion de fêter, à l'instar du reste des Tunisiens, les grands événements culturels s'agissant, cette, fois-ci, du 4e art. Car cette catégorie de citoyens et de citoyennes incarcéré(e)s ont, malgré leurs fautes et forfaits, le droit à la culture autant que les citoyens libres. Surtout que les arts, qui, indubitablement, adoucissent les mœurs, pourraient contribuer à la reconstruction de leur personnalité et pourraient leur permettre de voir la vie autrement, et notamment les jeunes. Bref, l'initiative des «JCC dans les prisons» et le programme des films concocté dans cette section ont constitué l'un des points lumineux de cette 27e édition des JCC. Cela d'autant que nous avons observé un engouement spécial non seulement de la part des incarcéré(e)s mais aussi de la part des réalisateurs et acteurs tunisiens pour cette section, tant ils étaient nombreux et disponibles, sauf empêchements, afin de présenter leurs films dans les prisons. L'important à leur yeux n'étant pas seulement le partage et l'échange avec les prisonniers(ères) mais la sensibilisation de ces incarcéré(e)s à l'art du cinéma en particulier et aux autres arts en général.