Faut-il rappeler que l'assèchement du sport tunisien est bien réel, tout comme le danger d'un retour en arrière sur un terrain glissant ? Ce qui se disait à demi-mots se confirme. Le sport tunisien est aujourd'hui l'otage d'un bon nombre de ses responsables. Certes pas tous, mais ceux qui n'éprouvent point de scrupule pour se revendiquer en tant que tels ont en fait quelque chose de désincarné, qui perd du sens, et qui n'est plus qu'un moyen de déchirement, de division et même de démoralisation. C'est à partir de là que la culture du grenouillage, des arrangements douteux, se développe. C'est à partir de là aussi que plusieurs candidats aux différents postes sont de plus en plus amenés à n'être plus que les petits lobbyistes des intérêts privés, ou des intérêts de clans. Les élections du Cnot approchent et les candidats pour tel ou tel poste, pour telle ou telle responsabilité ne manquent pas, à l'instar du président sortant, Mehrez Boussayène, et des deux membres du bureau exécutif, en l'occurrence Ali Benzarti et Mahmoud Hammami. Mais avec quel programme, quelle stratégie ? Quel objectif, quelle ambition ? Dans l'absolu, il s'agit au fait d'une nouvelle occasion pour aborder la deuxième expérience de ce genre dans l'après 14-janvier 2011, mais aussi et surtout pour faire le bilan de quatre ans, certes de travail, mais aussi de manquement et de gâchis, qui ont marqué le sport tunisien. Et si l'on sait d'ores et déjà comment cela va finir pour l'actuelle équipe dirigeante, l'on n'est pas censé ignorer comment cela va commencer pour les successeurs. Faut-il craindre le pire? L'idée est là : la plupart de ce qui se fait aujourd'hui dans le sport, ce qui s'y trame, on ne le voit pas seulement comme défaillant, mais surtout comme une déviance constituée et entretenue par des personnes pourtant censées être responsables dans leurs actions et dans leurs actes. Il y a en effet comme une malencontreuse reconversion dans laquelle a glissé le sport. Elle réside dans la transformation de sa gestion en cercle privé. L'abandon progressif des grands principes, des orientations et de la cohérence au profit des approches personnelles, où n'interviennent plus que les intrus et les inopportuns sur des projets bien précis, a conduit à faire un entourage du sport et des partenaires qui jouent le jeu, qui se plient à toutes sortes de pratiques étrangères aux champs des convictions, des compétences et des initiatives. Ces phénomènes nous amènent à constater que les insignifiances et les dérives ne sont plus une affaire marginale qui concerne des gens peu futés et qui arrivent à se rendre utiles, mais qu'elle fait désormais système. Parce qu'ils ont un statut de responsables, beaucoup se sont crus dispensés d'avoir une morale. Au fait, ils n'ont rien appris des responsables dévoués et consciencieux qui ont fait les beaux jours du sport tunisien, qui par la force de leur dignité ont pu briser le carcan de la nullité. Ils n'ont rien oublié, non plus, de leurs prérogatives et de leurs privilèges, sûrs de leur bon droit, à peine ébranlés par ce qui ne fait que compromettre tout un système. Plus encore : ils n'ont pas l'étoffe, et encore moins le statut, pour renverser le code et inverser la trajectoire. Ils oublient d'ailleurs que les priorités du sport tunisien devraient se situer dans la recherche d'une harmonie plus efficiente, d'une unité de pensée et d'action encore plus efficace. Dans sa version actuelle, et dans les prérogatives qu'il développe, dans le comportement de ses responsables, le sport inquiète plus qu'il ne rassure... Le modèle tunisien impose encore une approche conservatrice selon laquelle les innovations techniques, mais aussi celles relatives à la bonne gestion, se trouvent affectées par des considérations dépassées. La précision n'est pas anodine, puisque le développement et les améliorations ne font pas partie des priorités absolues des instances fédérales, du Cnot et des clubs. Tout cela dépasse largement le débat autour des résultats, des médailles et des consécrations. Aujourd'hui, la question essentielle n'est pas de savoir si le sport tunisien a un présent, mais s'il a encore de l'avenir. L'avenir? Pourquoi ne pas l'associer à la solidarité et à la cohésion nécessaires entre les différentes parties prenantes? L'avenir, c'est surtout tous ces hommes et toutes ces femmes qui sont vraiment capables de forcer le destin. C'est aussi ceux et celles qui parviennent à faire la différence... Incapables de comprendre qu'un nouveau monde était né, les responsables actuels, encore une fois pas tous, sont devenus sourds aux appels à la raison. Sourds et méprisants devant les colères qui grondent autour des clubs et des fédérations. Ils ont abaissé la fonction de responsable par des actes dont elle risque de ne pas se relever de sitôt. Et puisque l'on parle de risque, faut-il rappeler que l'assèchement du sport tunisien est bien réel, tout comme le danger d'un retour en arrière sur un terrain glissant. Les hommes vont, les hommes viennent et le sport n'a pas encore trouvé les personnes capables de faire valoir une vision et un projet valables. Dans chaque campagne électorale, l'on parle de reconstruction. De réédification et de rétablissement de valeurs. De relèvement de niveau. Mais pas de changement, et encore moins de progrès, tant que les plaies du passé restent toujours ouvertes. D'autant que nous n'évoquons pas l'inaptitude de beaucoup de responsables à se fondre dans le cadre défini et à en façonner les règles.