Entre le gouvernement Youssef Chahed et l'Ugtt version Noureddine Taboubi, se profile à l'horizon un bras de fer à la faveur des prochaines grèves de l'enseignement de base et du secondaire et des enseignants universitaires et chercheurs. «Pour préserver la dignité» des éducateurs, toutes catégories confondues La nouvelle direction de l'Union générale tunisienne du travail (Ugtt), élue à la faveur du 23e congrès tenu les 23, 24 et 25 janvier dernier, est-elle en train de préparer le terrain à un nouveau bras de fer avec le gouvernement Youssef Chahed, une confrontation dont personne ne pourra mesurer les conséquences pour le moment ? Noureddine Taboubi, le nouveau secrétaire général de l'Ugtt, a-t-il décidé de rompre avec l'approche de gestion adoptée par son prédécesseur Hassine Abassi, qui essayait par tous les moyens à sa disposition de contenir la colère et la fronde continue des bases syndicales, notamment les secteurs de l'enseignement de base, secondaire et supérieur et de la santé et de canaliser au maximum leurs mouvements de protestation avant d'éviter le pire, c'est-à-dire les menaces régulières de grèves générales qui étaient annulées à la dernière minute. Grâce précisément aux interventions de Abassi auprès du chef du gouvernement et même du président de la République en dernier recours afin que les écoles et les lycées ne ferment pas et que les hôpitaux assurent le service minimum ? Ces deux questions s'imposent avec insistance auprès des observateurs qui suivent à la loupe les déclarations de Noureddine Taboubi, sa position sur les question en suspens, en particulier la guerre que livrent quotidiennement les deux syndicats généraux de l'enseignement de base et du secondaire au ministre de l'Education, Néji Jalloul, en exigeant le plus simplement du monde son départ du gouvernement «parce qu'il n'est plus possible de traiter avec lui car il n'arrête plus d'humilier les enseignants et de prendre des décisions de nature à torpiller le processus de la réforme éducative qu'il veut soumettre à ses ordres et orientations», comme ne cessent de répéter Lassaâd Yacoubi, secrétaire général du Syndicat général de l'enseignement secondaire, et Mastouri Gamoudi, secrétaire général du Syndicat général de l'enseignement de base, les deux syndicats annonçant, en effet, une grève générale pour le 22 février. Jusqu'au dernier jour de son mandat à la tête de l'Ugtt, Hassine Abassi est resté à l'écart du conflit opposant Lassaâd Yacoubi et Mastouri Gamoudi à Néji Jalloul et n'a fait aucune déclaration cautionnant l'appel à sa démission ou à sa révocation par Youssef Chahed. A l'opposé, Noureddine Taboubi s'est déclaré pour le départ de Néji Jalloul en annonçant qu'il évoquera «lors de (sa) prochaine rencontre avec le chef du gouvernement la possibilité d'une autre alternative à la tête du ministère de l'Education». Taboubi impose sa griffe «Rien n'est plus clair, estiment les observateurs. Il est en train d'imposer sa propre griffe au sein de l'Ugtt, lui qu'on considérait comme le véritable architecte de la politique suivie par Hassine Abassi mais qui agissait loin des médias. Aujourd'hui, il est le chef incontestable d'un bureau exécutif dont il a choisi à lui seul tous les membres. Et il veut montrer que son heure a sonné pour diriger à sa manière la Centrale ouvrière». Les mêmes observateurs ajoutent : «Il n'échappe à personne que Taboubi cherche à s'assurer le soutien de ceux qui n'ont pas voté pour sa liste, dont en premier les secteurs de l'enseignement secondaire et de l'enseignement de base dont les leaders se sont portés candidats sur la liste concurrente conduite par Kacem Afaya, le seul membre du bureau exécutif sortant qui a refusé de figurer parmi la liste dite du consensus». Et comme le bras de fer gouvernement-Ugtt est en train de couver en attendant le retour de Youssef Chahed de sa visite en Allemagne, voilà que Sami Tahri, membre du bureau exécutif et porte-parole de l'Ugtt, s'invite lui aussi à la messe générale en déclarant, hier, que «les syndicalistes ne sont pas contents du rendement d'un tiers des ministres du gouvernement Youssef Chahed». Il n'a pas mentionné les noms des ministres que l'Ugtt voudrait voir partir lors du prochain remaniement ministériel. Mais, il n'est pas sorcier de comprendre que Samira Meraii, ministre de la Santé, ou Mohamed Salah Arfaoui, ministre de l'Equipement, sont visés, à titre d'exemple, à la faveur de l'affaire du nourrisson de l'hôpital Farhat-Hached à Sousse et de celle du projet «Premier logement». Le signal de la confrontation Ugtt-gouvernement étant donné, les enseignants universitaires et les chercheurs se sont joints, hier, au mouvement général de contestation et ont annoncé «une grève nationale le jeudi 23 février dans tous les établissements d'enseignement supérieur tunisiens afin de satisfaire leurs revendications». La nouveauté est qu'on ne parle plus aujourd'hui dans les milieux universitaires uniquement de la révision de la grille d'avancement professionnel, du recrutement de nouveaux enseignants ou de détérioration des conditions de travail». Il s'agit, en effet, «de la préservation de notre dignité et de la protection de l'université tunisienne», comme le soulignait mardi dernier Zied Ben Amor, coordinateur général adjoint du Syndicat de l'union des enseignants universitaires et chercheurs tunisiens. Ce discours rejoint celui de Lassaâd Yacoubi et Mastouri Gamoudi qui assurent eux aussi que la grève du 22 février des instituteurs et des professeurs du secondaire est une grève ayant pour but de restaurer «la dignité des éducateurs bafouée à longueur de journée par Néji Jalloul». Ainsi, un nouveau type de grève est-il instauré par les syndicalistes. C'est la grève «restauration de la dignité» qui vient s'ajouter à la grève à revendications professionnelles, à la grève de solidarité avec d'autres secteurs en conflit avec les ministères dont ils relèvent.